Histoire de la Terre et de la vie - Actualités géologiques

Astronomie

La formation du Système solaire – 1

Nébuleuse d'Orion

La nébuleuse d'Orion, visible à l'œil nu dans la constellation d'Orion, est un lieu de formation d'étoiles et de système planétaires.

L’hypothèse de la formation du Système solaire à partir d’une nébuleuse a été formulée indépendamment par Emmanuel Kant en 1755 et Pierre-Simon de Laplace en 1796, mais ce n’est pas elle qui s’est imposée. Jusque dans les années 1930, les astronomes pensaient que le passage d’une étoile à proximité du Soleil lui avait arraché un filament de matière et que celui-ci avait engendré les planètes lors de son refroidissement. Le Système solaire était alors mal connu. Pluton, longtemps considérée comme la neuvième planète, a été découverte en 1930. C’est en fait un objet de la ceinture de Kuiper, dont l’existence a été supposée dans les années 1960 et nommée plus tard en l’honneur de l’astronome Gerard Kuiper (1905-1973).

Les distances dans le Système solaire sont exprimées en unités astronomiques (u.a.). Une unité est égale à la distance de la Terre au Soleil, qui vaut 149,6 millions de kilomètres. Ainsi, Neptune est à 30,07 u.a. du Soleil et Pluton en est éloigné de 39,48 u.a., mais cette distance varie beaucoup car l’orbite de Pluton ne peut pas être assimilée à un cercle. Elle est parfois plus proche du Soleil que Neptune. La ceinture de Kuiper se trouverait entre 30 et 55 u.a. du Soleil. Toutefois, elle ne définit pas la limite du Système solaire, car les comètes viennent d’une région beaucoup plus éloignée, appelée le nuage de Oort. Son existence a été supposée par l’astronome Jan Oort (1900-1992). Il comporterait au moins des centaines de milliards de comètes et s’étendrait jusqu’à 100 000 unités astronomiques du Soleil, soit la moitié de la distance à l’étoile la plus proche. Ces corps composés de glaces et de molécules organiques ont des tailles de cent mètres à plusieurs dizaines de kilomètres. Ce sont des vestiges de la nébuleuse primitive (ou nébuleuse protosolaire), conservés dans le vide interstellaire à des températures proches du zéro absolu.

Système solaire
Le Soleil et les planètes du Système solaire : Mercure, Vénus (représentée sans sa couverture nuageuse), la Terre (et la Lune), Mars, Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune. Les échelles ne sont pas respectées.

Des nuages de gaz et de poussières dans le milieu interstellaire

La Voie lactée ne comprend pas que des étoiles et des planètes. Elle comprend aussi des « nuages » principalement constitués d’hydrogène et d’hélium, ainsi que de « poussières ». Les nuages d’hydrogène neutre (non ionisé), appelés régions HI, ont des masses comprises entre 0,1 et 1 000 masses solaires et des densités très faibles : moins de mille atomes par centimètre cube, ce qui correspond sur Terre à un vide poussé. L’hydrogène émet un rayonnement de 21,1 cm de longueur d’onde qui peut être détecté par des radiotélescopes. Les poussières ne représentent que 1 % de la masse des nuages mais jouent un rôle important. Des molécules se forment à leur surface, dont de l’hydrogène moléculaire H2. Les nuages qui en comportent sont qualifiés de nuages moléculaires. Ils sont plus froids, avec des températures inférieures à 50 K (– 223 °C), mais également plus denses que les régions HI. Les plus massifs atteignent un million de masses solaires et s’étirent sur des centaines d’années-lumière. Les molécules H2 ne peuvent pas être détectées directement ; c’est le monoxyde de carbone CO qui permet de déduire leur présence.

Les métaux (éléments plus lourds que l’hydrogène et l’hélium) sont présents dans ces nuages à l’état de traces. Ce sont eux qui vont former les planètes rocheuses. Ils ont été injectés dans le milieu interstellaire par des étoiles en fin de vie : des géantes rouges ou des supernovas. Jusqu’à présent, les astronomes ont détecté plus de 200 espèces chimiques comprenant des éléments tels que le carbone, l’oxygène, l’azote, le phosphore et le soufre (les principaux constituants de la vie, avec l’hydrogène), le fer, le magnésium, le potassium, le calcium, le sodium et l’aluminium (les principaux constituants des roches, avec l’oxygène). Ces molécules peuvent avoir plus de dix atomes.

La nébuleuse de la Tête de Cheval est un nuage froid de poussières et de gaz qui occulte la lumière rouge émise par de l’hydrogène ionisé, dans la nébuleuse d’Orion.

Les poussières interstellaires sont des grains d’une taille généralement inférieure au micromètre, qui peuvent s’agglomérer en grains plus grands. Les nuages riches en poussières absorbent et diffusent la lumière, si bien qu’ils apparaissent sombres sur des fonds lumineux constitués d’étoiles et de nébuleuses. En revanche, une partie des infrarouges, de longueur d’onde supérieure à la taille des grains, peut passer. En observant le nuage noir Caméléon I dans l’infrarouge, le télescope spatial James Webb a détecté en 2022 de la glace d’eau dans les grains de poussières, ainsi que de dioxyde de carbone, d’ammoniac et de méthane. Il y a aussi des molécules organique dont le méthanol. Ces glaces sont habituelles dans les zones froides du Système solaire et des composés organiques y sont également présents. Si elles sont chauffées, elles passent directement à l’état gazeux, puisque l’état liquide n’existe pas dans le vide.

Ces grains voyagent jusqu’aux abords de la Terre. On les récolte sous forme de micrométéorites dans l’Antarctique et grâce à des avions. Ce ne sont pas des glaces, puisqu’elles ne peuvent pas survivre au rayonnement solaire, mais des matériaux réfractaires (résistants à la chaleur). Les scientifiques ont eu la surprise de découvrir des diamants, de taille nanométrique, ainsi que du carbure de silicium, qui ont probablement été éjectés par des supernovas. En plus d’être réfractaires, ces minéraux sont extrêmement durs. D’autres minéraux sans doute formés dans les atmosphères d’étoiles géantes rouges ont été trouvés : du corindon, du spinelle et même quelques grains d’olivine et de pyroxène, qui sont les deux principaux minéraux du manteau supérieur de la Terre. La météorite de Murchison, tombée en 1969 en Australie, comporte des grains de carbure de silicium qui sont d’environ 3 milliards d’années antérieurs au Système solaire. On les appelle des grains présolaires.

Grain présolaire
Un grain présolaire en carbure de silicium de la météorite de Murchison, avant et après traitement. D’après Philipp R. Heck et al., 2020.

Nurseries stellaires

Il semble que les étoiles apparaissent toujours dans les nuages moléculaires géants, quand une instabilité gravitationnelle se produit. Cela se passe notamment quand ils entrent dans un bras de la Voie lactée. Notre galaxie a une structure spirale, avec quatre bras partant du bulbe central. Ce sont des ondes de densité comparables à des ralentissements sur une autoroute : les distances entre les véhicules se réduisent, ce qui les oblige à ralentir ou même à s’arrêter, alors qu’il n’y a pas d’obstacle devant l’onde. De la même manière, les bras d’une galaxie spirale sont des zones où la densité de matière est élevée. Le Soleil orbite à 27 000 années-lumière du centre galactique à la vitesse linéaire de 220 km/s, or à cette distance du centre, les ondes se déplacent à peu près deux fois moins vite. Il rentre donc régulièrement dans un bras « par l’arrière » avant d’en ressortir. D’après l’astrophysicien Nir Shaviv, cela se produirait tous les 140-150 millions d’années.

Galaxie NGC 6744
Image de la galaxie spirale NGC 6744, prise avec l’imageur optique à grand champ WFI du télescope MPG-ESO de 2,2 mètres à La Silla. Cette galaxie est semblable à la Voie lactée. Les régions HII apparaissent en rouge. Crédit ESO.

Les nuages moléculaires subissent une compression quand ils entrent dans un bras spiral, qui entraîne leur fragmentation. Des concentrations de gaz et de poussières se forment par effondrement gravitationnel. Certaines lois doivent être respectées, dont la conservation du moment cinétique. Elle implique qu’à mesure qu’un nuage se contracte, il tourne de plus en plus vite sur lui-même. La matière tombe sur un disque perpendiculaire à son axe de rotation. C’est un disque circumstellaire, qui apparaît toujours noir à cause des poussières, bien que les gaz constituent l’essentiel de leur masse. Ils s’échauffent de plus en plus au centre du disque, si bien qu’ils commencent à émettre de la lumière : une protoétoile est née. Elle éjecte de la matière par ses pôles de façon violente, à des vitesses d’environ 200 km/s. Autour chaque étoile en formation, il y a donc toujours deux jets symétriques, qualifiés de bipolaires. Ces vents guidés par le champ magnétique s’étendent jusqu’à des dizaines de milliers d’unités astronomiques, voire une année-lumière, de l’étoile. Il est possible que ces jets bipolaires évacuent une partie du moment cinétique initial.

Objet Hergig-Haro
Les jets bipolaires émis par les jeunes étoiles créent des ondes de choc dans le milieu interstellaire, qui émettent de la lumière. Ces petites nébuleuses sont appelées des objets Herbig-Haro. Elles ont été ici imagées par le télescope spatial Hubble. Appelées HH1 et HH2, elles sont distantes d’une année-lumière. L’étoile n’est pas visible à cause des poussières.

L’accrétion est l’augmentation de la masse d’un corps par ajout de matière extérieure. Quand la protoétoile a presque fini son accrétion, elle n’est plus entourée d’une enveloppe de gaz. Elle ne conserve que son disque circumstellaire, dont la masse représente une petite fraction de la sienne. Elle se contracte lentement, ce qui lui permet de convertir de l’énergie gravitationnelle en chaleur et en rayonnement, et elle a encore des jets bipolaires. Ses grandes dimensions la rendent très lumineuses, mais avec des variations causées par son environnement. Elle se trouve dans la phase T Tauri, nommée ainsi d’après l’étoile T de la constellation du Taureau. Pour le Soleil, elle a duré plusieurs dizaines de millions d’années. Quand son cœur est devenu assez chaud pour que les réactions thermonucléaires s’enclenchent, la contraction gravitationnelle s’arrête.

La nébuleuse de l’Aigle. Les Piliers de la Création apparaissent au milieu comme des nuages sombres.
Les Piliers de la Création vus dans l’infrarouge par le télescope spatial James Webb.

Les nuages moléculaires peuvent engendrer des milliers à des millions d’étoiles. Leur rayonnement ultraviolet ionise les atomes d’hydrogène, c’est-à-dire les séparent en un proton et un électron. Quand ils se recombinent, ils émettent des rayonnements électromagnétiques de diverses longueur d’onde. L’une d’elles, valant 656 nanomètres, est de couleur rouge. Les nuages, devenus des régions HII, apparaissent ainsi rouges. La nébuleuse d’Orion est la zone de formations d’étoiles la plus étudiée. Située à 1 300 années-lumière de la Terre, elle s’étendent sur près de 24 années-lumière. Une autre nébuleuse, celle de l’Aigle à 6 500 années-lumière, a été rendue célèbre par le télescope spatial Hubble. Elle comprend trois « doigts » composés d’hydrogène moléculaire et de poussières qui ont été surnommés les Piliers de la Création. Ils ont plusieurs années-lumière de long. Des étoiles naissent par fragmentation de ces régions poussiéreuses. Les points lumineux qui les entourent sont toutes de jeunes étoiles.

Explosion d’une supernova lors de la formation du Soleil

Le Soleil est probablement né dans une telle nébuleuse, mais son activité a cessé et les étoiles ont été dispersées depuis longtemps. Les étoiles les plus massives, ayant plus de 8 masses solaires, brûlent très vite leur combustible nucléaire et n’ont une durée de vie que de quelques millions d’années avant d’exploser. Elles n’ont même pas le temps de quitter le bras où elles sont nées.

Le Système solaire a sans doute été enrichi en éléments chimiques par une supernova lors de sa formation. Il a incorporé des isotopes radioactifs à courte durée de vie, comme le samarium 146, qui se désintègre en néodyme 142, et le hafnium 182, qui se transforme en tungstène 182. Ils ont disparu du Système solaire au bout de quelques dizaines de millions d’années, remplacés par leurs « fils » ou « petits-fils ». Ce sont des radioactivités éteintes. Dans la météorite d’Allende, tombée au Mexique en 1969, la présence d’aluminium 26 a été prouvée. Cet isotope radioactif de l’aluminium se transforme en magnésium 26 avec une demi-vie de 717 000 ans. Il a pu être synthétisé dans une supernova, mais ce n’est pas la seule explication possible. Quand le Soleil venait de prendre forme, il avait des éruptions beaucoup plus puissantes et plus fréquentes que maintenant. Les protons et noyaux d’hélium éjectés pouvaient frapper les noyaux atomiques des grains de poussières, dans le disque circumstellaire, et créer des isotopes radioactifs à courte durée de vie, dont l’aluminium 26. Ces réactions nucléaires sont appelées des spallations. Néanmoins, le fer 60, également présent lors de la formation du Système solaire, n’a pu être apporté que par une supernova. L’hypothèse de l’explosion d’une supernova reste donc d’actualité, sans exclure celle de la naissance du Soleil dans un bras de la Galaxie. Cette défunte étoile a même reçu un nom : Coatlicue, la mère du Soleil dans la mythologie aztèque.

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