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Volcans et séismes

Le fonctionnement de l’Etna

L'Etna photographié le 19 décembre 2018. @ Andrea Mirabella / Flickr / CC BY-SA 2.0.

L’Etna est un volcan proche de la France, sur lequel il existe une bonne documentation. Pourtant, il n’est pas simple d’expliquer pourquoi il existe. La carte géologique de van Dijk montre comment la région est constituée. On y voit une ligne ponctuée de triangles, qui vient de l’ouest, monte vers l’Etna (en rouge à l’est de la Sicile) puis redescend. Elle continue ensuite vers l’est puis s’infléchit vers le nord-ouest pour passer entre la Calabre et les Pouilles (ou Apulie). Cette ligne indique une zone de subduction, là où une plaque lithosphérique s’enfonce sous une autre.

On va considérer qu’il y a cinq plaques. La plaque apulienne s’enfonce sous la plaque tyrrhénienne, celle qui porte les Apennins du Sud et la Calabre. Cela provoque les éruptions du Vésuve, dont on connaît le caractère catastrophique. C’est caractéristique du volcanisme de subduction. La plaque ionienne, représentée en mauve sur la carte parce qu’elle est océanique, s’enfonce également sous la plaque tyrrhénienne, mais vers le nord-ouest. Le volcanisme de l’Etna est une conséquence de cette subduction mais il ne se déroule pas du tout comme celui du Vésuve. Les laves sont fluides parce que basaltiques. Elles coulent sagement le long des parois du volcan. Quand les premières éruptions ont eu lieu, il y a environ 400 000 ans, le basalte était tholéiitique, comme celui qui est émis dans les dorsales océaniques. C’est cette roche qui constitue le plancher du Pacifique – si l’on fait abstraction des sédiments qui se déposent dessus.

Pour expliquer le fonctionnement de l’Etna, Zohar Gvirtzman et Amos Nur ont émis en 1999 l’hypothèse que la plaque ionienne aurait effectué un recul qui aurait fait monter la Calabre et « aspiré » des roches chaudes du manteau. Celles-ci se trouvent sous la plaque africaine, soit à peu près sous l’Etna. Le bloc ibléen (mot également écrit hybléen), indiqué sur la carte, fait partie de cette plaque. Forcées à monter vers la surface, les roches du manteau, qui sont des péridotites, fondraient par décompression. Il s’agit d’une fusion partielle, comme toujours, les roches de la Terre ne fondant jamais totalement. Le même phénomène se produit sous les dorsales océaniques, où les péridotites sont contraintes à monter pour combler l’espace entre deux plaques océaniques en cours d’écartement. Ainsi la ressemblance entre les laves de l’Etna et celles des dorsales est-elle expliquée.

L’Etna photographié le 3 avril 2020.

Les basaltes de l’Etna comportent des enclaves. Ce sont des roches de la croûte qui ont été arrachées par ces laves lors de leur ascension. Il peut s’agir de fragments anguleux. Parmi ces enclaves, figurent des morceaux de carbonates (calcaire et dolomie) dont la taille va de quelques millimètres à des dizaines de centimètres. Ils proviennent du bloc ibléen, sur lequel l’Etna est posé. La carte indique ces roches avec une couleur verte et un motif de briques. Si la lave séjourne dans un chambre magmatique, les enclaves ont le temps de réagir avec elle. Elles sont chauffées puisque la lave est à une température minimale de 1 100 °C. Les carbonates sont transformés en wollastonite, un silicate de calcium, et en dioxyde de carbone. Celui-ci s’ajoute au CO2 issue des profondeurs du manteau et est rejeté dans l’atmosphère (l’Etna émet chaque jour 15 000 tonnes de CO2). Mais dans les cristaux de wollastonite, on trouve de petites bulles de CO2 qui se sont formées sur place et n’ont pas pu s’échapper. En mesurant la densité de ces inclusions fluides, on obtient une évaluation de la profondeur minimale à laquelle la lave a séjourné. Ainsi, la chambre magmatique qui a alimenté l’éruption de 1 892 était à 400 m sous le niveau de la mer.

Voici l’une des réactions qui se produisent :

CaCO3 (carbonate de calcium) + SiO2 (silice) → CaSiO3 (wollastonite) + CO2.

D’autres réactions existent. La production d’anorthite, un feldspath calcique, libère également du CO2. Dans les cristaux, on trouve aussi des inclusions fluides qui donnent une idée de la profondeur des chambres magmatiques. Il n’existe pas qu’une seule chambre. Au cours de son ascension, le magma fait des pauses en différents endroits de la croûte puis reprend son ascension et sort chaque fois par un nouveau cratère. L’Etna est donc constitué d’une multitude de cônes. On en a compté 250, actifs durant les derniers millénaires.

L’épaisseur de ces carbonates atteint 10 km et leur présence fait de l’Etna le volcan le plus émetteur de CO2 . Ce sont des carbonates soit de calcium seul (calcaire), soit de calcium et de magnésium (dolomie), qui se forment sur les planchers des mers. Ils sont datés du Trias au Quaternaire, c’est-à-dire qu’ils remontent jusqu’il y a 252 millions d’années, au début du Mésozoïque ou ère secondaire. Leur présence indique que la Sicile a longtemps été immergée. C’est également le cas de la plaque apulienne, elle aussi d’origine africaine et recouverte de carbonates.

Ceux-ci ne sont pas les seules enclaves des laves de l’Etna. Comme le montre la carte, le volcan repose sur les Maghrébides, un arc montagneux commençant en Afrique du Nord et se prolongeant en Italie, avec la chaîne des Apennins. Des produits de son érosion se sont retrouvés sous l’Etna et sont repérables sous forme d’enclaves dans ses laves. Ce sont toujours des roches silicatés comme des schistes ou des sables à mica. Il est arrivé que la chaleur ait fait fondre ces enclaves. Dans ce cas, elles sont devenues des liquides, puis des roches après refroidissement, de composition granitique. Le fait remarquable est que ces liquides ne se sont pas mélangés à la lave, à cause de différences de viscosité et de composition chimique, ainsi que de temps de contact trop courts. Il n’est pas étonnant que ces enclaves aient une composition granitique, puisqu’ils proviennent de la croûte continentale, qui a globalement cette composition. Le taux de silice du granite est supérieur à 65 %, alors que celui du basalte est inférieur à 52 %. C’est une différence majeure entre les enclaves silicatées et les laves de l’Etna.

Coulées de lave de l’Etna.

Une roche brille par son absence parmi les enclaves : il n’y a pas de péridotites (les roches du manteau). Cela s’explique par le fait que les laves de l’Etna naissent à une faible profondeur. Normalement, la lithosphère, qui est la partie superficielle rigide de la Terre et qui est découpée en plaques, est constituée d’une croûte posée sur des péridotites rigides. Mais sous l’Etna, ces dernières sont absentes. La croûte repose directement sur des péridotites chaudes et « molles », à la profondeur où la lave se forme.

Les chambres magmatiques se situent dans la couche de roches sédimentaires. Elles sont de faible volume. Les processus qui se déroulent dans les grandes chambres magmatiques et qui peuvent modifier la composition de la lave n’y ont pas lieu, c’est pourquoi les laves de l’Etna ont une composition uniforme. Malgré la grande quantité de laves que ce volcan produit, il se comporte de manière prévisible et pas du tout comme le Vésuve, parce que les mécanismes en jeu sont très différents.

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