La Pangée s’est formée par la réunion de plusieurs continents, dont de petits blocs appelés des terranes. L’Armorica en est un. Il contient la Bretagne et pourrait s’étendre jusqu’à la Bohême. L’étude des faunes du début du Paléozoïque de la péninsule d’Avalon, dans l’île de Terre-Neuve, a permis de définir le terrane d’Avalon. Cette faune est semblable à celle de la Grande-Bretagne méridionale et différente de celle de l’Amérique du Nord et de la Grande-Bretagne septentrionale. Ce terrane était donc un petit continent à part, bordé au nord par un océan « proto-atlantique » qui le séparait de la Laurentia (Amérique du Nord, Groenland, Irlande septentrionale et Écosse) et au sud par l’océan Rhéique. L’étude des faunes permet également de distinguer le terrane d’Avalon de celui d’Armorica : durant le Silurien et le Dévonien (de 443 à 359 Ma), elles étaient différentes.
Les Cornouailles comportent des roches qui seraient des vestiges de la croûte et du manteau lithosphérique de cet ancien océan : l’ophiolite du cap Lizard. Toutefois, leur examen a révélé qu’elles ne se sont pas formées dans une dorsale océanique comme celle de l’Atlantique ou du Pacifique, mais plutôt dans un petit océan semblable à la mer Rouge. En Bretagne, on trouve des roches appelées des lamprophyres qui se sont formées dans un contexte de subduction : la plaque de l’océan Rhéique s’est enfoncée sous l’Armorica, entraînant sa fermeture. Il y a aussi des lamprophyres en Grande-Bretagne, c’est-à-dire au nord de cet océan.
Arjan Dijkstra et Callum Hatch viennent de publier une étude sur ces roches dans Nature Communications. Ils en ont distingué deux types situés de part et d’autre d’une frontière traversant le sud-ouest de la Grande-Bretagne, en se basant sur deux éléments rares : le strontium et le néodyme. L’un de ces types se rattache clairement aux lamprophyres armoricains ; l’autre en est distinct. La conclusion est que les terranes d’Armorica et d’Avalon ont été assemblés bien avant la formation de la Pangée.
Les lamprophyres sont des roches filoniennes sombres : c’est du magma solidifié à faible profondeur dans la croûte. Elles comportent des phénocristaux de mica noir ou d’amphibole dans une matrice riche en feldspaths. Les filons n’ont généralement pas plus d’un mètre d’épaisseur. Ceux dont cette étude parle recoupent des roches du Dévonien et du Carbonifère (de 419 à 299 Ma). Leurs âges vont de 295 à 285 Ma. Ce sont donc des roches du Permien, époque à laquelle la Pangée était presque déjà formée. Ce magmatisme lamprophyrique coïncide avec un magmatisme granitique caractéristique de la fin de la surrection d’une chaîne de montagnes, mais les lamprophyres viennent d’une profondeur plus importante. Leur richesse en potassium et en eau indique qu’elles sont originaires d’une zone du manteau lithosphérique dont la composition chimique est modifiée par la circulation de fluides. On dit qu’elle a été métasomatisée. Certains géologues considèrent les kimberlites, roches également issues du manteau lithosphérique et porteuses de diamants, comme des lamprophyres.
La figure montre une coupe nord-sud de cette région de la plaque continentale. Elle est constituée d’une croûte (crust) et du manteau (mantle) lithosphérique. Toutes ces roches sont rigides, à la différence des roches du manteau asthénosphérique, sur lesquelles la plaque repose. Remarquez que celle-ci est amincie. Les zones métasomatisées sont indiquées en orange, à la base de la plaque. C’est de là que provient le magma lamprophyrique, en rouge. Les terranes d’Avalonia et d’Armorica sont représentés respectivement en bleu et en jaune. Ce qui est nouveau, c’est que leur frontière (terrane boundary) a été déplacée vers le nord et qu’une partie de la Grande-Bretagne est considérée comme armoricaine. La teneur en strontium 87 des lamprophyres y est plus élevée qu’au nord de la frontière. Celle-ci était dissimulée par des sédiments du Dévonien, cela implique que les deux terranes ont été assemblés avant le Dévonien, donc il y a plus de 416 Ma.
Les nouveaux contours de l’Avalonia ont été dessinés en gris sur la carte (VM massif vosgien, BF Forêt Noire, RM massif rhénan). La grande faille du pays de Bray, visible entre la Normandie et la Picardie, se prolonge peut-être en Angleterre. La faille nord-pyrénéenne a aussi été représentée. L’ophiolite du cap Lizard ne joue plus qu’un rôle subsidiaire.
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Arjan H. Dijkstra & Callum Hatch, Mapping a hidden terrane boundary in the mantle lithosphere with lamprophyres, Nature Communications 9, 14 September 2018.
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