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Astronomie

La formation du Système solaire – 2

Formation du Système solaire

Vue d'artiste de la formation d'un système planétaire. © Nasa, JPL-Caltech

Premiers matériaux solides dans le disque protoplanétaire

Les disques circumstellaires, l’on peut aussi appeler disques protoplanétaires, ont une durée de vie que de seulement quelques millions d’années. Le Soleil était encore au stade T Tauri quand les planètes se sont formées. Il était plus lumineux qu’au moment où les réactions thermonucléaires l’ont alimenté en énergie. À proximité de lui, les gaz et les poussières étaient fortement chauffées et irradiées. Seuls les grains présolaires les plus réfractaires ont pu survivre. D’autres grains se sont condensés à partir des gaz, et ont tous reçu une dose d’aluminium 26 et de fer 60. On en trouve dans certaines météorites, comme celle d’Allende. On les appelle les inclusions réfractaires (calcium aluminium rich inclusions, CAIs, en anglais). Ce sont par exemple la mélilite, le spinelle et la pérovskite, qui sont des oxydes de calcium, d’aluminium, de magnésium et de titane. Leur datation a donné un âge de 4,567 milliards d’années, considéré comme celui de la formation du disque circumstellaire. Les CAIs se sont condensés très vite, en moins de 100 000 ans. Certaines météorites de fer ont le même âge qu’elles, ce qui suggère que des petits corps, les premiers planétésimaux, se sont constitués tout aussi vite.

Jeunes étoiles et disques circumstellaires de la nébuleuse d’Orion.

Si l’on suppose une pression de 0,000 1 atmosphère dans le disque protoplanétaire, les CAIs se sont condensés à des températures supérieures à 1 600 K. L’olivine et les pyroxènes sont apparus entre 1 400 et 1 200 K, puis sont venus les feldspaths alcalins autour de 1 000 K. Avec le fer et le nickel, ce sont les constituants des planètes rocheuses, de Mercure à Mars. Il existait dans le disque protoplanétaire une ligne de glace d’eau, au-delà de laquelle la vapeur d’eau pouvait se condenser en glace. Elle est située à 4 unités astronomiques du Soleil, entre Mars et Jupiter. Les planètes rocheuses ont très peu d’eau parce qu’elles se sont formées trop près du Soleil pour que leurs « briques » puissent en contenir. La glace d’eau était présente sous les 200 K (– 73 °C). À quelques dizaines de kelvins, de la glace de méthane est apparue. Voilà pourquoi les planètes et satellites orbitant loin du Soleil sont riches en glace.

En deçà de la ligne de glace d’eau, l’hydrogène et l’hélium ne pouvaient pas non plus être présents, à cause de l’agitation thermique. Ils se sont échappés du disque protoplanétaire. Plus encore que de composés volatils (on détecte de la vapeur d’eau, du méthane, de l’ammoniac et du dioxyde de carbone dans leurs atmosphères), Jupiter et Saturne sont faites d’hydrogène et d’hélium. Elles ont un noyau métallique et rocheux sans doute bien plus massif que la Terre mais qui est impossible à observer. L’eau, le méthane et l’ammoniac sont plus abondants dans Uranus et Neptune, dont elles constitueraient le manteau. À cause de la température, ils n’y sont pas à l’état de glaces, bien que l’expression « géantes de glaces » soit utilisée pour désigner ces planètes. Elle auraient également un noyau métallique et rocheux : un corps comparable à la Terre, qui comprend elle-même un noyau métallique et un manteau rocheux.

Trois lignes de formation des corps du Système solaire. La première, la plus proche du Soleil, est celle à partir de laquelle les silicates peuvent se solidifier. Les premiers planétésimaux du système solaire interne (NC) se sont formées au-delà de cette ligne. Ils ont engendré Mercure, Vénus, la Terre et Mars. Plus loin, se trouve la ligne de glace d’eau, au-delà de laquelle sont nés les premiers planétésimaux du système solaire externe (CC). Ils ont engendré les planètes géantes. Les corps de la ceinture de Kuiper se seraient formés au-delà de la ligne de glace de monoxyde de carbone. Quant aux astéroïdes de la ceinture principale, ils rassemblent des matériaux venant des systèmes solaires interne et externe, entre Mars et Jupiter. Crédit : Rajdeep Dasgupta et Andre Izodoro.

Accrétion des planétésimaux et des embryons de planètes

Tout le problème est de savoir comment les grains se sont agglomérés pour former des corps de plus grande taille. Tant qu’ils sont microscopiques, ils peuvent être collés par les forces de van der Waals (des forces électriques), mais pour les tailles supérieures au millimètre, elles ne peuvent plus agir. Quand les premiers planétésimaux sont apparus, ils ont pu être assemblés par la gravité. Ils devaient avoir des dimensions supérieures au kilomètre. Les chocs étaient nombreux et ont dû créer beaucoup de débris. Il est possible que des billes de taille millimétrique appelées des chondres (ou chondrules) soient des gouttes de magma éjectées lors de ces collisions. On les trouve dans des météorites, les chondrites, dont celle d’Allende est un exemple. Ils sont apparus de 3 à 5 millions d’années après la naissance du disque protoplanétaire. Ces météorites comportent à la fois des silicates et des métaux (du fer et du nickel).

Les chondrites carbonées (CC) sont riches en carbone, ainsi qu’en eau. Elles recèlent des argiles et des composés organiques. Elles viennent d’au-delà de la ligne de glace d’eau. Les plus primitives, dites du type Ivuna, ne contiennent en fait pas de chondres et ont une composition très proche de la surface du Soleil. Les chondrites non carbonées (NC) se sont formées plus près du Soleil.

La météorite d’Allende est une chondrite carbonée de type CV. Les minéraux clairs irréguliers sont des inclusions réfractaires.

Les grains de poussières microscopiques suivaient les déplacements du gaz. Leurs vitesses relatives étaient faibles, si bien qu’ils pouvaient se coller l’un à l’autre quand ils se rencontraient. Ils ont atteint des tailles d’environ 1 mm qui leur ont permis de dériver dans le gaz. Ces gros grains sont appelés des cailloux. Ils avaient tendance à tomber en spirale vers le Soleil. Cependant, des concentrations de cailloux sont apparues, qui ralentissaient le gaz et attiraient de plus en plus de grains. Ce phénomène s’appelle l’instabilité d’écoulement. Des effondrements gravitationnels ont transformé directement ces amas de grains en planétésimaux de 10 à 100 km de diamètre.

Le radiotélescope ALMA dans le désert d’Atacama au Chili observe le ciel dans le domaine des infrarouges lointains et des micro-ondes. Il voit des objets froids, comme des nuages moléculaires et des poussières. Il a fourni des images spectaculaires de disques protoplanétaires, où des structures complexes apparaissent : des anneaux, mais aussi des arcs, des filaments et des spirales. Ce sont des accumulations de matière où les planétésimaux naissent. Certains de ces anneaux correspondent certainement à la ligne de condensation des silicates ou à des lignes de glaces.

Images de disques protoplanétaires obtenues par ALMA.
Autre image fournie par ALMA : la galaxie NGC 4303, située à 55 millions d’années-lumière de la Terre. Les nuages moléculaires apparaissent en jaune. De nombreuses étoiles se forment dans les bras spiraux et apparaissent en bleu. C’est un autre télescope, le VLT au Chili, qui a fourni leur image.

Pour la croissance des planétésimaux, deux mécanismes sont envisagés. L’accrétion de planétésimaux implique des collisions entre ces petits astres. Elles profitent aux planétésimaux les plus massifs. Leur gravité leur permet de croître aux dépens des corps plus petits. Lors de l’accrétion de cailloux, les planétésimaux attirent des grains. On pense que ce processus était très efficace dans le Système solaire externe, au-delà de la ligne de glace d’eau, là où se sont formés Jupiter, Saturne Uranus et Neptune. Les cailloux pouvaient atteindre un centimètre de long. Ils étaient des agglomérats de grains maintenus ensemble par de la glace. Des embryons de planètes riches en glaces de 5 à 10 masses terrestres sont apparus, alors que dans le Système solaire interne, ils étaient seulement de la taille de la Lune ou de Mars et ils étaient dépourvus de glaces. Leur croissance s’est arrêtée quand ils ont émis des ondes de densité qui ont empêché les cailloux de s’approcher d’eux. Ils ont atteint leur masse d’isolement.

Accrétion et migration des planètes géantes

Ainsi, les noyaux des planètes géantes seraient d’abord apparus, avant qu’elles ne commencent à attirer du gaz. Si Jupiter et Saturne ont accrété plus que gaz qu’Uranus et Neptune, se sont simplement parce que leurs noyaux se sont formés plus rapidement. L’hydrogène et l’hélium se sont accumulés d’abord avec lenteur sur le noyau de Jupiter (qu’on peut appeler la proto-Jupiter), puis au bout de quelques millions d’années, quand sa masse a atteint 20 à 30 masses terrestres, un emballement s’est déclenché. Grâce à sa forte gravité, Jupiter a collecté tout le gaz qui était disponible autour de son orbite, creusant une sorte de sillon dans le disque protoplanétaire. Sa croissance s’est arrêtée faute de gaz.

Jupiter photographiée par la caméra JunoCam de la sonde Juno.
Intérieur de Jupiter
Coupe intérieure hypothétique de Jupiter, par Jean-Christophe Benoist. La planète aurait un noyau d’environ 7000 km de rayon, de silicates et de métaux fondus. Il ne serait pas beaucoup plus grand que la Terre, dont le rayon moyen est de 6371 km, mais plus dense à cause de sa compression et donc plus massif. La planète contiendrait une grande quantité d’hydrogène métallique qui, contrairement à ce que sa désignation laisse supposer, est liquide.

On pourrait aussi envisager que Jupiter se soit formée directement par effondrement gravitationnel d’une accumulation de gaz et de cailloux, les silicates et les métaux se rassemblant au centre pour constituer son noyau, mais cette théorie n’a pas la cote chez les astronomes. Le noyau de Jupiter serait responsable de la séparation entre chondrites carbonées et non carbonées. Il n’existe pas de météorite de composition intermédiaire. Au début, les cailloux dont ils ont été formés pouvaient migrer à travers le Système solaire, mais quand la proto-Jupiter a acquis une masse suffisante, elle les aurait empêchés de traverser son orbite. Des planétésimaux différents se seraient agrégés à l’intérieur de cette orbite et à l’extérieur. Plus tard, quand Jupiter a acquis son enveloppe d’hydrogène et d’hélium, elle aurait déplacé vers le Soleil des planétésimaux externes. Mêlés à des planétésimaux internes, ils auraient constitué la ceinture principale d’astéroïdes. Les chondrites qui tombent actuellement sur Terre sont des fragments de ces corps.

Simulation hydrodynamique d’un embryon de planète de 10 masses terrestres dans son disque de gaz. Les couleurs correspondent à des densités différentes. L’embryon crée des ondes de densité dont la plus évidente est en blanc. Elle est en spirale et agit sur lui de manière à rétrécir son orbite. Illustration de Frédéric Masset.

La migration était un phénomène généralisé dans le disque protoplanétaire, tant qu’il restait du gaz. Tout corps suffisamment massif créait des ondes de densité, qui entraînaient une contre-réaction. La migration pouvait se faire vers le Soleil ou vers l’extérieur. Les noyaux des planètes géantes se déplaçaient rapidement vers l’intérieur. Sachant cela, on peut envisager que les planètes géantes aient été plus éloignées du Soleil lors de leur formation. Actuellement, Jupiter en est à 5,2 unités astronomiques. Il se pourrait que son noyau ait grandi à 10 ou même 20 unités astronomiques du Soleil, soit entre les emplacements actuels de Saturne et d’Uranus, mais alors, on se demande ce qui se trouvait aux distances inférieures. Les autres planètes géantes seraient apparues encore plus loin ou plus tard.

La migration des planètes géantes, une fois qu’elles se sont entièrement constituées, se poursuit plus lentement que celle des embryons de planètes. Elles suivent le gaz, qui se rapproche de l’étoile. Elle prend fin quand le gaz est dissipé ou quand elles arrivent sur le bord inférieur du disque.

Simulation hydrodynamique d'une planète de la masse de Jupiter creusant un sillon dans un disque de gaz.
Simulation hydrodynamique d’une planète de la masse de Jupiter creusant un sillon dans un disque de gaz. Illustration de Frédéric Masset.

Dans d’autres systèmes planétaires, des « Jupiters chaudes » tournent très près de leur étoile (parfois en quelques jours !), bien en deçà de la ligne des glaces où elles se sont formées. Si cela s’était produit dans le Système solaire, la Terre n’existerait pas. Il se peut que Jupiter ait poursuivi sa migration vers le Soleil mais que Saturne, formée après elle, l’ait contrainte à s’en éloigner, autorisant la formation des quatre planètes du Système solaire interne : Mercure, Vénus, la Terre et Mars.

Accrétion des planètes telluriques

Cela peut sembler paradoxal, mais ces quatre planètes se sont constituées beaucoup plus lentement que les planètes géantes, alors qu’elles sont nettement moins massives. On estime que leur accrétion s’est prolongée pendant 50 à 100 millions d’années. Les planètes géantes n’ont eu que quelques millions d’années pour devenir ce qu’elles sont aujourd’hui. Le gaz a aidé leurs noyaux à devenir plus massifs qu’une planète tellurique, puis il s’est accumulé à leur surface tant qu’il en restait dans le disque protoplanétaire.

Planétésimaux et embryons de planètes sont apparus rapidement, tant dans le Système solaire interne qu’externe. C’est la suite de l’accrétion qui a été plus longue. Le modèle classique de la formation des planètes telluriques, développé par George Wetherill de 1975 à 1991, suppose que leur croissance est indépendante de celle des planètes géantes. Les simulations commencent lors de la dissipation du gaz, si bien que seules les collisions entre corps rocheux sont prises en compte. Elles fonctionnent très bien pour Vénus et la Terre mais elles donnent à Mars une masse comparable à celle de ces deux planètes, alors qu’elle vaut seulement 10,7 % de celle de la Terre. Un autre problème est que la ceinture d’astéroïdes qu’elle prédit est trop fournie. Même si elle comporte de grands astéroïdes comme Cérès et Vesta, sa masse totale ne vaut qu’un millième de masse terrestre.

Le Grand Tack illustré par Sean Raymond.
  1. The « Grand Tack » model (Walsh et al., 2011)
  2. Planetesimals and planetary embryos orbiting the young Sun. Planétésimaux et embryons de planètes orbitant autour du Soleil.
  3. Jupiter
  4. Jupiter migrates inward. The disk of planetesimals is squished into a narrow by Jupiter. Jupiter migre vers l’intérieur. Le disque de planétésimaux est écrasé en une étroite bande par Jupiter.
  5. Saturn
  6. The « Grand Tack » : Jupiter and Saturne migrate outward together. Le Grand Tack : Jupiter et Saturne migrent ensemble vers l’extérieur.
  7. The gaz disk dissipate after a few million years. Le disque de gaz se dissipe après quelques millions d’années.
  8. Giant Impacts. Impacts géants.

Plusieurs théories expliquent cela. La plus connue est celle du Grand Tack (du grand « virement de bord » en français), présentée en 2011 par Kevin Walsh, Alessandro Morbidelli, Sean Raymond, David O’Brien et Avi Mandell. Pendant qu’elle amassait du gaz, Jupiter a migré vers le Soleil. Elle a pu s’en approcher jusqu’à 1,5 unité astronomique, ce qui correspond à l’orbite actuelle de Mars. Les planétésimaux et embryons de planètes qui se trouvaient près du Soleil ont été poussés vers lui et ont dû se rapprocher les uns des autres. Saturne est venue ensuite (comme d’autres planètes en croissance). Elle migrait plus rapidement que Jupiter car elle était plus légère qu’elle, si bien que les deux planètes sont entrées en résonance 3:2 (Jupiter effectuait 3 révolutions autour du Soleil quand Saturne en effectuait 2). La migration s’est alors arrêtée, puis Jupiter et Saturne (et d’autres planètes plus lointaines) sont reparties vers l’extérieur du Système solaire. Elles ont « viré de bord ». Cela suppose que la masse de Jupiter est restée 2 à 4 fois supérieure à celle de Saturne, pendant que les deux planètes poursuivaient leur croissance.

En s’approchant du Soleil, Jupiter aurait dispersé des planétésimaux rocheux vers le Système solaire externe, sur des orbites inclinées et excentriques (inclinées par rapport au plan du disque et allongées). Plus tard, quand elle s’est éloignée du Soleil, des planétésimaux externes auraient été déplacés vers le Système solaire interne, sur des orbites semblables. Certains étaient riches en eau. La théorie du Grand Tack explique ainsi très bien la petite taille de Mars et le faible nombre d’astéroïdes de la ceinture principale, vidée durant la première phase de la migration. Elle explique aussi pourquoi les corps les plus externes de cette ceinture sont hydratés : ils sont venus d’au-delà de la ligne de glace d’eau (le domaine des chondrites carbonées). L’arrivée de ces corps a probablement apporté de l’eau aux planètes telluriques. Il y a eu des impacts géants, comme celui de Théia avec la proto-Terre, et un autre impact qui a privé Mercure d’une partie de son manteau.

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