Histoire de la Terre et de la vie - Actualités géologiques

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Un ankylosaure probablement fouisseur trouvé en Mongolie

Représentation de l'ankylosaure avec son armure dermique (d) et sans elle (e). Seuls les os en blanc ont été préservés.

En 1972 ou 1973, au temps de l’URSS, quand la République Populaire de Mongolie en était un pays satellite, une expédition paléontologique soviéto-mongole a découvert un fossile d’ankylosaure dans la province de l’Ömnögovi. C’est la plus méridionale de la Mongolie. Elle se trouve en plein cœur du désert du Govi (fautivement écrit Gobi). Les scientifiques se sont préparés à transporter le bloc rocheux dans lesquels il se trouvait, mais ils l’ont finalement laissé sur place. Plus tard, d’autres expéditions l’ont probablement remarqué, l’une d’elles étant passée en 1999. Ce n’est qu’en 2008 qu’une équipe coréenne et mongole a enlevé le fossile, qui a été appelé MPC-D 100/1359. Il a été présenté dans la revue Scientific Reports. L’article a été rédigé sous la direction de Park Jin-Young, avec la participation de Rinchen Barsbold de l’Institut de Paléontologie de l’Académie des Sciences de Mongolie.

Il était enchâssé dans la formation Baruungoyot, dont l’épaisseur est d’au moins 110 mètres. Des falaises permettent d’examiner sa stratigraphie. Elle est composée de grès rouges et rouge-brun faiblement cimentés : ce sont des anciens sables. Certains grès massifs ne présentent pas de stratification, ce qui s’explique par une sédimentation très rapide. Il y a également quelques lits de siltite (sédiments à grains très fins) et d’argiles sablonneuses. Les géologues ont commencé à s’y intéresser quand des fossiles y ont été découverts, à partir des années 1970. Ce sont des lézards, des mammifères, des dinosaures, des oiseaux et des tortues, ainsi que des myriapodes. Parmi les dinosaures, figurent des ankylosaures et des vélociraptors – dont le premier spécimen a été trouvé en 1924 en Mongolie. Le fait que de nombreux fossiles soient dans des fragments rocheux explique qu’ils soient incomplets. Tous les fossiles de dinosaures, de même que des œufs complets, sont inclus dans des grès massifs.

Position géographique de l’ankylosaure d’après Park Jin-Young et al., 2012.

Ces sédiments se sont déposés dans un bassin subsident (qui s’enfonçait), assez plat. Il s’agit presque uniquement de sables provenant d’une zone située à des centaines de kilomètres de là, poussés par de forts vents d’ouest. Le climat devait être chaud et semi-aride. À la base de la formation, figurent des alternances de dunes transversales. Une nappe phréatique de faible profondeur permettait à des lacs de subsister provisoirement entre les dunes. La végétation poussait sans doute de manière discontinue le long de cours d’eau intermittents et dans des zones basses. Elle était trop clairsemée pour empêcher les dunes de se déplacer. Il pleuvait trop pour que l’évaporation de l’eau produise du gypse ou de la halite (du chlorure de sodium). Les dinosaures, les tortues et les crocodiles fossilisés dans la formation Baruungoyot ont vécu dans cet environnement. Ils sont datés du Campanien (de 83,6 à 72 Ma) moyen et supérieur.

La partie supérieure de la formation Baruungoyot ne comporte pas de dune. La région était alors une plaine soumise à des inondation périodiques, à cause de l’alternance des saisons sèches et humides. Des lacs intermittents et peu profonds s’y formaient. Ce milieu devait ressembler à une playa, mais sans les évaporites qui la caractérisent. La végétation restait clairsemée. Les seuls fossiles trouvés sont ceux de lézards et de mammifères, des animaux déjà présents dans la partie inférieure. Ils sont datés du Campanien supérieur. Par la suite, un soulèvement de la région a fait s’écouler des rivières à méandres vers le sud-est. Les sédiments qu’ils ont apportés constitue la formation Nemegt, riches en fossiles du Campanien supérieur et du Maastrichtien (de 72 à 66 millions d’années). On peut citer l’ankylosaure Tarchia teresae. Il date du Campanien supérieur et du Maastritchien inférieur.

Les ankylosaures ou « lézards rigides » étaient des dinosaures quadrupèdes massifs, dont le crâne n’était pas à plus d’un mètre du sol. Ils étaient herbivores et n’étaient donc pas des prédateurs. Leur défense était assurée par un véritable blindage qu’ils portaient sur le dos. Il était constitué de plaques osseuses appelées des ostéodermes, qui étaient peut-être de leur vivant recouvertes de kératine. En revanche, leur ventre n’était pas protégé. Le plus grand ankylosaure connu avait huit mètres de long et pesait cinq tonnes. Il vivait en Amérique du Nord à la fin du Crétacé et a donc probablement été victime de l’extinction de masse Crétacé-Paléogène il y a 66 millions d’années. Les ankylosaures étaient cousins des stégosaures, avec lesquels ils formaient la famille de thyréophores. Ils étaient divisés en deux genres : les ankylosauridés et les nodosauridés.

Site d’excavation du fossile MPC-D 100/1359. La surface dorsale est exposée.

Le fossile MPC-D 100/1359 se trouvait dans du grès rouge. Il est daté du Campanien moyen ou supérieur, C’est un squelette post-crânien, c’est-à-dire dont il manque la tête. Il comprend douze vertèbres dorsales, des côtes, des ceintures scapulaires, des pattes antérieures, des ceintures pelviques, des pattes postérieures et des ostéodermes détachés. Bien que ce fossile n’ait ni crâne ni queue, ces ostéodermes, la rotation horizontale de l’ilium, l’acetabulum (faisant partie de l’articulation de la hanche) fermé et l’absence de pubis permettent de considérer de manière sûre l’animal comme un ankylosaure.

Ce n’est pas le premier que l’on trouve dans cette région et de cette époque. Zaraapelta nomadis, Tarchia kielanae et Saichania chulsanensis proviennent également de la formation Baruungoyot et ont vécu durant le Campanien. Le troisième diffère légèrement de MPC-D 100/1359. Quant aux deux premiers, on ne connaît que leurs crânes, si bien que la comparaison n’est pas possible. Le nouvel ankylosaure reste pour le moment d’une espèce indéterminée. On peut seulement dire qu’il est du genre ankylosauridé. La formation voisine de Djadokhta a livré deux espèces du Campanien.

La caractéristique la plus remarquable du nouvel ankylosaure était d’être fouisseur. Il est évidemment bien difficile de dire comment il se comportait vraiment, mais son squelette avait tout ce qu’il fallait pour lui permettre de creuser la terre (ou en l’occurrence, le sable) : un corps fusiforme et verticalement aplati, des vertèbres fusionnées, de robustes humérus, etc. Des paléontologues ont déjà supposé que les ankylosaures avaient de tels comportements, bien qu’aucun terrier ne leur ait été attribué. Ils pouvaient ainsi chercher de la nourriture ou de l’eau souterraine, se protéger de leurs prédateurs en ne laissant exposée que leur armure dorsale.

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Park Jin-Young et al., A new ankylosaurid skeleton from the Upper Cretaceous Baruungoyot Formation of Mongolia: its implications for ankylosaurid postcranial evolution, Scientific Reports, 18 March 2021.

https://www.nature.com/articles/s41598-021-83568-4

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