Histoire de la Terre et de la vie - Actualités géologiques

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Des organismes multicellulaires primitifs sur la terre ferme il y a 2 milliards d’années

Traces laissées par des organismes interprétées comme des myxomycètes dans du sable. Université de l'Oregon.

L’apparition de l’oxygène dans l’atmosphère au début du Protérozoïque, a donné le signal d’un pullulement de la vie. Cet éon, le troisième de l’histoire de la Terre, a commencé il y a 2,5 milliards d’années et s’étend jusqu’au début du Cambrien il y a 541 millions d’années. Grâce aux découvertes effectuées au Gabon à partir de 2010 par l’équipe d’Abderrazak El Albani, on sait que des organismes multicellulaires sont apparus il y a environ 2,1 milliards d’années. En 2019, elle a annoncé la découverte de traces d’organismes capables de se déplacer dans les sédiments marins. Jusqu’à présent, on pensait que ce type de locomotion n’était apparu qu’au début du Cambrien ou quelques millions d’années auparavant, durant l’Édiacarien. Avec toute la prudence qui s’impose, on peut donc dire que l’émergence de la vie animale a été reculée de 1,5 milliards d’années.

Toutefois, ces organismes étaient marins. Ceux du Gabon vivaient dans la zone intertidale : la bande côtière soumise aux marées. À leur époque, elle était plus ample que maintenant puisque la Lune était plus proche. Les stromatolites sont des rochers édifiés par des colonies de bactéries en bord de mer et leur existence remonte à au moins 3,5 milliards d’années. Mais la vie s’était-elle installée sur les terres émergées durant le Protérozoïque, voire plus tôt ?

La réponse est fournie par l’étude des paléosols. Il s’agit d’anciens sols créés par l’altération de roches exposées à l’air libre. La différence essentielle avec les sols actuels est qu’ils ne devaient rien à la végétation : les continents protérozoïques étaient des surfaces dénudées exposées aux précipitations, sur lesquels coulaient des rivières et où se formaient des lacs. L’analyse de ces paléosols a le grand avantage de donner des renseignements sur les conditions climatiques qui régnaient, car l’altération des roches et l’apparition de nouveaux minéraux en dépendent.

Voir Un champ pétrolifère géant âgé de deux milliards d’années

L’atmosphère il y a 2,2 milliards d’années

Le géologue Gregory Retallack, né en 1951 en Tasmanie et installé depuis 1981 à l’université de l’Oregon, est le plus grand spécialiste des paléosols. En 2013, avec trois collègues, il a publié une étude sur la formation Hekpoort en Afrique du Sud, datée à 2,2 milliards d’années. Malgré le léger métamorphisme que ces roches ont subi, elles ont pu « parler ». Le climat était tempéré humide avec des températures tournant autour de 11,4 °C. Les précipitations annuelles ont pu être estimées à 1 489 mm avec une incertitude de ± 182 mm (ce chiffre est de 641 mm à Paris). La teneur en CO₂ atmosphérique était de 0,6 %, soit un peu plus de dix fois celle d’aujourd’hui, et celle de l’oxygène était comprise entre 0,9 et 5 %, contre 21 % actuellement. Des fossiles en forme d’urne d’une taille allant de 0,3 à 1,8 mm ont été reconnus mais leur identification est restée incertaine. Ils ont été appelés Diskagma buttonii.

Avec Mao Xuegang de l’université de Fujian, Gregory Retallack a réétudié des traces fossiles d’Australie occidentale : Myxomitodes stirligensis, en forme d’épingle à cheveux, et Cyclomedusa davidi, en forme de disque. Leur article a été publié dans la revue Palaeogeography, Paleoclimatology, Palaeoecology. La formation géologique considérée, celle de Stirling Range, est une couverture sédimentaire de 1 600 mètres d’épaisseur composée de grès riche en quartz, c’est-à-dire de sable ordinaire cimenté, avec des intercalations d’argile. De tels sédiments ne sont pas faciles à dater. La réponse a été donnée par des cristaux de zircon dont les âges vont de 3,46 à 1,96 Ga et de xénotime dont les âges vont de 3,12 à 2,10 Ga. Ils proviennent, comme tous les grains de sable et d’argile, de l’érosion d’anciennes roches. Les âges les plus récents indiquent l’époque de la sédimentation. Ces couches de sédiments ont été perturbées plus tard, lors de la formation du supercontinent Rodinia au début du Néoprotérozoïque (de 1 Ga au Cambrien).

Myxomycète sans doute du genre Trychia. @ Jean-Jacques Milan, 2005 / Wikimedia Commons / GNU Free Documentation Licence.

De la vie sur le sable

Les structures sédimentaires sont caractéristiques des environnements fluviaux, intertidaux ou marins de faible profondeur. Ce territoire étant donc une marge continentale passive (sans activité tectonique) soumise aux variations du niveau des mers. Des paléosols ont été reconnus grâce à des craquelures dues à des successions d’humidifications et de dessèchements, à une zonation chimique et minéralogique et à des roses des sables. Celles-ci se forment lors de l’évaporation de l’eau infiltrée dans le sable. Elles sont le plus souvent en gypse, ce qui est le cas ici. Les températures et les précipitations étaient semblables à celles enregistrées par la formation Hekpoort. Il y avait 433 ± 116 ppmv (parties par million en volume) d’oxygène et 564 ± 64 ppmv de CO₂ (soit autour de 0,056 %). La teneur en oxygène n’était ainsi pas très supérieure à celle de l’Archéen, estimée entre 21 et 210 ppm. Il s’agit du deuxième éon de la Terre, précédant le Protérozoïque. Durant la Grande Oxygénation, au début du Protérozoïque, cette teneur est montée entre 21 000 et 84 000 ppm (soit entre 2,1 et 8,4 %). Elle avait donc chuté à l’époque où les paléosols de Stirling Range se sont formés. Il y avait apparemment moins d’oxygène que de CO₂ ! Et la concentration en CO₂ n’était guère supérieure à celle d’aujourd’hui. Elle est d’environ 415 ppmv.

Les Myxomitodes sont observés sur les grès rouges, qui sont des dépôts continentaux, et non sur les argiles grises et les grès d’origine marine. Ils ont été interprétés comme des traces laissées par des myxomycètes. Ce sont des organismes unicellulaires appartenant à la classe des amibozoaires. Ils vivent dispersés dans le sol mais sont capables de s’assembler en une masse gélatineuse et de se déplacer, probablement pour chercher de la nourriture ou pour sporuler. Ils se séparent ensuite. Si cette interprétation est exacte, un stade de l’apparition des organismes multicellulaires a été enregistré, mais sur terre et non pas dans la mer. Ces organismes se mouvaient sur du sable. Quant aux Cyclomedusa, il s’agissait sans doute de colonies de bactéries.

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Gregory Retallack, Mao Xuegang, Paleoproterozoic (ca. 1.9 Ga) megascopic life on land in Western Australia, Palaeogeography, Paleoclimatology, Palaeoecology 532, 15 October 2019.

https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0031018219302317?via%3Dihub

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