Histoire de la Terre et de la vie - Actualités géologiques

Histoire de la Terre

L’histoire de la Terre racontée en 23 minutes et 34 secondes

Le youtubeur Balade Mentale a publié une vidéo où l’histoire de la Terre est abrégée en un peu plus de 23 minutes : Les Terres des temps anciens. Plus exactement, il s’agissait de montrer ses différents visages au cours du temps, depuis sa création il y a 4,57 milliards d’années. Cette vidéo mérite d’être vue bien qu’elle ait le défaut de faire passer des hypothèses pour des certitudes et de diffuser quelques informations erronées. Elle est de celles qui font aimer les sciences. Le présent article fait le point sur l’état actuel des connaissances tout en corrigeant les erreurs commises par Balade Mentale.

D’abord, il faut savoir que l’histoire de la Terre se lit dans ses roches. Le déchiffrage des roches est l’un des objectifs de la géologie. Ses spécialistes sont par conséquent de grands collectionneurs de pierres, mais leur passion n’est pas toujours comprise, parce qu’à première vue, les pierres n’ont rien de très attrayant. Certains marbres ou granites, à la rigueur, peuvent être utilisés comme pierres ornementales. Ils paraîtraient plus intéressants si l’on savait qu’ils sont âgés de quelques centaines de millions d’années et qu’ils nous racontent l’histoire de chaînes de montagnes aujourd’hui disparues.

L’Hadéen

Aucune roche terrestre n’est âgée de plus de 4,03 milliards d’années. Les plus anciennes sont des gneiss d’Acasta, au Canada. Le premier éon de la Terre, l’Hadéen, a été défini comme la période allant de sa naissance jusqu’à celle de ces gneiss. Elle s’étend donc sur à peu près 540 millions d’années. Puisqu’il n’existe pas de roche hadéenne, on pourrait croire que l’on est condamné à ne rien savoir sur cet éon. En fait, les scientifiques sont unanimes à penser que notre planète a commencé par être recouvert d’un océan de magma. Il y aurait même eu deux océans, un en surface et l’autre entourant le noyau. Le second aurait pu subsister jusqu’à la fin de l’Hadéen, voire au début de l’éon suivant.

Ces océans de magma restent théoriques. On pense aussi que l’atmosphère terrestre a d’abord été composée de vapeur d’eau, de dioxyde de carbone et d’azote. L’hydroxyde de soufre cité par Balade Mentale est un gaz qui n’existe pas. Il a en revanche raison de dire que la vapeur d’eau a commencé à se condenser à des températures dépassant les 100 °C, grâce la pression atmosphérique élevée. La pression partielle de CO₂ devait être comprise entre 40 et 210 bars et induire une température de 200 à 250 °C. Balade Mentale n’a pas mentionné les zircons hadéens. Ce ne sont pas des roches, mais de minuscules cristaux qui ont la capacité d’être très résistants et datables. Il s’est avéré que leurs âges remontent jusqu’à 4,4 milliards d’années. Ils sont par conséquent des vestiges de l’Hadéen et leur analyse a démontré que l’eau liquide existait sur Terre dès cette époque. L’océan de magma superficiel s’était donc solidifié il y a 4,4 Ga (milliards d’années) et il existait une croûte probablement basaltique avec par endroits de roches plus riches en silice, d’où proviennent ces zircons.

Vue d’artiste de la surface de la Terre durant l’Hadéen. Crédit: SwRI/Simone Marchi, Dan Durda.

L’Archéen

Le deuxième éon est l’Archéen, de 4 à 2,5 Ga. Son nom provient du grec arkhaios « ancien ». Il a été marqué, au début, par un bombardement météorique intense. Tout le Système solaire interne en a été affecté et la Lune en a conservé des traces visibles. Il serait dû aux mouvements des planètes géantes, mais certains astronomes, comme Simone Marchi, pensent que le bombardement était tout aussi intense durant l’Hadéen. Il a décru à partir de 3,8 Ga, lentement et non de manière subite. La Terre était encore frappée par des météorites et des astéroïdes de plusieurs dizaines de kilomètres de diamètre durant le Paléoarchéen (de 3,6 à 3,2 Ga). Ils ont sans doute contribué à façonner son visage d’une manière qui a été sous-estimée jusqu’à présent.

Le bombardement météorite tardif a-t-il apporté un surcroît d’eau sur la Terre ? Cela peut se discuter. Ce qui est certain, c’est qu’il y avait peu de terres émergées durant l’Archéen et que l’océan mondial était plus salé qu’aujourd’hui et riche en ions ferreux. Ces derniers lui donnaient une couleur verte et non pas orange comme le dit Balade Mentale. Il est en revanche exact que les tempêtes étaient violentes. L’énergie que la Terre recevait du Soleil aux latitudes tropicales doit être redistribuée vers les pôles. C’est le moteur de la circulation atmosphérique générale. Comme la Terre tournait plus vite sur elle-même, la force de Coriolis exercée sur les vents était plus grande. La Lune est responsable du ralentissement de sa rotation, grâce aux forces de marées qu’elle exerce sur notre planète. Parce que le moment cinétique du système Terre-Lune doit être conservé, la Lune s’éloigne lentement de la Terre et l’amplitude des marées diminue. Elle en était originellement à 22 000 km et elle en est maintenant à 384 400 km.

Les océans archéens étaient-ils chauds ? Les températures estimées par les géochimistes grimpent jusqu’à 70 °C au début de l’Archéen (alors que les profondeurs océaniques actuelles sont à 2 °C), mais ces estimations sont à prendre avec beaucoup de prudence. Elles reposent sur l’étude de cherts (ou jaspes) précipités dans des environnements hydrothermaux. Il semble que l’atmosphère archéenne ait contenu peu de gaz à effet de serre (dioxyde de carbone et méthane), alors que le Soleil était moins lumineux que maintenant. De plus, une glaciation s’est produite il y a 2,7 Ga, repérable en Afrique du Sud.

Tapis microbien fossilisé de la ceinture de roches vertes de Barberton, en Afrique du Sud.

La vie est apparue dans ces océans, peut-être autour des sources hydrothermales ou en bord de mer. Ses traces les plus sûres remontent au Paléoarchéen, comme par exemple un tapis microbien fossilisé. Elles proviennent de la ceinture de roches vertes de Barberton en Afrique du Sud et du craton de Pilbara en Australie et ont été conservées dans des cherts ou des argiles. Ces micro-organismes sont difficiles à identifier. On ne peut pas affirmer, comme le fait Balade Mentale, que ce sont des archées – l’une des deux familles de protozoaires, l’autre étant les bactéries. Ils tiraient probablement leur énergie du soufre. Autrement dit, en l’absence d’oxygène, ils « respiraient » du soufre, même si d’autres éléments intervenaient dans leur métabolisme, dont bien sûr les ions ferreux de l’eau de mer.

Ces « roches vertes » sont des roches sédimentaires et surtout volcaniques déposées à la surface de la Terre. Les laves sont des basaltes comparables à ceux des océans modernes et dans une moindre mesure des komatiites. Ces dernières, caractéristiques de l’Archéen, étaient produites par fusion à haute température du manteau. Ces roches sont disposées en structures allongées de plusieurs centaines de kilomètres, d’où leur nom de « ceintures ». Ce sont des épisodes de faible métamorphisme qui leur ont donné cette teinte verte. Il est faux de penser que la Terre avait une couleur verte à cette époque. On sait qu’elle n’avait pas le même visage que maintenant parce qu’elle ne produisait pas les mêmes roches.

Cratons archéens en rouge, boucliers protérozoïques en orange et croûte continentale phanérozoïque en vert d’après Furnes, de Wit et Dilek, 2014.

La croûte archéenne conservée jusqu’à aujourd’hui est majoritairement formée de complexes de gneiss gris, souvent formés par métamorphisme de roches magmatiques appelées des TTG : tonalites, trondhjémites et granodiorites. Ils ressemblent aux granites, présents dans la croûte continentale actuelle, mais avec une composition chimique un peu différente. Ces vieilles croûtes, appelées les cratons, sont les « noyaux » des continents actuels. Les conditions de leur formation sont encore discutées car on ne sait pas si la tectonique des plaques existait durant l’Archéen et, si c’est le cas, à quel moment elle est apparue. Le géologue Walter Hamilton n’y croyait pas. D’après lui, la distinction entre continent et océan n’avait pas lieu d’être durant l’Archéen.

Le Protérozoïque

Le troisième éon est le Protérozoïque, nom qui signifie « avant les animaux ». Il s’achève il y a 541 millions d’années avec le début du Cambrien. Ce qu’on appelle le Précambrien est une longue période de temps constituée des trois premiers éons. Le Protérozoïque commence par une véritable révolution : l’apparition massive d’oxygène dans l’atmosphère. C’est la Grande Oxygénation. Les oxydes de fer donnent alors aux continents une couleur rouge. Tous les ions ferreux présents dans les océans précipitent et constituent des formations ferrifères rubanées. Le phénomène s’est achevé il y a 1,8 Ga.

La Grande Oxygénation paraît être contemporaine de glaciations majeures qui ont affecté plusieurs continents jusqu’à de basses latitudes. Elles sont dites huroniennes car elles ont été identifiées dans le supergroupe huronien de l’Ontario. Elles y ont laissé trois dépôts glaciaires datées de 2,47 à 2,21 Ga. Il n’y a donc pas eu une seule glaciation de 300 millions d’années, comme le dit Balade Mentale, mais trois épisodes répartis sur environ 260 millions d’années. Certains auteurs ont identifié un quatrième épisode dans la formation Makganyene en Afrique du Sud. Immédiatement après ces glaciations, la vie se développe d’une manière sans précédent dans les océans. Les premiers organismes multicellulaires apparaissent il y a environ 2,1 Ga dans les argiles riches en matière organique de l’actuel Gabon. Ils étaient même capables de se déplacer dans les sédiments marins. Des traces de locomotion ont aussi été trouvées sur un ancien sol d’Australie occidentale. Mais cette complexification de la vie, dont il est regrettable que Balade Mentale n’ait pas parlé, a été brusquement interrompue. Il semble s’être produit ce qu’on peut appeler une extinction de masse il y a environ 2 Ga.

Accroissement des terres émergées d’après I.N. Bindeman et al., 2018.

Le milliard d’années suivant est qualifié « d’ennuyeux » par les géologues, car il ne s’y passe pas grand-chose. On peut noter la formation et la dislocation d’un supercontinent appelé Nuna ou Columbia. Une tectonique des plaques « moderne » semble s’être amorcée au début du Protérozoïque, avec un accroissement des surfaces émergées, et elle n’est probablement pas étrangère à la Grande Oxygénation. Balade Mentale oublie de parler de Nuna/Columbia et situe fautivement la formation des « premiers continents » Ur et Vaalbara il y a 1,5 Ga. En fait, Ur serait une masse continentale archéenne, formée de TTG et datant d’il y a environ 3 Ga. Elle est très hypothétique. Vaalbara, regroupant les cratons de Kapvaal en Afrique du Sud et de Pilbara en Australie, daterait de la fin de l’Archéen.

La dernière ère du Protérozoïque, le Néoprotérozoïque, est divisée en Tonien (de 1 Ga à 720 Ma), Cryogénien (de 720 à 635 Ma) et Édiacarien (de 635 à 541 Ma). C’est une époque décisive pour l’histoire de la vie. Le supercontinent Rodinia se forme durant le Tonien et se disloque ensuite. Cette immense masse continentale semble être responsable des deux glaciations globales du Cryogénien, dites sturtienne et marinoenne. La Terre a été presque entièrement recouverte d’une carapace de glace dont la température descendait jusqu’à – 50 °C. Pourtant, la vie, qui était encore unicellulaire, n’a pas été éradiquée. Elle s’est au contraire adaptée au froid et les premiers animaux, les éponges, sont apparues pendant le Cryogénien. Les algues vertes se sont développées à la même époque. Après la glaciation varangienne ou de Gaskiers, vers 580 Ma, la faune d’Ediacara peuple les mers. Elle est constituée d’animaux encore primitifs, en forme de feuilles.

La fin de l’Édiacarien est marquée par l’émergence des premiers animaux capables de se déplacer. Ils annoncent l’explosion de la vie dans les mers du Cambrien (de 541 à 485 Ma). Leur développement, avorté il y a deux milliards d’années, a cette fois abouti.

Le Phanérozoïque

Le quatrième éon, le Phanérozoïque, est celui de la « vie visible ». Il a commencé il y a 541 millions d’années et est toujours en cours. Il est considéré comme celui des animaux, mais ce sont les plantes qui ont changé le visage de la Terre et leur ont permis de s’installer sur les continents. Elles descendent d’algues vertes, les charophytes, et ont dû effectuer une série d’adaptations afin de pouvoir vivre sur la terre ferme. La chronologie donnée par Balade Mentale est approximative. Les premières plantes adaptées ont été datées de l’Ordovicien (de 485 à 443 Ma) grâce à leurs spores. Dépourvues de vaisseaux conducteurs de sève, elles étaient du type marchantiophytes (hépatiques) et bryophytes (mousses). Les plantes vasculaires ont peuplé les zones humides durant le Silurien (de 443 à 419 Ma). Leurs tiges bifurquées étaient dépourvues de feuilles. C’est durant le Dévonien (de 419 à 359 Ma) que les premiers arbres et les premières forêts sont apparus. Les continents étaient déjà verts au début du Carbonifère (de 359 à 299 Ma). Voir à ce sujet les paysages du Carbonifère.

Balade Mentale parle d’une pluie de météorites qui est tombée sur la Terre pendant l’Ordovicien moyen. Elle a été provoquée par la désintégration d’un astéroïde. Ces météorites étaient de petite taille et n’ont pas causé de dégâts. Cependant, l’abondance des micrométéorites a pu obscurcir le ciel et entraîner un refroidissement, voire une glaciation. Il n’y a pas de lien véritablement établi entre la grande glaciation de la fin de l’Ordovicien, à laquelle est attribuée la première extinction de masse du Phanérozoïque.

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