Les deux principaux bassins sédimentaires de la France sont ceux de Paris et de l’Aquitaine. Ils ont été recouverts par la mer durant une partie du Mésozoïque, l’ère des dinosaures allant de 252 à 66 Ma (millions d’années). Ainsi, bien que des dinosaures aient vécu sur le territoire de la France, ils n’ont pas foulé ces terres sauf durant les époques de régression marine, mais des reptiles marins ont pu y évoluer, ainsi qu’un nombre considérable d’animaux plus petits. Comme dans toutes les mers, des sédiments se sont déposés : calcaires et argiles notamment, les premiers étant surtout d’origine biologique.
Il existe en Provence un bassin sédimentaire plus petit, délimité au nord-ouest par le Massif central et à l’est, durant le Trias, par le haut-fond du Verdon. L’océan Paléotéthys bordait alors le sud de la future Europe, à laquelle il manquait l’Italie et les Balkans. Ses eaux ne baignaient pas la Provence ni le Languedoc parce que la Corse et la Sardaigne était allongées contre elles. Il fallait traverser ces dernières pour atteindre le talus continental européen.
Le bassin sédimentaire provençal va être présenté à partir d’une carte géologique établie par des chercheurs français dont Lucie Bestani et Juliette Lamarche pour le Bulletin de la Société géologique de France. Afin qu’elle puisse être lu dans le monde entier, elle est en anglais. Dans une telle carte, les couleurs avec lesquelles les roches sont représentées n’indiquent pas leur nature, mais leur âge. Pour savoir de quelles roches il s’agit, il faut lire la notice jointe.
Les roches les plus anciennes sont en marron. Elles datent au moins du Paléozoïque (de 541 à 252 Ma) et affleurent dans les massifs des Maures, de l’Estérel et du Tanneron. Elles font partie des roches magmatiques et métamorphiques qui constituent le socle cristallin de la France. Celles de l’Estérel sont volcaniques. Elles ont été émises lors d’éruptions qui ont eu lieu il y a environ 270 Ma. Ce socle est un héritage de l’orogenèse hercynienne. La formation de cette gigantesque chaîne de montagnes a commencé durant le Dévonien (de 419 à 359 Ma) et s’est terminée au début du Permien (de 299 à 252 Ma). Elle a entraîné la formation d’une grande quantité de granites durant le Carbonifère (de 359 à 299 Ma), notamment ceux du Massif Central. Les granites du Tanneron remontent à 325 Ma, ainsi que ceux du Plan-de-la-Tour dans le massif des Maures. On peut considérer que, de la fin de l’orogenèse hercynienne à la formation des Pyrénées et des Alpes, le socle est resté rigide. L’histoire géologique de la France est donc celle de l’érosion de la chaîne hercynienne, de transgressions marines et de dépôts de sédiments.
Le Massif central est séparé de la Provence par une faille majeure, la faille des Cévennes. Elle date de la fin de l’époque hercynienne et est de direction NE-SW. Plus à l’ouest, se trouvent deux autres failles qui lui sont parallèles, celle de Nîmes et celle de la Moyenne Durance. Elles sont notées NF et MDF sur la carte. La dernière se prolonge jusqu’à la côte par la faille d’Aix, AF. Elle sépare la Provence en deux parties, occidentale et orientale. Entre la faille des Cévennes et la faille de la Moyenne Durance, une importante couche de sédiments a été déposée : entre 6 et 11 km d’épaisseur. Cette région s’appelle le bassin sédimentaire mésozoïque du Sud-Est. Sous la Provence orientale, en revanche, la couverture sédimentaire ne dépasse pas les 3 km d’épaisseur. Elle devient même nulle près de la mer, où le socle apparaît.
Quatre forages ont été effectués dans la Provence orientale, à partir de la Faille de la Moyenne Durance jusqu’au synclinal du Beausset. Les lieux choisis sont tous des synclinaux, où les couches de sédiments sont devenues concaves. Les deux premiers sont indiqués par des points bleus et notés 1 et 2 sur la carte. Le premier, celui de Jouques, a atteint le socle à 2,5 km de profondeur. Sur le socle, reposent des sédiments du Trias (de 252 à 201 Ma) : grès, marnes (marl en anglais), évaporites, dolomites, calcaires (limestone) et gypse, déposés dans un environnement marin à saumâtre. Les marnes sont des mélanges de boue calcaire et d’argiles. Les dolomites sont d’anciens calcaires devenus riches en magnésium. Le gypse est une évaporite, précipitée grâce à l’évaporation de l’eau de mer et qui est l’indice d’un climat chaud. Les colonnes lithostratigraphiques mentionnent des brèches (breccia), qui sont des débris de roches. L’épaisseur de ces sédiments est d’environ 150 m sous Le Beausset et de 500 m sous le village de Jouques. Ceux du Trias supérieur ont un « faciès Keuper », qui a d’abord été décrit en Allemagne. Ce sont des marnes irisées associées à du gypse et de la halite (sel gemme), attestant d’un environnement laguno-marin.
Vers la fin du Trias, la Paléotéthys est remplacée par un autre océan, la Néotéthys, lorsque le micro-continent Dacie quitte le Gondwana, comprenant la future Afrique, pour se diriger vers l’Europe. Il comportera une partie de la Roumanie. Ce nouvel océan, en bleu clair sur la carte tandis que la Paléotéthys est en bleu foncé, touche presque la Corse. Un autre petit continent, le Grand Adria, commence à se détacher du Gondwana. Le nouvel océan qui le sépare des futures côtes africaines est la Méditerranée orientale. Le Grand Adria, dont les couleurs vont sur la carte du jaune clair au brun, est voisin du bloc corso-sarde.
Au cours du Jurassique, il va en être séparé par un rift qui est la branche orientale de l’océan liguro-piémontais. Ce rift deviendra un océan de faible largeur dont des fragments de croûte subsistent au nord de la Corse et dans les Alpes occidentales, notamment dans le massif du Chenaillet. Durant l’Hettangien, le premier étage du Jurassique, il est déjà ouvert entre le Gondwana, le bloc ibérique et le Grand Adria.
Le Jurassique est divisé en Lias (de 201 à 174 Ma), Dogger (de 174 à 163 Ma) et Malm (de 163 à 145 Ma), autrement dit en Jurassique inférieur, moyen et supérieur. Les sédiments liassiques sont des calcaires marins, des calcaires marneux et des marnes. Leur épaisseur va de 15 m sous la chaîne de l’Étoile, au nord de Marseille, à 250 m sous la montagne Sainte-Victoire et Jouques. Au début du Jurassique moyen, le plancher de la mer (de la croûte continentale, en fait) s’enfonce, par un phénomène appelé la subsidence. C’est cela qui permet aux sédiments de l’accumuler sur de grandes épaisseurs. Mais durant l’Aalénien (de 174 à 170 Ma), il se produit un arrêt momentané de la sédimentation calcaire, parce que les particules de calcaire qui tombent se dissolvent dans l’eau à partir d’une certaine profondeur. Les courants océaniques jouent également. La sédimentation reprend ensuite, avec du calcaire « pur » et du calcaire argileux à ammonites (mollusques céphalopodes à coquille spiralée) déposé dans un environnement marin profond. Les sédiments du Jurassique moyen ont entre 250 et 300 m d’épaisseur.
L’ouverture de l’océan liguro-piémontais explique en partie la subsidence du bassin provençal. La sédimentation essentiellement calcaire continue sur une vaste zone. Durant le Crétacé inférieur (de 145 à 100 Ma), la Provence est soulevée et devient une plate-forme carbonatée de faible profondeur. La mer reste plus profonde vers le nord, dans le bassin vocontien, là où se trouvent actuellement les Baronnies. La Provence accumule de 500 à 800 m de calcaire, auxquels s’ajoutent 250 m de calcaire à ammonites et de marnes datant de l’Aptien (de 125 à 113 Ma). Cet étage doit son nom à la ville d’Apt, au nord du Luberon. Parmi les calcaires du Crétacé inférieur, figure le faciès urgonien, aussi présent dans les chaînes subalpines, qui comporte des coquilles de rudistes. Ce sont des mollusques bivalves vivant fixés dans un environnement chaud et peu profond.
Il n’est pas nécessaire de faire des forages pour voir à quoi ressemblent ces roches : il suffit de se diriger vers les massifs des Maures et de l’Estérel, où le socle remonte et où la couverture sédimentaire devient de plus en plus mince. Ces massifs sont entourés par des roches du Trias, indiquées en mauve, puis par celles du Jurassique, indiquées en bleu. Celles du Crétacé, en vert, occupent une faible surface de la Provence orientale. Ces massifs ont certainement été immergés comme tout le reste de la région mais ils ont été soulevés pendant le Cénozoïque et l’érosion a totalement retiré leur couverture sédimentaire. Durant l’Albien (de 113 à 100 Ma), la Provence méridionale se soulève encore et devient un isthme reliant ces massifs aux Cévennes – et au Languedoc, lui aussi émergé. On l’appelle le bombement durancien. La sédimentation cesse alors et l’érosion s’installe. Le climat chaud et humide altère les argiles et les transforme en bauxite, qui est un minerai d’aluminium. Les roches éruptives et métamorphiques des Cévennes, des Maures et de l’Estérel pourraient aussi avoir contribué à la formation de bauxite. Pour connaître le territoire émergé, il suffit de dresser la carte des gisements. On trouve que le bombement passait d’Ouest en Est par les Alpilles, le Luberon (avec les ocres de Roussillon, en photo) et atteignait la vallée du Verdon. Il y avait une autre terre émergée, tout au sud du Var. Cet épisode d’émersion est cependant court, la mer revenant à la fin du Cénomanien (de 100 à 94 Ma) ou plus tard en certains endroits. La sédimentation calcaire et marneuse reprend. Des calcaires à rudistes se déposent au nord de Toulon. La mer se retire à la fin du Crétacé, vers 65 Ma, et ne fera plus que quelques incursions en Provence.
Il n’y a pas de différence fondamentale entre la Provence occidentale et la Provence orientale, si ce n’est que les couches de sédiments sont plus épaisses dans la première que dans la seconde. C’est notamment le cas des évaporites du Trias. Ces roches de faible densité montent par endroits en repoussant les roches situées au-dessus d’elles. Elles forment des diapirs. L’un d’eux est visible sur la carte : celui de Suzette. La Faille de la Moyenne Durance, qui sépare les deux parties de la Provence, est un accident datant des derniers temps de la chaîne hercynienne. Il s’agit d’une fracture de la croûte continentale due à une distension – en fait un système de failles. Elle a permis l’affaissement de la Provence occidentale durant le Mésozoïque (de 201 à 65 Ma). La partie située dans le socle n’est plus active. En revanche, la partie située dans la couverture sédimentaire, de la surface jusqu’aux évaporites du Trias, a joué durant le Cénozoïque (de 65 Ma à maintenant), et elle continue à jouer. Cela veut dire que les deux compartiments de la faille glissent l’un contre l’autre et qu’il y a des microséismes.
Pour conclure, il faut comparer la Provence aux autres bassins sédimentaires pour voir qu’il est petit mais profond. Dans le bassin aquitain, l’épaisseur des sédiments atteint 7 km. En revanche, dans le bassin parisien, elle n’excède pas 3 km. Il comprend pourtant une épaisse couche de craie du Crétacé supérieur qui n’existe pas en Provence.
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