Le dôme de Richat est une structure géologique unique au monde, dont l’interprétation a par conséquent été difficile. On peut cependant en dire autant d’autres formations géologiques, pas toujours aussi spectaculaires, qui n’ont pas vraiment d’équivalent. Le rôle des géologues est de tenter de deviner quel processus en est à l’origine, sachant qu’il peut avoir été long et remonter à des millions d’années.
Il s’agit d’une structure à peu près circulaire d’environ 40 kilomètres de diamètre, composée d’anneaux concentriques, située en Mauritanie. Elle n’apparaît pas de manière évidente aux voyageurs. Pour la distinguer, le mieux est de la survoler en avion, voire de l’observer à partir de l’espace. Elle se trouve plus exactement dans le bassin de Taoudeni, qui est le grand bassin sédimentaire de l’Afrique de l’Ouest. Il couvre une surface d’environ 2 millions de kilomètres carrés et a commencé à se former à la fin du Mésoprotérozoïque, il y a un peu plus d’un milliard d’années. Les sédiments déposés ensuite sont manquants, sans doute érodés par les glaciations globales du Cryogénien (de 720 à 635 Ma). Les sédiments qui les surmontent sont datés d’il y a environ 650, vers la fin de cette période. Les plus récents remontent au Carbonifère, période durant laquelle la chaîne hercynienne s’est élevée. Au nord-ouest, dans la dorsale Réguibat, le socle cristallin du bassin affleure. Le dôme de Richat se trouve à proximité de cette zone.
Description de la structure
On l’appelle aussi la structure de Richat, mais à l’origine, c’était un dôme. En périphérie, l’inclinaison des couches de sédiments atteint 10° à 20°. L’érosion a contribué à aplanir ce dôme, en retirant des couches d’autant plus anciennes qu’elles se trouvent près du centre. Au milieu, les sédiments datent de la fin du Protérozoïque. Les couches les plus récentes se trouvent en périphérie : elles datent de l’Ordovicien (de 485 à 443 Ma). Ce sont les grès de Chinguetti. Des couches de quartzite, une roche plus dure que les autres sédiments, ont mieux résisté à l’érosion. Elles forment les trois anneaux concentriques externes, qui ont de 20 à 30 mètres de haut. Des tels reliefs s’appellent des cuestas. On voit de petits anneaux de grès sur une plage du Pas-de-Calais, au cap Gris-Nez, créés par les forces tectoniques et l’érosion.
Cette observations ne sont pas compatibles avec l’hypothèse, présentée en 1964 par André Cailleux et Charles Pomerol, selon laquelle le dôme de Richat a été créé par la chute d’une météorite. La théorie d’une intrusion de magma ayant soulevé la croûte continentale, formulée en 1962 par J.-P. Destombes et H. Plotes, est préférable, mais elle n’explique pas toutes les caractéristiques de cette structure. Des observations et des explications plus complètes ont été présentées en 2014 par deux chercheurs québécois, Guillaume Matton et Michel Jébrak. Elles sont résumées ici.
La structure possède un anneau interne de grès. Il est interrompu au sud-ouest par une sebkha. C’est une zone inondée soumise à l’évaporation, où l’eau est extrêmement salée. Elle apparaît en clair sur les photographies. On peut deviner qu’elle recouvre partiellement un cratère de 2,5 kilomètres de diamètre. À cet endroit, il y a eu une éruption volcanique très violente, probablement causée par la rencontre d’un magma et d’une nappe d’eau souterraine. Un tel cratère s’appelle un maar. Le lac Pavin, dans le massif Central, en est un autre exemple. Le dôme de Richat en comporte un second, au nord-est, du côté interne de l’anneau de grès.
Ces formations volcaniques sont très particulières. À la base, elles comportent des fragments de roches, dans une matrice de cendres volcaniques, provenant sans doute de la couverture sédimentaire : grès, quartzite et jaspe. C’est de la croûte continentale déchiquetée par les explosions. Dessus, il y a de la rhyolite, une roche volcanique riche en silice. Celle-ci comporte d’ailleurs d’abondants cristaux de quartz – qui est de la silice cristallisée. Cependant, sur cette ancienne lave très visqueuse, on trouve des cristaux sphériques (des glomérocristaux) d’analcime. Ils ont beaucoup intrigué les géologues car ce sont des feldspathoïdes. Ces minéraux apparaissent à la place des feldspaths dans les roches relativement pauvres en silice. Leur présence est par conséquent incompatible avec celle des cristaux de quartz. Ceux-ci sont automorphes, c’est-à-dire qu’ils sont une forme qui leur est propre. Ils ont donc pu croître sans entraves dans un magma, ce qui implique que les cristaux d’analcime sont apparus après les éruptions volcaniques.
Toujours à l’intérieur de l’anneau de grès, on discerne deux anneaux de gabbro, l’un de 7 à 8 kilomètres de rayon, l’autre de 3 kilomètres de rayon. Le gabbro est un magma basaltique qui s’est entièrement cristallisé. Il s’est donc solidifié dans les profondeurs de la croûte (dans des dykes), alors que la rhyolite s’est solidifiée à la surface. Ces roches sont respectivement dites intrusives et extrusives. Les dykes du grand anneau ont une cinquantaine de mètres de large. Ils ne sont clairement visibles que du côté oriental. Ce gabbro est riche en potassium, ce que les géologues ont eu du mal à expliquer. Des intrusions de carbonatite ont été datées à environ 85 et 99 Ma. Ces laves ne sont actuellement produites que par un seul volcan, l’Ol Doinyo Lengai sur le rift Est-Africain. Il s’agit de carbonates fondus, et non pas de silicates comme une lave ordinaire. De la kimberlite, lave très pauvre en silice connue pour être parfois porteuse de diamants, a été datée à 99 Ma.
Au centre du dôme, dans une couche de calcaire prise en sandwich entre deux couches de grès riche en quartz, se trouve une cuvette d’environ 1,5 kilomètre de rayon. Elle ressemble à une caldeira (un grand cratère volcanique) mais n’en est pas une puisqu’elle ne contient pas de roche magmatique. Une brèche polygénique émerge par endroits du sable. Elle dépasse 40 mètres d’épaisseur. Elle est composée de fragments cimentés de roches de diverses origines, tels que du grès riche en quartz et du calcaire stromatolitique (les stromatolites étant des rochers construits par des colonies de bactéries), mais elle contient aussi des minéraux qui se sont formés sur place, après le dépôt de ces fragments. Le ciment est un quartz microcristallin. Il est alors évident que des fluides hydrothermaux chargés en silice dissoute ont circulé au centre du dôme. Ils ont provoqué une forte silicification des roches.
Comment le dôme de Richat s’est formé
Compte tenu de toutes ces données et d’analyses supplémentaires, le scénario proposé par Matton et Jébrak est le suivant. Il y a un peu plus de 100 millions d’années, à la fin du Crétacé inférieur, du magma dérivé du manteau lithosphérique est monté dans la croûte. Il a provoqué la formation d’un dôme, ainsi que la propagation de fractures annulaires et radiales. Auparavant, il existait déjà un réseau de fractures. Il a façonné le dôme, qui n’est pas tout à fait circulaire mais légèrement elliptique. Des éruptions se sont produites, laissant des dykes annulaires de gabbro comme témoins.
Il y a environ 100 Ma, une structure aulacogénique a été réactivée. Un aulacogène est un profond fossé d’effondrement, dans une vieille croûte continentale, qui a été rempli de sédiments. Cela a provoqué les éruptions de carbonatite et de kimberlite, qui ont recoupé les dykes de gabbro. Le centre du dôme a commencé à s’enfoncer, tandis que la croûte fondait et qu’une différenciation avait lieu dans la chambre magmatique : le magma changeait de composition, à cause d’une contamination par la croûte et parce que des minéraux cristallisaient et se déposaient. Des fluides hydrothermaux produits par ce magma ont circulé dans la zone centrale intensément fracturée et perméable, entraînant une dissolution du calcaire. La cuvette centrale s’est alors constituée. Ce sont ces fluides qui ont engendré les cristaux d’analcime, par altération à basse température de la rhyolite et des cendres ryholitiques. Ils ont également enrichi le gabbro en potassium, qui est un élément caractéristique de la croûte continentale.
Au début du Crétacé supérieur, du magma rhyolitique est monté le long de fractures coniques et a dû rencontrer de l’eau provenant du lac qui avait rempli la cuvette. Des explosions dites phréatomagmatiques ont secoué la région. La dôme a recommencé à s’enfoncer, le long de fractures annulaires.
La dernière étape est le travail de l’érosion, qui a fini d’aplanir le dôme tout en créant les anneaux externes de quartzite. En ce moment, elle est peu active puisque la Mauritanie ne reçoit quasiment pas de pluies, mais la région n’a pas toujours été désertique. Il suffit de remonter il y a plus de 5000 ans pour y trouver de la végétation.
Malgré ce scénario, le dôme de Richat conserve une partie de son mystère. On ignore pourquoi une intrusion de magma venue du manteau lithosphérique s’est produite. Des géologues ont voulu établir un lien avec la Province Magmatique centre Atlantique (CAMP en anglais), une immense surface de basalte mise en place par des éruptions volcaniques à la fin du Trias, il y a 202 à 201 Ma. Ce sont les prémices de l’ouverture de l’océan Atlantique, qui a séparé les côtes nord-ouest de l’Afrique des côtes orientales de l’Amérique du Nord. Mais cet événement s’est produit une centaine de millions d’années plus tôt. Néanmoins, il existe des points communs entre les dykes basaltiques de la CAMP en Afrique de l’Ouest et les dykes de gabbro du dôme de Richat, ce qui suggère une source similaire pour ces magmas.
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Guillaume Matton, Michel Jébrak, The ‘‘eye of Africa’’ (Richat dome, Mauritania): An isolated Cretaceous alkaline–hydrothermal complex, Journal of African Earth Sciences 97, 109-124, 2014.
Yves Cirotteau
Super explanation concerning this structure. Guess that in less than 100 million of years, the destruction of our earth by the God of money and gold will be at the beginning of a new Richat’s structure. Thanks for this gorgions Scientific explanation. Dr Yves Cirotteau. M.D.