Histoire de la Terre et de la vie - Actualités géologiques

Histoire de la vie

Le Carbonifère

Forêt du Carbonifère

Forêt marécageuse du Carbonifère. Adobe Photo Stock.

Le Carbonifère est une période géologique allant de 359 à 299 millions d’années. Elle doit son nom à l’abondante production de charbon qui a débuté à partir de sa seconde moitié, poursuivie et achevée durant le Permien. Pour la découvrir, la visite du Muséum d’Histoire Naturelle de Lille, ville située à proximité du plus grand bassin houiller français, est recommandée. On y verra de nombreuses reconstitutions d’arbres.

Paléogéographie

Du point du vue géographique, il existait deux grands continents, la Laurasia au nord et le Gondwana au sud, qui sont entrés en collision à la fin du Dévonien, donnant naissance à un supercontinent : la Pangée. L’illustration de cet article montre la Terre à la fin du Carbonifère. La ligne de suture entre la Laurasia et le Gondwana est constituée de montagnes bien visibles. À l’est, il y a un océan fermé appelé la Paléotéthys. Le territoire qui allait devenir la France se trouve à sa pointe occidentale. Le sillon westphalien est un ancien bras de cet océan, qui s’est aventuré droit vers l’ouest. La Chaîne hercynienne est la partie orientale de cette ligne de montagnes. Sa partie occidentale est constituée par les Appalaches et les Mauritanides, formés par la collision de l’Amérique du Nord (appartenant à la Laurasia), avec le nord-ouest de l’Afrique (appartenant au Gondwana). Comme toutes ces montagnes se trouvaient au niveau de l’équateur, elles bénéficiaient d’un climat chaud et humide. C’est à leur pied et dans des bassins intérieurs que se sont développées les forêts marécageuses appelées à devenir des veines de charbon.

Reconstitution de la Terre il y a 300 millions d’années, à la fin du Carbonifère. Une calotte glaciaire est présente autour du pôle Sud, sur le Gondwana.

Amphibiens et amniotes

C’est aussi une période charnière pour l’évolution des vertébrés. Toutes les périodes géologiques ont connu leurs lots d’innovations, mais le Carbonifère a vraiment quelque chose de particulier. Cela a commencé à la fin du Dévonien, il y a 370 millions d’années, quand les nageoires de certains poissons, les sarcoptérygiens (poissons à nageoires charnues), se sont transformées en des pattes munies de doigts. Si cette mutation ne s’était pas produite, la Terre serait dépourvue de vertébrés : il n’y aurait ni amphibiens, ni reptiles, ni oiseaux, ni mammifères. Mais les continents n’auraient pas pour autant été dépourvus d’animaux. On verra que le Carbonifère était l’âge d’or des arthropodes. Pour que les vertébrés puissent marcher sur la terre ferme, il leur fallait des membres, mais ils devaient aussi avoir la capacité de respirer hors de l’eau. Pour cela, ils ont utilisé leurs poumons. Initialement, ces organes ne servaient pas à la respiration, mais peut-être à l’équilibrage du corps lors de la nage. Les sarcoptérygiens ont donc détourné ces organes de leur usage initial. Ainsi équipés pour marcher sur la terre ferme et respirer de l’air, ils restaient cependant obligés de pondre leurs œufs dans l’eau, sous peine de les condamner à se dessécher. Les amphibiens modernes (ou lissamphibiens) en sont restés à ce stade, ce qui ne signifie pas, bien entendu, qu’ils n’aient pas connu une longue évolution. Ils ont quand même plus de 300 millions d’années !

C’est durant le Carbonifère qu’est intervenue une autre innovation, pas aussi spectaculaire que celle des pattes mais tout aussi importante : l’œuf amniotique. L’amnios est une enveloppe qui se constitue autour de l’embryon et qui lui permet de rester dans un milieu liquide, le liquide amniotique. Cette enveloppe existe toujours chez l’être humain. Avec le chorion, l’enveloppe externe, elle constitue la poche des eaux. Les animaux porteurs de l’amnios s’appellent les amniotes. Parallèlement à cela, ils se sont munis d’un peau sèche et assez étanche permettant de limiter leur déshydratation. Avec un tel équipement, ils pouvaient s’éloigner des rivières et des lacs et ne devaient plus y retourner que pour boire. Le tout premier amniote connu s’appelle Hylonomus lyelli. Il avait l’aspect d’un lézard et ne mesurait pas plus de 20 cm de long. Il est âgé de 315 millions d’années et a été découvert dans le gisement de Joggins en Nouvelle-Écosse (au Canada). C’est le site de référence mondial pour le Carbonifère. Ceci dit, aucun œuf d’Hylonomus n’a jamais été retrouvé, ni même aucun œuf du Paléozoïque. Alors comment sait-on qu’il pondait des œufs amniotiques ? Parce que les amniotes, les animaux qui ont eu la riche idée d’inventer l’amnios, n’avaient pas le même squelette que leurs cousins amphibiens. Ils avaient par exemple une boîte crânienne plus volumineuse.

Reconstitution de Hylonomus lyelli par Nobu Tamura.
Reconstitution de Balanerpton woodi par Nobu Tamura.

Les amphibiens de l’époque sont regroupés sous le nom de stégocéphales, ce qui signifie « tête à plaques ». Peu de fossiles du Carbonifère inférieur ont été retrouvés, simplement parce que l’on connaît peu de terrains datant de cette époque. On peut citer Balanerpton woodi, découvert dans le gisement écossais d’East Kirkton. Il est daté de 335 à 330 millions d’années, ce qui le fait tomber dans une époque appelée le Viséen (de 347 à 331 Ma). Il avait jusqu’à 20 cm de long, passait une bonne partie de son temps sur la terre ferme et se nourrissait probablement d’insectes. De plus, c’est l’un des premiers temnospondyles, un groupe d’amphibiens appelé à un brillant avenir. Ce groupe a survécu à la crise de la fin du Permien et ne s’est éteint que durant le Crétacé inférieur, si bien qu’il a eu une longévité de plus de 220 millions d’années. Plus que les dinosaures ! On voit que l’avènement des amniotes ne marque pas la fin de l’évolution des amphibiens.

Les temnospondyles ont conquis toute la Pangée dès la fin du Carbonifère et vivaient dans tous les milieux. À l’origine, ils étaient plutôt terrestres, comme Balanerpton, mais certains ont préféré vivre dans l’eau. Ils étaient carnivores et pouvaient atteindre une taille de 8 m. Un autre groupe d’amphibiens apparu également au Carbonifère, les lépospondyles, a eu moins de succès (spondyle signifie « vertèbre » en grec). Il s’est éteint durant le Permien. Ophiderpeton mérite d’être cité : c’est un lépospondyle du Carbonifère supérieur qui a perdu ses membres, comme les serpents (ophis en grec), pour vivre dans des marécages ou des lacs. Il mesurait 70 cm de long et avait au moins 230 vertèbres. Ainsi, les tétrapodes ont perdu plusieurs fois leurs pattes au cours de l’évolution. Maintenant, il reste à savoir d’où viennent les amphibiens modernes, mais c’est un problème non résolu qui fait l’objet de vives polémiques. Je m’abstiendrai de rentrer dans le débat.

Reconstitution d’Ophiderpeton brownriggi par Nobu Tamura.

Les premiers charbons

Le Carbonifère et le Permien (de 323 à 252 Ma) ont été des périodes d’intense production, jamais égalées depuis. La période antérieure du Dévonien et du Carbonifère inférieur (de 419 à 323 Ma) en a aussi produit, mais beaucoup moins. Pour que du charbon se forme, il faut une forêt dense, de l’eau et des montagnes à côté. Une luxuriante forêt se développe en zone marécageuse. Il se produit un affaissement du sol. La forêt est noyée et meurt, des débris végétaux s’accumulent sans être putréfiés (on suppose que les champignons responsables de la putréfaction n’existaient pas encore). Des sédiments provenant de l’érosion de montagnes voisines recouvrent ces débris. Il peut s’agir d’argiles, transformés plus tard en schistes, ou bien de sables, transformés plus tard en grès. La zone inondée est comblée, une nouvelle forêt pousse dessus et le cycle peut recommencer. Chaque forêt détruite devient une veine de charbon. Dans le Nord, il existe 400 veines, qui sont les vestiges de 400 forêts. L’épaisseur totale des dépôts sédimentaires atteint les 2 000 mètres et le charbon n’en constitue qu’une petite partie. Les mineurs doivent évacuer les schistes et les grès et les déposer sur les terrils.

Une forêt du Carbonifère vue par le peintre Zdenek Burian (1905-1981).

La transformation du bois en charbon est un processus très lent. Cela commence par la formation de tourbe, grâce à la décomposition de végétaux dans un milieu peu oxygéné (et sans champignons durant le Carbonifère). On peut utiliser cette matière comme combustible, mais elle comporte peu de carbone : dans les 60 %. Au fil des millions d’années, l’enfouissement de la tourbe donne du lignite, puis de la houille et de l’anthracite. Le taux de carbone s’accroît ; il arrive à 94 % avec l’anthracite. C’est du carbone presque pur où les restes de végétaux ne sont plus reconnaissables, mais cette matière est difficilement inflammable. Le carbone pur est le graphite et il n’est pas du tout inflammable. C’est donc la houille que l’on cherche et qui est désignée par le nom de charbon. À la fin du Carbonifère et au Permien, sa production est estimée à 70 milliards de tonnes par an, mais ce chiffre est certainement sous-estimé, beaucoup de veines de charbon n’étant pas accessibles.

Dans le Nord, on n’a pas besoin de creuser très profondément pour trouver ces veines : il suffit de percer la couche de craie qui s’est déposée durant le Crétacé et qui a une centaine de mètres d’épaisseur. Ce bassin houiller est le plus étendu de France ; il s’est formé entre 325 et 305 millions d’années au bord d’une ancienne mer. À la fin de cette époque, cette étroite mer s’étendait du nord de l’Allemagne jusqu’à l’Irlande, qu’elle recouvrait entièrement. C’est le sillon westphalien. La mer s’est ensuite retirée jusqu’en Russie. Le bassin houiller de la Loire, près de Saint-Étienne, date de la fin du Carbonifère. Par endroits, on n’a pas du tout besoin de creuser, car les sédiments du Paléozoïque affleurent.

L’enfouissement d’une telle quantité de carbone organique a entraîné une chute drastique du taux de dioxyde de carbone dans l’atmosphère, provoquant un refroidissement du climat, ainsi qu’une augmentation du taux d’oxygène. L’érosion de ces hautes montagnes, soumises à de fortes pluies en raison de leur position géographique, est également une « pompe » à dioxyde de carbone. C’est ainsi qu’une calotte glaciaire s’est formée au sud du Gondwana, il y a environ 330 millions d’années. C’est le début de la glaciation gondwanienne, qui s’est prolongée durant le Permien.

Pour en savoir plus, lire Paysages du carbonifère.

Forêts et arthropodes géants

Bien sûr, de très nombreux fragments d’arbres sont visibles dans le charbon, si bien que l’on a pu les reconstituer. La plupart de ces espèces se reproduisaient par spores, ce qui nécessitait la présence d’eau. C’est pourquoi ces arbres ne vivaient guère qu’en milieu humide. Parmi les plus célèbres, je peux citer les Lépidodendrons, les Sigillaires (appartenant à l’embranchement des Lycophytes), les Calamites (des Sphénophytes), les Pécoptéris (des Filicophytes, c’est-à-dire des fougères). Les premiers pouvaient attendre 40 mètres et les derniers 10 mètres. Cela ne nous semble pas extraordinaire, mais souvenons-nous que les premières forêts venaient d’apparaître, durant le Dévonien. Les Balanerptons et l’Hylonomus ont été trouvé dans des troncs de Lycophytes, où ils s’étaient peut-être réfugiés pour échapper à une coulée de boue. D’autres arbres, les Ptéridospermales (fougères à graines), sont apparus au début du Carbonifère et ont disparu durant le Crétacé. Quant aux Cordaitales, apparus au même moment, ils se sont éteints à la fin du Permien. C’est un groupe frère des conifères.

Reconstitution d’un Sigillaire. Tim @ Bertelink / Wikimedia Commons.

Il n’y avait pas que des amphibiens et quelques reptiles dans ces forêts. Le Carbonifère est l’âge d’or des arthropodes. Il y avait des libellules de 65 cm d’envergure (Meganeura), des araignées géantes (Megarachnides), un scorpion plus grand qu’un homme (Eurypterus), des mille-pattes de deux mètres de long (Arthropleura). Ces grosses bêtes mangeaient des détritus ou étaient carnivores. Des blattes mesuraient plusieurs centimètres de long. Oui, cette espère est âgée de plus de 300 millions d’années !

La libellule Meganeura était un super-prédateur qui se nourrissait sans doute de blattes et de cafards, voire de petits amphibiens. Sa tête était pivotante et ses ailes pouvaient bouger indépendamment les unes des autres, ce qui conférait une grand agilité à son vol. Elle atteignant 65 cm d’envergure et avait un corps de 40 cm de long. On estime qu’elle était capable de voler jusqu’à 70 km/h. Elle était la maîtresse du ciel puisqu’il n’existait pas de ptérosaure ni d’oiseau.

Meganeura fossile au Muséum d’Histoire Naturelle de Toulouse. @ Alexandre Albore / Wikimedia Commons.


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