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La tectonique des plaques est devenue globale il y a deux milliards d’années

Profil sismique sous le craton de Chine du Nord, faisant apparaître le Moho.

Une équipe de géologues conduite par Wan Bo, de l’Institut de Géologie et Géophysique de l’Académie des Sciences de Chine, vient de démontrer que la subduction (le plongement d’une plaque lithosphérique sous une autre) était un phénomène répandu sur la Terre il y a environ 2 milliards d’années. Cela indique que la tectonique des plaques s’est initiée durant le Paléoprotérozoïque, une époque allant de 2,5 à 1,6 Ga (milliard d’années).

Il existe des indices de l’existence de la subduction il y a plus de 3 milliards d’années, durant l’Archéen (de 4 à 2,5 Ga). L’un d’eux a été présenté par Alexandre Sobolev en juillet 2019. Certains géologues pensent même qu’elle a commencé durant le premier éon de la Terre, l’Hadéen (de 4,57 à 4 Ga). Cependant, les observations qui ont été faites, aussi solides soient-elles, ne prouvent pas qu’elle était globale, comme c’est aujourd’hui le cas. La subduction se produit tout autour du Pacifique ainsi que sous l’Indonésie et les Antilles. Elle est également responsable de la surrection des Alpes, du Zagros et de l’Himalaya. Sous ces montagnes, d’anciennes plaques océaniques se sont enfoncées dans l’asthénosphère (la partie chaude et ductile du manteau), puis le Grand Adria, la plaque arabique et l’Inde sont venus heurter l’Eurasie. L’Inde était séparée de l’Asie par l’océan Néotéthys. Celui-ci a plongé sous l’Asie, et maintenant, après la collision des deux continents, c’est le nord de l’Inde qui est en subduction sous l’Asie.

L’équipe a étudié la structure profonde du craton de Chine du Nord. C’est l’un des « morceaux » dans la Chine est constituée : une plaque continentale stable datant de l’Archéen et du Paléoprotérozoïque, dont la croûte atteint environ 42 km à l’ouest. Le manteau lithosphérique (partie superficielle froide et rigide du manteau, opposé à l’asthénosphère) y est épais d’environ 200 km. Dans sa marge nord, il comporte un mélange ophiolitique d’environ 1,94 Ga, contenant plusieurs types de roches issues de la subduction d’une plaque océanique, et des éclogites d’au moins 1,82 Ga. Ce sont des roches de la croûte océanique métamorphisées à haute pression et basse température, caractéristiques des zones de subduction. Au sud de ces éclogites, s’allonge la « ceinture à khondalite », composée de roches sédimentaires métamorphiques datées entre 1,9 et 1,8 Ga. La khondalite est un schiste à grenat et rhodonite, riche en quartz et en manganèse. Toutes ces roches ont été métamorphisées lors de la subduction du craton de Chine du Nord sous une autre continent à identifier. Il pourrait s’agir de la Siberia.

Au sud de la ceinture à khondalite, s’étend le bloc de l’Ordos, où des sédiments du Trias au Crétacé se sont déposés sur le socle archéen et paléoprotérozoïque. La Chine du Nord n’a pas été du tout affectée par l’assemblage et la dislocation du supercontinent Rodinia au début du Néoprotérozoïque (de 1000 à 541 Ma). Il n’y pas eu de métamorphisme et le magmatisme se résume à quelques dykes et sills. Durant le Phanérozoïque, l’éon qui s’étend du début du Cambrien il y a 541 Ma jusqu’à maintenant, il ne s’est pas produit non plus de métamorphisme et de magmatisme. Ainsi l’Ordos a été très stable. C’est un endroit idéal pour rechercher une ancienne subduction, qui se serait arrêtée et serait restée figée depuis le Paléoprotérozoïque.

Sur la carte, la ceinture à khondalite est représentée en jaune. Une coupe a été faite selon la ligne pointillée verte, orientée nord-sud. Elle a 300 km de long. À la surface, on y voit les grès du Trias-Crétacé au sud, un graben (fossé d’effondrement) rempli de sédiments du Quaternaire, ainsi que les gneiss du Paléoprotérozoïque au nord, avec quelques intrutions de magma du Phanérozoïque. Les structures profondes sont déterminées grâce aux ondes sismique. Le Moho, c’est-à-dire la limite entre la croûte continentale et le manteau lithosphérique, apparaît à une quarantaine de kilomètres de profondeur. À partir du sud, il est horizontal de 0 à 20 km et de 160 à 300 km. De 20 à 60 km, il est incliné vers le nord, et de 90 à 160 km, il est perturbé.

Vu sa situation, cette inclinaison vers le nord du Moho ne peut s’expliquer par aucun événement tectonique du Phanérozoïque. Une grande partie de l’Asie est affectée par sa collision avec l’Inde. Elle crée des tremblements de terre jusqu’en Mongolie et au sud de la Sibérie, où elle est responsable de la surrection de l’Altaï. Elle ne peut cependant pas être responsable de l’inclinaison du Moho à cet endroit. L’explication doit être recherchée beaucoup plus loin dans le temps : durant le Paléoprotérozoïque.

Une étude de la lithosphère continentale de l’Himalaya montre une inclinaison comparable : le Moho est horizontal au sud, puis il s’enfonce vers le nord. La coupe a été faite de part et d’autre de la ligne de chevauchement (thrust) central. Elle est tracée en rouge et ponctuée de triangles. Il y a 1,8 milliard d’années, la subduction du craton du Chine du Nord sous la Sibérie (?) devait s’effectuer de la même manière. Une haute chaîne de montagnes a par conséquent dû s’élever dans cette zone, mais elle a été totalement érodée et la région est aujourd’hui plate.

Les chercheurs ont démontré que plusieurs continents ayant fait l’objet d’études sismologiques présentent des structures de subduction similaires il y a 2 milliards d’années également. Une tectonique des plaques semblable à celle du Phanérozoïque devait donc exister sur toute la Terre. Elle est responsable de l’assemblage du premier supercontinent, appelé Nuna ou Columbia. Une vingtaine de chaînes de montagnes se sont élevées sur tous les continents qui existaient alors, tandis qu’ils entraient en collision les uns avec les autres.

Cette carte donne une reconstitution de Nuna/Columbia. Le craton de Chine du Nord se trouve à côté de l’Inde et de la Siberia, et non loin de la Proto-Australie. Les plus importants continents sont la Laurentia, comprenant le Groenland et la future Amérique du Nord, la Siberia et la Baltica. Les lignes indiquent des zones de collision, où des montagnes se sont élevées. L’orogenèse d’Akitkan s’est par exemple produite en Sibérie. Elle semble prolonger l’orogenèse Volhyn-Russie centrale sur la Baltica. Ces chaînes de montagnes ont donné son nom à un système du Paléoprotérozoïque : l’Orosinien, qui va de 2,05 à 1,8 Ga. Les profils sismiques étudiés sont indiqués par des segments bleus coupant ces lignes rouges.

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Wan Bo et al., Seismological evidence for the earliest global
subduction network at 2 Ga ago, Science Advances, 5 August 2020.

https://advances.sciencemag.org/content/6/32/eabc5491?intcmp=trendmd-adv

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