Histoire de la Terre et de la vie - Actualités géologiques

France

Géologie de la Guyane

Chutes Voltaire à Saint-Laurent-du-Maroni. Ces roches sont celles de la ceinture de roches vertes, en vert clair sur la carte géologique. Photo recadrée. @ Riri97 / Wikimedia Commons / CC BY-SA 3.0.

Les roches les plus âgées de France métropolitaine ont 2 Ga (deux milliards d’années). Ce sont des gneiss de Trébeurden en Bretagne et du Nez de Jobourg dans le Cotentin. Ils n’affleurent que sur des zones très restreintes. L’âge des autres roches ne dépasse pas 750 millions d’années et la majeure partie d’entre elles ont été formées à partir du Carbonifère. Mais de l’autre côté de l’Atlantique, il y a un département où elles ont presque toutes plus de 2 Ga : la Guyane. Elle fait partie d’une territoire qui s’appelle le bouclier guyanais, un craton, c’est-à-dire une croûte continentale très ancienne et stable sur laquelle la couverture sédimentaire est faible ou absente.

Des roches anciennes et exotiques

Les roches guyanaises datent du Paléoprotérozoïque (de 2,5 à 1,6 Ga). Cette ère est divisée en Sidérien (de 2,5 à 2,3 Ga), Rhyacien (de 2,3 à 2,05 Ga), Orosinien (de 2,05 à 1,8 Ga) et Stathérien (de 1,8 à 1,6 Ga). Les deux premières périodes sont essentielles dans l’histoire de la vie. C’est au cours du Sidérien, du grec sidêros « fer », que l’oxygène commence à se répandre sur Terre, entraînant dans les mers la formation de minerais de fer rubanés. La Terre connaît une série de glaciations globales, dite huroniennes. Le nom du Rhyacien, du grec rhyax « coulée de lave », fait référence à de nombreuses intrusions de magma dans le complexe de Bushveld en Afrique du Sud. Les continents étaient alors très fragmentés et d’une surface inférieure à celle d’aujourd’hui. L’Atlantique n’existait pas. L’Afrique et l’Amérique du Sud n’avaient pas encore été assemblées, mais l’Afrique de l’Ouest avoisinait l’Amazonie. Les glaciations huroniennes prennent fin durant le Rhyacien et des fossiles d’eucaryotes unicellulaires apparaissent. L’Orosinien, de grec orosira « chaîne de montagnes », est marquée par la surrection de montagnes suite à la collision de ces petits continents. Ce processus aboutira à la constitution d’un supercontinent appelé Nuna ou Columbia.

Carte géologique de la Guyane

Du foisonnement de la vie au Rhyacien, les roches de Guyane ne témoignent pas. Ce sont surtout des roches magmatiques, nées de la solidification de magmas le plus souvent en profondeur, auquel cas elles sont dites plutoniques. Sur la carte géologique, celles-ci sont représentées en nuances de rouges. Le Mésorhyacien (de 2,18 à 2,13 Ga) voit la mise en place de telles roches, semblables aux granites mais plus riches en feldspath plagioclase : les tonalites, trondhjémites et granodiorites. On les désigne souvent par l’acronyme TTG. Ce sont les principaux composants de la croûte continentale formée durant l’Archéen (de 4 à 2,5 Ga), alors qu’aujourd’hui, elle est plutôt constituée de granites. Cette différence tient au fait que la Terre était plus chaude à cette époque que maintenant.

Deux épisodes de magmatisme

Un premier épisode de magmatisme, de 2,18 à 2,16 Ga, engendre le complexe nord et sud, représenté en rose et constitué de tonalite et de microdiorite (pauvre en quartz et finement cristallisée). Des TTG plus récentes, de 2,15 à 2,13 Ga, figurent en orange. Il y a surtout des granodiorites qui couvrent une surface importante à l’ouest de la Guyane et au Suriname. Ces formations sont associées à une ceinture de roches vertes, représentée en vert clair. Il s’agit de roches de surfaces volcaniques et sédimentaires. Elles sont réparties en deux branches, au nord et au sud, qui se rejoignent au Suriname.

Celle du nord est surtout sédimentaire : les grauwackes et les pélites y sont dominantes. Les premières sont des variétés de grès dont les grains sont cimentés par une matrice argileuse. On a démontré qu’elles proviennent de l’érosion des TTG voisines. Les pélites sont purement argileuses. Ce sont des produits d’érosion de roches archéennes. Il y en a une bande représentées en bleu qui longe la côte de la Guyane, comprenant des cristaux de zircons âgés de 3,2 à 2,8 Ga. La branche sud de la ceinture de roches vertes, en plus de ces sédiments, possède une grande variété de roches volcaniques. Des komatiites à diamants y ont été trouvées en 1999. Plus pauvres en silice que les basaltes, elles ont été formées par solidification d’une lave très chaude et fluide. Ces roches étaient courantes durant l’Archéen.

Le Néorhyacien (de 2,11 à 2,08 Ga) voit l’apparition d’un magmatisme différent, représenté en rouge. Il y a de la tonalite et de la granodiorite, mais aussi de la monzonite et de la syénite. Les deux dernières sont un peu plus pauvres en quartz que les granites. Au même moment, la lithosphère subit un cisaillement qui entraîne l’ouverture de bassins semblables à la Mer Morte, souvent désignés par l’expression anglaise de « pull-apart » : la plaque arabique coulisse vers le nord contre la plaque africaine, créant un fossé d’effondrement le long de la grande faille du Jourdain. Sur la carte, ces bassins sont en bleu turquoise, au nord de la Guyane. Ils se sont remplis de sédiments détritiques : du grès et du quartzite, ce dernier étant composé essentiellement de grains de quartz. L’étirement de la croûte provoque une montée du manteau, un métamorphisme thermique et une fusion partielle des TTG et de la ceinture de roches vertes. Ce phénomène entraîne la mise en place, le long de couloirs de cisaillement, de granites riches en aluminium et de monzogranites indiqués en violet sur la carte. La teneur élevée en aluminium montre que des roches résultent d’une fusion de la croûte continentale. Leurs âges vont jusqu’à 2,06 Ga.

Subduction d’un océan et assemblage et collision de deux continents

Voyons maintenant, grâce à cinq bloc-diagrammes, comment ce magmatisme est expliqué. Tout commence il y a 2,26 Ga avec l’ouverture d’un océan entre les blocs d’Amazonie et d’Afrique du Sud. Le premier est au sud et le deuxième au nord. Une croûte basaltique, représentée en vert, se constitue entre ces continents. Il en reste un fragment sur l’île de Cayenne. Des cours d’eau amènent dans cet océan des argiles provenant de l’érosion de reliefs archéens. Elles deviendront des pélites. L’expansion de cet océan s’achève il y a 2,20 Ga, puis le mouvement s’inverse il y a 2,18 Ga. La plaque océanique nord s’enfonce sous la plaque sud.

C’est cette subduction qui engendre le premier épisode magmatique, sans doute parce que la croûte océanique subit une fusion partielle. Du magma reste en profondeur, dans des sortes de poches appelées des plutons. Il se solidifie en TTG. Le magma qui atteint la surface forme un chapelet d’îles volcaniques. Sur le plancher océanique, les sédiments se mélangent aux laves et aux cendres émises par les volcans, dans la future ceinture de roches vertes. Les deux phases de magmatisme ont été représentées, avec des roches en rose et en orange. Durant le Néorhyacien, les deux continents entrent en collision et commencent à coulisser l’un contre l’autre, aboutissant à la formation des monzogranites. C’est le dernier épisode d’une histoire de 200 millions d’années. Il ne se passera ensuite quasiment plus rien, jusqu’au Jurassique où la naissance de l’Atlantique séparera l’Amérique du Sud de l’Afrique.

Il faut remarquer que la surface des continents a été augmentée. Toutes les TTG sont nées dans l’océan et font maintenant partie de la croûte continentale. On peut dire que cela s’est fait de manière violente, car ces volcans étaient explosifs, mais c’est grâce à la subduction qu’il existe maintenant de vastes continents. Ensuite, la collision entre l’Amazonie et l’Afrique de l’Ouest n’a sans doute jamais fait pousser de chaîne de montagnes. On parle souvent d’orogenèse transamazonienne ; on devrait plutôt parler d’un « événement transamazonien ». Enfin, la Guyane doit ses filons d’or à cet événement, mais ceci est une autre histoire…

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Claude Delor et al., Processus de croissance et de ré-activation crustale au Transamazonien, mis en évidence par la carte à 1/500 000 de Guyane (2ème édition), GÉOLOGIE DE LA FRANCE, N° 2-3-4, 2003.

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