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Communiqués de presse

Des évènements hydrothermaux généralisés associés aux trapps du fleuve Columbia

Dyke basaltique de la Columbia River

Dyke vertical de transport de magma dans les trapps du fleuve Columbia. Photo Ilya Bindeman.

Les basaltes du fleuve Columbia dans le nord-ouest des États-Unis sont l’une des plus grandes provinces magmatiques continentales et la plus récente de toutes. Elle date du Miocène et le supervolcan de Yellowstone lui est probablement lié. Le volume des basaltes est de 210 000 kilomètres cubes, auxquels s’ajoute peut-être 10 000 km³ de rhyolite, un lave émise lors d’éruptions explosives. On a dénombré 300 énormes coulées dont le volume individuel moyen est 580 km³ et l’une d’elles a atteint le Pacifique après un trajet de 600 km. Une nouvelle étude met en lumière les processus hydrothermaux qui se sont déroulés dans les roches de la région et explique pourquoi ces éruptions n’ont pas provoqué de crise biologique.

D’anciennes fissures volcaniques dans les trapps du fleuve Columbia, exposées par le soulèvement et l’érosion, aident les chercheurs de l’Université de l’Oregon à comprendre comment le magma qui a été émis par des volcans à plusieurs reprises il y a 14 à 16 millions d’années a transformé l’environnement en son paysage actuel.

Bassin de drainage du fleuve Columbia d’après l’U.S. Geological Survey.

Dans un article paru dans Nature Scientific Reports, une équipe de sept membres comprenant les spécialistes des sciences de la Terre de l’UO, Ilya Bindeman et Leif Karlstrom, a également trouvé des indices qui pourraient expliquer pourquoi les gaz à effet de serre libérés dans l’air pendant les éruptions n’ont pas déclenché un événement d’extinction globale.

Les trapps du fleuve Columbia représentent la plus jeune province magmatique basaltique sur Terre et l’une des mieux préservées. Ils couvrent environ 210 000 kilomètres carrés, s’étendant de l’est de l’Oregon et de Washington à l’ouest de l’Idaho et à une partie du nord du Nevada.

Les déductions de l’équipe proviennent d’analyses des isotopes de l’oxygène et de l’hydrogène dans le matériau crustal, un mélange de magma et de roches originelles. Les recherches, effectuées au laboratoire d’isotopes stables de Bindeman, ont été centrées sur 27 échantillons provenant de 22 dykes différents, des corps de magma en forme de murs ayant recoupé le paysage de coulées de lave en feuillets pendant les éruptions.

Carte géologique des trapps du fleuve Columbia (CRB) avec emplacement des dykes. Les lieux de récoltes d’échantillons sont indiqués par des étoiles jaunes et vertes. A droite, photographie d’un dyke du lac Maxwell où le magma basaltique a fait fondre du granite du batholite de Wallowa. Bindeman et al., 2020.

« Nous avons découvert que lorsque le magma basaltique chaud s’introduisait dans la croûte, la chaleur faisait bouillir les eaux souterraines et volatilisait tout sur son passage et à proximité, provoquant des changements chimiques et isotopiques dans les roches et le dégagement de gaz à effet de serre », a déclaré M. Bindeman, qui a dirigé l’étude.

Un dyke d’alimentation de 10 mètres d’épaisseur dans le batholite de Wallowa, formé il y a 16 millions d’années à partir d’un mélange de magma basaltique et de granite, a probablement agi comme un conduit de magma pendant sept ans. Il a formé l’une des plus grandes coulées de lave de surface et a altéré chimiquement environ 100 mètres de socle rocheux. Les chercheurs ont conclu que les effets de chauffage ont pu durer dans toute la région pendant environ 150 ans après que le magma a cessé de couler.

« Les basaltes du fleuve Columbia qui nous sont si chers dans le nord-ouest du Pacifique, a déclaré M. Bindeman. Ils sont maintenant soulevés et érodés à un niveau qui nous permet d’échantillonner les contacts de ces basaltes avec les roches antérieures. Le même processus se produit aujourd’hui toutes le temps et partout sous les dorsales médio-océaniques et aussi sur les continents. En étudiant ces roches pas si anciennes, nous avons appris ce qui se passe sous nos pieds ».

La modélisation informatique réalisée à partir des données chimiques suggère que le chauffage hydrothermal des roches métasédimentaires d’origine de la région – une roche métamorphique formée par le dépôt et la solidification des sédiments – et les niveaux relativement faibles de matière organique auraient provoqué la libération d’environ 18 gigatonnes de dioxyde de carbone et de méthane. Une gigatonne équivaut à un milliard de tonnes métriques.

Les différentes émissions de basalte du fleuve Columbia étaient chacune de 10 à 100 fois plus importantes que les plus grandes éruptions volcaniques de l’Eldgjá et du Laki en Islande, survenues respectivement dans les années 934 et 1783, a indiqué le co-auteur de l’étude, Leif Karlstrom, professeur de sciences de la Terre, qui est, avec Bindeman, membre du Centre de volcanologie de l’Oregon.

L’éruption du Laki, qui a tué des milliers de personnes, a libéré des gaz à effet de serre d’origine volcanique qui ont engendré une année sans été suivie d’une année chaude en Europe et en Amérique du Nord, a déclaré Karlstrom.

Bien que les éruptions du fleuve Columbia aient libéré 210 000 kilomètres cubes de magma basaltique sur 1,5 million d’années, ayant des conséquences sur le climat mondial, ont conclu les chercheurs, elles n’ont pas provoqué d’extinction massive comme celles déclenchées par des éruptions à une échelle de temps similaire, il y a environ 250 millions d’années, qui ont formé les trapps de Sibérie.

La différence, selon Karlstrom, réside dans la géologie des régions. Les éruptions basaltiques du fleuve Columbia se sont produites dans une croûte magmatique qui contenait de faibles niveaux de matière organique pouvant être libérées par le chauffage hydrothermal. Les éruptions des trapps de Sibérie se sont produites dans des roches sédimentaires riches en matière organique.


Parmi les co-auteurs de l’article, on trouve Dylan P. Colón, qui est titulaire d’un doctorat de l’UO et qui est maintenant à l’Université de Genève. D’autres sont affiliés à l’Université de Berne et à l’Université d’État de Moscou. La recherche a été financée par les fondations nationales américaine, russe et suisse pour la science.

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Traduction d’un communiqué de presse de l’Université d’Oregon.

I.N. Bindeman et al., Pervasive Hydrothermal Events Associated with Large Igneous Provinces Documented by the Columbia River Basaltic Province, Scientific Report, 23 June 2020.

https://www.nature.com/articles/s41598-020-67226-9

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