Pour comprendre comment la vie est apparue et s’est développée sur Terre, il est important de connaître son environnement. On pourra alors supposer que si un environnement semblable a existé sur Mars, sur des satellites des planètes géantes ou sur des exoplanètes, la vie a eu des chances d’y apparaître. Sur Terre, elle est probablement née durant l’Hadéen, le premier éon, qui s’étend de l’accrétion de notre planète il y a 4,57 Ga (milliards d’années) jusqu’il y a 4 Ga. Aucune roche hadéenne n’a été conservée. On connaît seulement des minuscules cristaux de zircon qui témoignent de l’existence de grandes quantités d’eau liquide il y a 4,4 Ga, 170 millions d’années après la naissance de la Terre.
Dans l’un de ces cristaux, une inclusion de graphite a été trouvée et ce carbone est peut-être d’origine biologique. Il est daté à 4,1 Ga. Du graphite d’origine plus certainement biologique provient du bloc de Saglek, dans la province du Labrador au Canada. Sa datation à 3,94 Ga demanderait à être confirmée. Si elle est exacte, la vie existait au tout début de l’Archéen, le deuxième éon, qui s’étend de 4 à 2,5 Ga. Une apparition durant l’Hadéen serait donc tout à fait possible. L’horloge biologique, appliquée à la base de l’arbre de la vie, apporte une confirmation. En 2017, Joanna Wolfe et Gregory Fournier du MIT ont daté l’émergence des archées méthanogènes (des procaryotes émettrices de méthane) à 3,94 Ga, avec une incertitude de ± 0,23 Ga. Ce n’est pas sans conséquence pour les climats de la Terre, puisque le méthane est un puissant gaz à effet de serre. Il paraît impossible de connaître les climats hadéens, mais l’étude de la Terre archéenne et les modélisations du cycle du carbone permettent de s’en faire une idée.
Le paradoxe du Soleil froid
Le manteau terrestre était plus chaud durant sa jeunesse que maintenant, peut-être de 200 °C durant l’Archéen. Le volcanisme était plus intense et des laves particulières étaient émises : les komatiites. Actuellement, le flux géothermique moyen est de 0,09 W/m², ce qui correspond à une puissance totale dissipée par la Terre de 46,3 térawatts. C’est cependant très peu en comparaison de la puissance que notre planète reçoit du Soleil. Ce nombre, appelé la constante solaire, vaut actuellement 1 361 W/m². Plus précisément, il s’agit de la quantité d’énergie traversant par unité de temps une surface perpendiculaire au rayonnement. Elle varie très légèrement au cours des cycles solaires. Répartie sur toute la surface de la Terre, cette puissance devient 340 W/m². On voit que le flux géothermique est parfaitement négligeable face à la constante solaire. Il y a quatre milliards d’années, la production de chaleur était 4 fois supérieure, mais cela ne changeait quasiment rien.
La puissance rayonnée par le Soleil est en augmentation constante depuis sa naissance. Il produit de l’énergie dans son noyau en fusionnant de l’hydrogène en hélium. Comme le nombre de particules par unité de volume décroît, la pression exercée par les couches externes augmente, ce qui fait grimper la température du noyau. Les astrophysiciens ont calculé qu’il y a 4 Ga, la puissance du Soleil était de 27 % plus faible que maintenant. Il y a 2,8 Ga, la différence était de 20 %. Le forçage radiatif correspondant, à la fin de l’Archéen, était d’environ – 50 W/m² : la surface de la Terre ne recevait que 290 W/m². Par conséquent, on s’attend à ce que la Terre ait été gelée durant sa jeunesse, mais la présence d’eau liquide en surface est largement attestée pendant l’Archéen. Ce problème remarqué par Carl Sagan et George Mullen en 1972 est appelé le paradoxe du Soleil « froid » (ou jeune comme on dit maintenant).
La température moyenne globale (TMG) de la Terre est celle qui lui permet d’équilibrer son bilan radiatif : elle renvoie dans l’espace autant de puissance qu’elle en reçoit. Elle était de 14 °C avant l’ère industrielle et elle a augmenté d’un degré lors du réchauffement climatique moderne. Elle dépend de la constante solaire, mais aussi de la concentration en gaz à effet de serre et de l’albédo de la Terre, c’est-à-dire de son pouvoir réfléchissant. Il est égal à 0,29 pour la Terre actuelle : elle réfléchit 29 % de la puissance reçue. Si l’albédo diminue, la TMG augmente. La Terre archéenne a pu avoir un albédo plus faible car la surface recouverte par les océans était plus grande que maintenant (les océans actuels ont un albédo très faible de 0,05), mais le forçage radiatif n’a pas pu dépasser + 5 W/m². Avec une constante solaire inférieure, il y a moins d’évaporation et donc moins de nuages bas, si bien que l’albédo de la Terre diminue, mais ce n’est pas non plus suffisant. Même si l’on retirait tous les nuages bas, le forçage radiatif ne serait que de + 25 W/m².
En 2010, Roberto Rondanelli et Richard Lindzen ont supposé la présence de cirrus dans les zones tropicales. Ce sont des nuages de haute altitude composés de cristaux de glace, qui rayonnent des infrarouges vers la surface de la Terre et la chauffent. Ils se comportent ainsi comme les gaz à effet de serre. Leur hypothèse fonctionne bien si la puissance du Soleil est diminuée de 20 %, comme c’était le cas il y a 2,8 Ga, moins bien avec une diminution plus importante, mais il resterait une bande de terre non gelée aux tropiques. Elle fait appel à un effet « iris » selon lequel la couverture des cirrus s’accroîtrait en cas de refroidissement. Mais d’après des calculs effectués par Colin Goldblatt et Kevin Zahnle en 2018, il faudrait recouvrir entièrement le ciel de cirrus, les rendre plus froids de 14 °C et multiplier leur épaisseur par 3,5 pour obtenir un forçage radiatif de + 50 W/m².
Les premières estimations des températures des océans archéens ont rendu le problème plus aigu. Pour cela, les scientifiques ont utilisé le rapport de l’oxygène 18 et de l’oxygène 16 dans des cherts, qui est de la silice microcristalline fréquente dans les sédiments de cette époque. Il dépend de la température à laquelle ces cherts ont cristallisé. D’après ces mesures, les températures de eaux de surface auraient été comprises entre 55° et 85 °C. En 2006, François Robert et Marc Chaussidon ont présenté d’autres estimations, basées sur le silicium de ces cherts. La température de l’eau de mers devait avoisiner 70 °C il y a 3,5 Ga. Elle a très lentement baissé au cours du Précambrien, jusqu’à 20 °C il y a 800 millions d’années, avant les glaciations globales du Cryogénien.
Des glaciations archéennes
On savait que la Terre avait connu des glaciations au début du Protérozoïque, le troisième éon (de 2,5 Ga à 541 millions d’années) : les glaciations huroniennes. On connaissait également une glaciation archéenne, qui a laissé des traces dans le supergroupe de Pongola, sur le craton du Kaapvaal en Afrique du Sud. Elle a été datée à environ à 2,9 Ga.
Ce lieu était alors un bassin sédimentaire en cours de subsidence, c’est-à-dire d’enfoncement, situé entre 43° et 48° de latitude. Recouvert par la mer, il était surmonté par des terres émergées, une zone de failles servant de délimitation. Sous l’effet de la gravité, une boue argileuse noire provenant des terres s’écoulait dans le bassin, où elle se déposait. Au début, elle comportait des sables très fins appelés des silts, puis des cailloux de diverses origines se sont mêlés à elle : des fragments de quartzite, de chert, de formation ferrifère rubanée (une roche sédimentaire riche en fer), des gneiss, des granitoïdes et des roches volcaniques. Certaines de ces pierres ont été striées et facettées. Elles ont probablement toutes été arrachées, transportées et mêlées par des glaciers situés sur les terres émergées. Éparpillées dans la boue, elles constituent aujourd’hui une roche appelée une diamictite. Il y a eu trois autres épisodes glaciaires, puis la boue a continué à se déposer seule. Elle a été ensuite remplacée par du sable et des coulées de lave basaltique datées à 2,94 Ga. L’ensemble de ces sédiments a 5 000 mètres d’épaisseur. Le plus important niveau de diamictites atteint 80 mètres.
En 2017, Maarten de Wit et Harald Furnes ont présenté des diamictites datées cette fois à 3,5–3,4 Ga. Elles se trouvent dans la ceinture de roches vertes de Barberton en Afrique du Sud, également sur le craton du Kaapvaal. Étant donné son ancienneté, cela change notre conception des climats archéens. On sait que la vie était largement diversifiée, quoique microbienne. Elle a donc existé sous des climats qui n’étaient pas très différents des climats actuels. Mais cette découverte va bien plus loin : les deux chercheurs ont mis en évidence un champ hydrothermal situé sur une croûte océanique, entre 2 000 et 4 000 mètres de profondeur. Des sources hydrothermales injectaient une eau à environ 200 °C dans des eaux océaniques froides, si bien que des cherts cristallisaient à des températures élevées. Les cherts analysés précédemment, s’ils se sont formés dans un tel environnement, ne nous renseignent pas sur la température moyenne des océans, mais sur celle de champs hydrothermaux, qui étaient forcément beaucoup plus chauds.
Il y a 3,467 Ga, trois centres volcaniques émettaient une lave basaltique sur un plancher océanique, à plus de 2 000 mètres de profondeur. Au contact de l’eau, elle se solidifiait immédiatement sous forme de laves en coussins (pillow lavas en anglais). Il y a eu neuf phases éruptives durant 5 millions d’années. Les coulées de lave ont été empilées sur 2 700 mètres d’épaisseur – ce qui implique une subsidence de la croûte. Elles constituent aujourd’hui le complexe de Hoogenoeg, dans le groupe d’Onverwacht. Entre chaque phase, des boues volcanoclastiques et des cendres volcaniques d’origine aérienne se déposaient. Des fluides hydrothermaux venaient des profondeurs en circulant dans des conduits. Très chargés en silice dissoute, ils ont transformé ces dépôts en cherts.
Un soulèvement tectonique s’est ensuite produit. Le complexe de Hoogenoeg s’est retrouvé à l’air libre a été fortement érodé, puis des sédiments se sont déposés dessus. Ils constituent la base du complexe de Noisy. La section d’Etimambeni comprend 1 à 20 mètres d’épaisseur de diamictites, où l’on trouve des blocs de plus de 50 cm de diamètre à des fragments millimétriques pris dans une matrice à grains fins anguleux. Nombre de ces pierres proviennent de la formation de Hoogenoeg, mais certaines sont des galets granitiques venus de plus loin et transportés par des fleuves. Entre des couches de diamictites, au fond d’un ancien lac, les chercheurs ont identifié des alternances de dépôts sablonneux clairs et de dépôts boueux noirs, tous millimétriques, interprétés comme des varves : en hiver, quand le paysage était recouvert de glaces, seules des argiles se déposaient dans le lac, et au printemps, la fonte des glaces faisait reprendre l’érosion et apportait du sable. La succession des dépôts traduit donc celle des saisons. Des pierres tombées dans ces sédiments ont sans doute été des dropstones : elles ont été lâchées par des glaciers.
Sur ces dépôts glaciaires, sont arrivées des laves felsiques (riches en feldspaths et en silice) et des porphyres (à grands cristaux de feldspath) ayant jusqu’à 1 000 mètres d’épaisseur, datées entre 3,462 et 3,445 Ga. Ce volcanisme a ainsi duré 17 millions d’années, puis des sables, des argiles et des oxydes de fer se sont déposés sous une faible profondeur d’eau de mer. Du magma montant de plutons situés sous la ceinture de roches vertes de Barberton s’est introduit dans ces roches. Il a formé des dykes et des sills de tonalite et de trondhjémite, qui sont des roches grenues claires caractéristiques de la croûte continentale archéenne. L’hydrothermalisme était intense. Des fluides venant des plutons rencontraient de l’eau relativement froide, marine et apportées par les précipitations, qui percolaient dans les sables et les argiles. Cela a entraîné la silicification des sédiments et la formation de dépôts primaires de silice (et de fer) à des profondeurs d’eau inférieures à 70 m et à des températures comprises entre 30° et 120° C. Ce système hydrothermal ressemblait à des systèmes actuellement situés en Nouvelle-Zélande, au Japon et au Mexique.
Voir Les premières traces de vie sur la Terre
Le cycle du carbone dans l’atmosphère archéenne
Pour le moment, on ne connaît pas d’autre glaciation du Paléoarchéen (de 3,6 à 3,2 Ga), mais c’est suffisant pour écarter l’idée d’une Terre très chaude, avec des eaux superficielles à 70 °C. Peut-être le terme de glaciation est-il exagéré et les varves n’étaient-elles que la manifestation d’hivers rigoureux, mais il existait au moins des glaciers à proximité de la mer. Ou peut-être y avait-il vraiment une glaciation affectant d’autres régions de la Terre, dont les traces restent à découvrir. On peut expliquer que les isotopes de l’oxygène des cherts ont fournis des températures trop élevées soit en supposant que le rapport 18O/16O de l’eau de mer a varié au cours du Précambrien, soit en admettant que ces très anciens cherts ont subi des altérations. Certains peuvent ne pas avoir précipité dans l’eau de mer, mais avoir remplacé des carbonates.
Il existe d’autres indicateurs de paléotempératures. En 1990, Roger Buick et J.S.R. Dunlop ont présenté des évaporites archéennes, alors qu’on pensait qu’elles n’existaient pas. Ce sont des roches sédimentaires formées par évaporation d’eau de mer. Elles ne témoignent pas forcément d’un climat chaud, mais avant tout d’un déficit hydrique. Ces auteurs ont reconnu du gypse (sulfate de calcium hydraté) par la suite transformé en baryte (sulfate de barium) qui a cristallisé dans des étangs semi-permanents derrière une barre composée de radeaux de pierre ponce échouées. Or la température devait être inférieur à 18 °C, sans quoi c’est de l’anhydre (sulfate de calcium non hydraté) qui aurait cristallisé. Ce gypse se trouvait en fait dans la caldeira d’un ancien volcan contenant des stromatolites, rochers édifiés par des colonies microbiennes. La vie était donc présente. Ces roches appartiennent à la formation de Dresser sur le craton de Pilbara en Australie, datée à 3,48 Ga. La découverte de Buick et Dunlop a été contestée en 2001, puis défendue par David Catling et Kevin Zahnle en 2020.
Ainsi, la Terre archéenne n’était pas une fournaise, mais puisqu’elle n’était pas non plus une boule de glace, il faut supposer une concentration en gaz à effet de serre plus élevée que maintenant, en premier lieu de dioxyde de carbone et de méthane. Pour le CO2, une limite à sa concentration a été estimée par Robert Rye et deux collaborateurs en 2004, mais elle n’est valable que pour la fin de l’Archéen il y a moins de 2,8 Ga : elle ne devait pas excéder 40 000 ppm (soit 4 %), contre environ 410 ppm maintenant. Si elle avait été supérieure, il y aurait eu plus de carbonate de fer (de la sidérite) que de silicate de fer dans les paélosols. Comme ce n’était pas suffisant, il a fallu supposer que le méthane jouait aussi un rôle dans l’effet de serre radiatif. Cela implique l’absence d’oxygène dans l’atmosphère à cette époque, puisque ce gaz aurait provoqué la disparition du méthane.
Pour connaître la concentration du CO2 atmosphérique, on fait des modélisations du cycle du carbone. Un tel calcul s’appelle un bilan de masse. Le paramètre à déterminer est l’altération des roches continentales par les pluies. C’est un processus qui soutire du carbone à l’atmosphère pour le transférer dans les océans, sous forme d’ions bicarbonate. En 2011, l’équipe de Steven Driese a estimé la concentration du CO2 entre 10 à 50 fois la concentration actuelle. Elle s’est basée sur des tonalites du Minnesota, datées à 2,69 Ga, fortement altérées, ayant engendré un épais paléosol. D’autres calculs ont donné des valeurs plus élevées, parfois supérieures au seuil de 40 000 ppm.
L’altération des roches continentales, comme les tonalites durant l’Archéen, est un important puits de carbone, mais il existe un autre puits, qui est l’altération du plancher océanique, constitué de basalte. Elle peut se produire quand ce plancher laisse s’infiltrer l’eau de mer. Les minéraux du basalte sont dissous, ce qui libère des ions calcium. Ils se combinent avec les ions bicarbonate de l’eau de mer, entraînant la précipitation de calcite (carbonate de calcium) dans des veines et des pores de la croûte océanique. De la sorte, du carbone est transféré des océans vers la croûte. L’altération du plancher océanique a dû être plus importante durant l’Archéen que maintenant à cause de la plus grande production de croûte océanique. Elle a dû faire baisser la quantité de carbone présent dans le système atmosphère-océan. En 2020, Catling et Zahnle ont estimé que la pression partielle du CO2 était comprise entre 0,006 et 0,6 bar (un bar valant à peu près une atmosphère) il y a 4 Ga,
Le CO2 se dissout dans l’eau en faisant baisser son pH : il se transforme en acide carbonique. L’acidification est cependant limitée par la libération d’ions calcium Ca+. D’après ces deux chercheurs, le pH devait être compris entre 6,4 et 7,4. Ces valeurs ont été trouvées grâce aux carbonates du sous-groupe de Campbellrand sur le craton du Kaapvaal, qui couvrent une surface de 600 000 km² autour de Johannesburg sur une épaisseur de 2 500 mètres. Ils datent de la fin de l’Archéen et n’ont presque pas été métamorphisés. Les océans archéens étaient donc probablement acides.
Il y a plusieurs raisons de penser que la concentration en méthane était élevée. L’étude du xénon contenu des roches archéennes a permis à Catlin et Zahnle d’estimer qu’il y a 3,5 Ga, la concentration du méthane était supérieure à 0,5%, soit à 5 000 ppmv (contre 1,8 ppmv aujourd’hui). Ils ont supposé que les archées convertissaient tout l’hydrogène disponible en méthane. Compte tenu de la concentration en dioxyde de carbone, la TMG de la Terre devait être comprise entre 0° et 40 °C, suffisamment pour résoudre le paradoxe du Soleil froid sans que la Terre n’en devienne trop chaude. Quant à la pression partielle de l’azote, elle était au plus égale à celle d’aujourd’hui.
Voir Le paradoxe du xénon
D’après une étude publiée en 2016, à laquelle ont participé Roger Buick et David Catling, la pression atmosphérique au sol était inférieure à 0,5 bar il y a 2,74 Ga. Ses auteurs ont utilisé les vésicules d’une coulée de lave basaltique sur le craton de Pilbara. Ce sont d’anciennes bulles de gaz. Si la pression était de 0,23 bar, l’eau bouillait à seulement 58 °C, ce qui fournit une limite supérieure aux températures.
Une Terre gelée durant l’Hadéen ?
En 2001, en tenant compte de l’altération des planchers océaniques, Norman Sleep et Kevin Zahnle avaient déjà annoncé que la Terre archéenne devait être assez froide. La glaciation d’Etimambeni n’était pas encore connue. Sa découverte rend plus crédible la modélisation du cycle du carbone qu’ils ont utilisée, or pour connaître les climats hadéens, on ne dispose que de modélisations. D’après ces deux auteurs, la Terre a pu être glacée dès que l’eau liquide était disponible, il y a 4,4 Ga, et que la concentration du CO2 a suffisamment baissé. En plus de l’altération des planchers océaniques (ou peut-être de la protocroûte mafique), l’altération des éjectas de météorites a dû soutirer du carbone au système atmosphère-océan. Il y avait en effet beaucoup de chutes de météorites durant l’Hadéen. De grands impacts éjectaient dans l’atmosphère des roches de la croûte et du manteau pulvérisées et vitrifiées, qui étaient facilement altérées et « consommaient » beaucoup de CO2. Elles ont pu former des sédiments sur la croûte.
Plus de 170 millions d’années après la naissance de la Terre, il n’existait pas d’eau liquide à sa surface : elle se trouvait à l’état de vapeur d’eau dans son atmosphère. Quand elle s’est condensée, lors de pluies diluviennes, le CO2 est devenu le principal gaz avec une pression partielle de 40 à 210 bars. Le méthane n’était pas encore présent. L’altération de la croûte et des éjectas par une eau très chargée en acide carbonique a fait diminuer la pression partielle du CO2. Quand elle devenue inférieure à 1 bar, la surface des océans pu commencer à geler. La banquise a pu avoir quelques centaines de mètres d’épaisseur. Les zircons hadéens montrent que de l’eau liquide a continué à exister. De nouvelles chutes de météorites entraînaient la fonte et même la vaporisation de la glace et déposaient des éjectas.
La vie serait donc apparue sur une Terre glacée soumise à des impacts de météorites ? Ce n’est pas impossible. D’après les théories les plus élaborées, elle est née dans des sources hydrothermales. Les glaciations ne les empêchaient pas d’exister.
Voir La Terre archéenne, une planète sans tectonique des plaques ?
**************************************************************************************
Les figures sont extraites de ces deux articles publiés sous licence CC BY-NC, où l’on trouvera des références utilisées ici :
David C. Catling & Kevin J. Zahnle, The Archean atmosphere, Sciences advances, 26 February 2020.
Maarten J. de Wit & Harald Furnes, 3.5-Ga hydrothermal fields and diamictites in the Barberton Greenstone Belt—Paleoarchean crust in cold environments, Science Advances, 26 February 2016.
Leave a Reply
Vous devez vous connecter pour publier un commentaire.