Histoire de la Terre et de la vie - Actualités géologiques

Energies et climat

Effet de serre : les bases physiques

Ciel avec nuages

On ne peut pas voir les gaz à effet de serre, mais on peut voir les nuages d'altitude, les cirrus, qui ont le même effet réchauffant.

L’effet de serre a été pressenti en 1824 par le mathématicien français Joseph Fourier (1768-1830), dans sa tentative d’expliquer le bilan énergétique de la Terre. Il a écrit que la lumière du Soleil atteint facilement la surface de la Terre mais que les infrarouges (la chaleur obscure, comme on disait à l’époque) qu’elle émet vers l’espace franchissent plus difficilement l’atmosphère. On sait depuis quelques années qu’en 1857, l’Américaine Eunice Newton Foote (1819-1888) a démontré le rôle du dioxyde de carbone. Elle observé que des cylindres de verre remplis de CO2 s’échauffaient plus à la lumière du Soleil que des cylindres n’en contenant pas. Le rôle du CO2 dans ce qui n’était pas encore appelé l’effet de serre était mis en évidence. Ses expériences ont été éclipsées par celles de l’Irlandais John Tyndall (1820-1893). En 1861, il a démontré le rôle de la vapeur d’eau en plus du CO2.

Le réchauffement climatique étant l’un des grands problèmes auquel l’humanité est confrontée, il est indispensable que ce phénomène physique soit correctement compris. J’ai déjà parlé de l’effet de serre radiatif dans cet article, de manière très détaillée quoique sans formule mathématique, ainsi que dans l’article consacré à l’empreinte de l’activité humaine sur la troposphère et la stratosphère. Mon objectif était d’expliquer la conséquence d’une augmentation de la teneur en CO2 atmosphérique. Le but du présent article est de présenter l’effet de serre d’une manière plus simple, mais forcément approximative, pour que le lecteur puisse faire lui-même certains calculs. Il est aussi de lutter contre la désinformation, la science du climat étant confrontée à un puissant mouvement de déni alimenté par des intérêts financiers et politiques. Certains de ces « climatosceptiques », qu’il serait préférable d’appeler climato-dénialistes, vont jusqu’à nier l’existence même de l’effet de serre.

Eunice Newton Foote

Parmi eux, figure l’ingénieur et entrepreneur retraité Jacques-Marie Moranne, secondé par le polytechnicien Camille Veyres. En 2019, ils ont mis en ligne un ouvrage intitulé La physique du climat, qui est truffé d’erreurs mais que les climato-dénialistes francophones considèrent maintenant comme une bible. Certaines erreurs sont faciles à corriger, mais parfois, c’est plus difficile. On peut comprendre que ces ingénieurs, dont la formation en physique est basique, n’aient pas compris certaines subtilités. Il faudra donc les expliquer ici.

On lira avec profit l’article de Jean-Louis Dufresne et Jacques Treinet, l’effet de serre est plus subtil qu’on ne le croît, qui, eux, connaissent vraiment ce sujet.


Rayonnement absorbé et émis par la Terre

La surface de la Terre est chauffée par le rayonnement solaire, comprenant essentiellement des ultraviolets, de la lumière et des infrarouges. Les sources internes de chaleur, dont le volcanisme, sont parfaitement négligeables. Tous les rayonnements électromagnétiques contiennent de l’énergie, d’autant plus que leurs longueurs d’onde sont courtes, et les corps qui les absorbent sont chauffés : l’agitation des atomes ou des molécules qui les composent augmente. Autrement dit, l’énergie de ces rayonnements est transformée en énergie cinétique. Il n’y a jamais de création ni de perte d’énergie.

Ondes électromagnétiques
Les ultraviolets, la lumière et les infrarouges sont des ondes électromagnétiques. Seules leurs longueurs d’onde les distinguent. Il s’agit de la distance entre deux « crêtes » d’une onde. La lumière a des longueurs d’onde comprises entre 380 nm (violet) et 780 nm (rouge), soit entre 0,38 µm et 0,78 µm. Un nanomètre (nm) vaut un millionième de millimètre et un micromètre (µm) vaut un millième de millimètre. Les infrarouges ont des longueurs d’onde comprises entre 0,78 µm et 1 mm.

Comme la Terre est chauffée, elle renvoie cette énergie dans l’espace sous forme d’infrarouges thermiques. Tous les corps chauffés en émettent. S’ils émettent plus de rayonnements qu’il n’en reçoivent, ils se refroidissent. Dans le cas contraire, ils se réchauffent. Un corps est en équilibre thermique s’il émet autant d’énergie qu’il en reçoit. Dans ce cas, sa température est constante.

Rayonnement solaire et rayonnement thermique de la Terre
Dans un premier temps, on se contente de dire que la Terre est chauffée en absorbant du rayonnement solaire (flèche jaune) et qu’elle se refroidit en émettant des infrarouges dans l’espace (flèches rouges). Elle est en équilibre thermique si elle émet autant d’énergie qu’elle en absorbe. Les graphiques de droites seront présentés plus loin.

La Terre reçoit 1 361 W/m² (watts par mètre carré) de rayonnement solaire. Plus exactement, un disque de rayon R, où R est le rayon de la Terre, perpendiculaire aux rayons du Soleil, reçoit une puissance de 1 361 watts sur chaque mètre carré. La surface de ce disque vaut πR². Mais cette énergie est répartie sur toute la surface de la Terre, qui vaut 4πR². Il faut donc diviser 1 361 par 4 pour obtenir le flux solaire incident que la surface de la Terre reçoit. On trouve environ 340 W/m². Bien sûr, il s’agit d’un flux moyen, une moitié de la Terre n’étant pas éclairée du tout. Notre planète en réfléchit 100 W/m², si bien que seuls 240 W/m² sont absorbés et permettent son chauffage. Sur la Terre, contrairement à la lumière, les infrarouges ne sont jamais réfléchis. Ils ne peuvent être que transmis ou absorbés. Bien qu’ils ne puissent pas pénétrer dans l’eau, ils contribuent à chauffer la surface des océans.

Le flux rayonné par un corps chauffé à une température T est donné par une loi établie expérimentalement par Joseph Stefan en 1879 et expliquée par Ludwig Boltzmann en 1884. Elle dit que la puissance totale par unité de surface dans le demi-espace libre (radiance R ou émittance énergétique ou exitance énergétique) rayonnée vaut eσT4 watts par mètre carré, où e est l’émissivité de ce corps, σ est la constante de Stefan-Boltzmann, égale à

5,67 × 10–8 W/(m²·K4)

et T est exprimée en kelvins (à partir du zéro absolu, en retranchant 273,16 aux degrés Celsius). L’émissivité est un nombre toujours comprise entre 0 et 1. Si elle est égale à 1, le corps est un émetteur parfait. L’émissivité de la Terre est proche de 1.

Terre
En physique, un corps noir est un objet idéal qui absorbe totalement le rayonnement électromagnétique reçu. Quand il est à l’équilibre thermique, il renvoie toute cette énergie sous forme de rayonnement électromagnétique. S’il est suffisamment chaud, il peut devenir visible, mais il continue à absorber tout le rayonnement reçu. Le Soleil est presque un corps noir. La Terre n’en est pas un, puisqu’elle réfléchit 29 % du rayonnement solaire (100/340 = 0,29). C’est cela qui la rend visible depuis l’espace. Son émissivité est cependant proche de celle d’un corps noir. Si elle est en était un, sa température de surface serait de 5 °C.


Températures d’équilibre de la Terre et de la Lune

La Terre est en équilibre thermique si elle émet 240 W/m² d’infrarouges thermiques dans l’espace. On écrit donc que σ T4 = 240 K et on trouve que T est égale à 255 K, soit – 18 °C. Une émissivité inférieure à 1 donne une température supérieure. Pour e = 0,9, on a T= – 11°C.

Évidemment, pour que ce résultat ait un sens, il faut supposer que la surface de la Terre est isotherme, c’est-à-dire partout à la même température. Ce n’est exactement le cas, mais comme la Terre tourne rapidement sur elle-même et possède une grande inertie thermique, surtout grâce aux océans, il n’y a en moyenne que 10 °C de différence entre le jour et la nuit. Il faut se rappeler que l’on devrait utiliser les degrés Kelvin, parce qu’ils partent du zéro absolu. On peut considérer que la température de surface des océans varie entre 0 °C et 30 °C, donc entre 273 K et 303 K, en négligeant les décimales. Cela fait une variation de 10 %.

L’approximation de l’isothermie est impossible pour la Lune parce qu’elle n’a ni atmosphère ni océan. Il y a d’énormes variations de température selon la présence ou l’absence de rayonnement solaire et selon son angle d’incidence (la hauteur du Soleil dans le ciel lunaire). On ne peut donc pas calculer une température d’équilibre globale comme avec la Terre. En revanche, on peut calculer des températures d’équilibre locales : la température à laquelle chaque parcelle de sol émet autant de flux d’infrarouge qu’elle reçoit de flux solaire. Le sol est toujours en équilibre thermique grâce à sa faible conductivité thermique et à la longueur du jour lunaire. Le résultat obtenu est le suivant :

Température du sol lunaire
Température du sol lunaire en fonction de la latitude, d’après D.A. Paige et al., 2009. Le jour lunaire (durée entre deux pleines lunes, par exemple) a été divisé en 24 heures lunaires.

Bien qu’elle soit éclairée de la même manière que la Terre, la Lune a une température moyenne de surface de – 73 °C (200 K). Cependant, cela ne concerne qu’une couche très superficielle du sol, parce qu’à 30 cm de profondeur, il fait toujours – 23 °C. C’est un résultat proche des – 18 °C obtenus pour la Terre.

Dans les faits, la température moyenne était d’environ 14 °C avant le début de l’ère industrielle. Cet excès de température est dû aux gaz à effet de serre (GES) présents dans l’atmosphère terrestre, essentiellement de la vapeur d’eau, du CO2 et de l’ozone O3. Le méthane CH4, un autre GES, ne doit sa présence qu’à l’activité humaine. Ces gaz interceptent une partie des infrarouges émis par la surface de la Terre et les renvoient dans toutes les directions aux mêmes longueurs d’onde.

L’effet de serre

La température moyenne globale de la Terre est de + 14 °C au lieu de – 18 °C grâce à l’effet de serre. C’est un phénomène naturel que l’humanité ne fait qu’amplifier, sans lequel la Terre serait gelée. Les infrarouges thermiques émis par le sol sont partiellement absorbés par les gaz à effet de serre et les nuages, puis ils sont réémis à la fois vers le sol (on parle de rétro-rayonnement) et vers l’espace.

J.-M. Moranne et d’autres climato-dénialistes nient l’existence de ce rétro-rayonnement alors qu’il peut être observé grâce à n’importe quel détecteur infrarouge et analysé grâce à la spectroscopie infrarouge. D’après eux, aucun rayonnement infrarouge ne devrait venir du ciel, mais il y en a toujours un, de nuit comme de jour.

Spectres de rétro-rayonnements présentés par le Space Science et Engineering Center de l’Université du Wisconsin à Madison.

En première approximation, les nuages et les gaz à effet de serre peuvent être assimilés à une vitre qui retient les infrarouges émis par le sol. Entre la vitre et le sol, il y a donc une accumulation de chaleur. Ceux qui disent que cette approximation est fausse parce que la Terre n’est pas recouverte d’une vitre ne comprennent pas ce qu’est la physique. On présente toujours des modèles simplifiés des systèmes que l’on étudie, qui permettent de faire quelques calculs simples. Ainsi, l’atome d’hydrogène est d’abord assimilé à un électron tournant autour d’un proton, alors que selon la mécanique quantique, il n’y a pas d’électron mais un « nuage de probabilités ».

On suppose que la vitre reçoit 340 W/m² de rayonnement solaire. Elle réfléchit 100 W/m² et laisse passer 240 W/m². Le rayonnement transmis est absorbé par le sol, qu’il chauffe. Celui-ci émet 240 W/m² d’infrarouges thermiques, dont les longueurs d’ondes sont plus grandes que celles du rayonnement solaire. Ils arrivent sur la vitre et sont absorbés par elle. Elle émet à son tour des infrarouges thermiques, mais la moitié vers le haut et la moitié vers le bas, soit deux fois 240/2 W/m². Par conséquent, 120 W/m² s’échappent dans l’espace. Le reste retourne vers le sol et accroît sa température, si bien qu’il émet 120 W/m² de plus. Ces infrarouges sont interceptés par la vitre, qui en réémet une moitié (240/4 W/m²) et en laisse échapper 60 W/m² dans l’espace. Et ainsi de suite.

Effet de serre avec une vitre
Explication de l’effet de serre par J.-L. Dufresne. Pour retrouver les chiffres donnés dans le présent article, il suffit de les multiplier par 2,4. Le Soleil envoie un flux de 240 W/m² vers la Terre. On suppose qu’il traverse l’atmosphère, symbolisée par une vitre, et qu’il est absorbé par le sol. Ce nombre est ensuite divisé par 2 à chaque étape, puis il faut tout additionner.

Le sol reçoit par conséquent 240 + 240/2 + 240/4 + … W/m². On reconnaît un série géométrique de raison 1/2 . La somme infinie 1+ 1/2 + /1/4 + 1/8 + … vaut 2, si bien que ce sont 480 W/m² (240 × 2) qui sont absorbés par le sol. Quant à la vitre, elle émet dans l’espace 120 + 120/2 + 120 /4 + … W/m², ce qui fait 240 W/m². Il en résulte que le système renvoie dans l’espace autant d’énergie qu’elle en reçoit mais que la température d’équilibre du sol est plus élevée que sans la vitre. Elle est multipliée (en degrés kelvin !) par la racine quatrième de 2, soit 1,19. La température d’équilibre de la Terre est alors de 303 K au lieu de 255 K, soit 30 °C au lieu de – 18 °C. C’est trop chaud, mais on sait que le modèle est approximatif.

En fin de compte, la Terre reçoit 340 W/m² de rayonnements à ondes courtes (ultraviolets, lumière et infrarouges proches). Elle en réfléchit 100 W/m². La vitre, symbolisant les nuages et les gaz à effet de serre, émet 240 W/m² d’infrarouges vers l’espace. Elle renvoie également 240 W/m² d’infrarouges vers le sol, qui correspondent au rétro-rayonnement, si bien que le sol en absorbe au total 480 W/m². Il est autant chauffé par la vitre que par le Soleil. Comme il est en équilibre thermique, il doit émettre 480 W/m², dont seule une moitié s’échappe dans l’espace.

Dans ce système, alors que le sol est à 30 °C, la vitre est à – 18 °C. Cela se déduit du fait qu’elle rayonne 240 W/m² d’infrarouges. On pourrait penser la vitre chauffe un corps plus chaud qu’elle (le sol), ce qui paraîtrait choquant. D’après le deuxième principe de la thermodynamique, dans un système isolé, la chaleur va toujours du corps le plus chaud vers le corps le plus froid. Mais c’est oublier qu’une moitié de la chaleur reçue par le sol provient directement du Soleil. On a supposé que son rayonnement n’est pas absorbé par la vitre. Il ne peut donc pas la chauffer. En réalité, le sol chauffe la vitre, grâce aux infrarouges qu’il émet et qui sont absorbés par elle, mais cela n’exclut pas du tout l’existence du rétro-rayonnement de la vitre vers le sol, preuve de l’existence de l’effet de serre.

Nuages et gaz à effet de serre

Les nuages sont constitués de gouttelettes d’eau ou de cristaux de glace. Ils peuvent être refroidissant, car ils réfléchissent le rayonnement solaire, et réchauffant, parce qu’il exerce un effet de serre. Les cirrus, nuages de haute altitude, absorbent peu de rayonnement solaire mais absorbent une large part des infrarouges thermiques émis par la surface de la Terre. Ils se comportent donc presque comme la vitre du paragraphe précédent. Un cirrus de 100 mètres d’épaisseur (très fin) ne réfléchit qu’environ 9 % de la lumière solaire mais empêche presque 50 % des infrarouges thermiques de s’échapper dans l’espace. Il n’est alors pas difficile de comprendre que ces nuages ont un pouvoir réchauffant. Sous les cirrus, la température est en moyenne élevée de 10 °C, or ils couvrent un peu plus de 30 % de la surface de la Terre, jusqu’à 70 % sous les tropiques pendant la nuit. Ce sont pourtant des nuages froids, puisque leur altitude va de 7 000 m aux latitudes moyennes à 13 500 m sous les tropiques. Ils sont constitués de cristaux de glace dont la température est habituellement inférieure à – 20 °C. Au-dessus de – 68 °C, la plupart des cirrus ont une humidité relative de près de 100 % (air saturé en vapeur d’eau).

Cirrus photographiés en 2005. Wikimedia Commons /CC BY-SA 3.0.

Les GES fonctionnent de la même manière que les cirrus, sauf qu’ils sont présents jusqu’au niveau de la mer et qu’ils n’absorbent pas les infrarouges dans toutes les longueurs d’onde. Ils ont des bandes d’absorption. Ainsi, le CO2 est particulièrement actif autour de 14,9 µm (micromètres), mais cela lui donne un rôle important, car c’est là que se situe le pic d’émission des infrarouges thermiques de la surface de la Terre. Ceux-ci ont des longueurs d’onde comprises entre 5 et 100 µm. Une autre bande d’absorption du CO2, autour de 4,25 µm, n’arrête donc presque pas ces infrarouges.

Loi de Planck
Luminances énergétiques spectrales de plusieurs corps noirs chauffés à des températures de 3 000 à 6 000 K, d’après la loi de Planck. Les longueurs d’onde (wavelengths), sur l’axe des abscisses, sont données en nanomètres. Quand la température baisse, le pic de rayonnement se déplace du violet vers le rouge, puis au-delà, vers l’infrarouge. Dans les publications scientifiques, ce n’est pas la longueur d’onde qui est utilisée mais le nombre d’onde. C’est le nombre de « crêtes » d’une onde contenues dans un centimètre. Si sa longueur d’onde vaut 14,9 µm (soit 14,9/10 000 cm), il y a 10 000/14,9 = 670 « crêtes » dans un centimètre. On dit alors que son nombre d’onde vaut 670 cm–1.

La loi de Stefan-Boltzmann se déduit de la loi de Planck, présentée dans la figure ci-dessus. Elle a valu au physicien Max Planck le prix Nobel de physique, en 1918, et a jeté les bases de la physique quantique. Elle donne le flux énergétique émis par la surface d’un corps pour une longueur d’onde particulière (et par unité de surface, d’angle solide et de longueur d’onde). On parlera ici de luminance spectrale. Pour une température donnée, en mettant la longueur d’onde en abscisse, on obtient une courbe. L’aire de cette courbe (son intégrale, en langage mathématique) multipliée par le nombre π est sa radiance.

Rayonnement transmis par l'atmosphère
La dispersion de Rayleigh, qui affecte les rayonnements de longueur d’onde inférieure à 1 µm, les dévie sans changer leurs longueurs d’onde. C’est grâce à lui qu’un ciel sans nuages est bleu.

La figure ci-dessus donne la luminance spectrale d’un corps noir à 5 525 K (courbe rouge), ainsi qu’entre 210 et 310 K (courbes bleues). Attention aux échelles ! Les courbes bleues sont très étalées le long de l’axe des abscisses. Alors que les infrarouges sont compris entre 5 et 100 µm, la lumière (visible) est seulement comprise entre 0,38 et 0,78 µm. Il n’empêche que les courbes bleues sont toutes comprises dans la courbe rouge. Dans cette figure, elles sont très étirées en hauteur pour qu’on puisse les voir. Autrement dit, la radiance d’un corps noir à 210-310 K est très inférieure à la radiance d’un corps noir à 5 525 K. Vu la différence de température, c’est assez évident !

On considère que la température effective du Soleil est de 5 772 K (soit environ 5 498 °C). C’est la température d’un corps noir qui aurait sa radiance. Sa puissance totale est de 3,826 × 1026 W. Sachant qu’il a un rayon moyen de 1 392 684 km, sa radiance vaut plus de 15 millions de watts par mètre carré. Heureusement que 149,6 millions de kilomètres nous séparent du Soleil. La Terre ne reçoit par conséquent que 1 361 W/m² de rayonnement solaire – ce que l’on appelle la constante solaire.

L’atmosphère terrestre laisse passer 70 à 75 % du flux solaire incident selon la figure ci-dessus, parce que le pic du rayonnement se trouve dans le domaine visible et que l’atmosphère est en grande partie transparente à la lumière. Le flux absorbé par la surface de la Terre est représenté par la courbe pleine rouge. D’après le bilan radiatif de la Terre, il est de 160 ± 5 W/m². C’est l’aire de cette courbe. Comme l’atmosphère est plutôt opaque aux infrarouges, elle n’en laisse passer que 15 à 35 % (courbe pleine bleue). Le rayonnement qui s’échappe dans l’espace devrait donc être inférieur au flux solaire incident, mais si c’était vrai, ce déséquilibre entraînerait une élévation de la température de surface de la Terre, jusqu’à ce que l’équilibre soit établi. C’est le principe de l’effet de serre.

La modélisation de l’atmosphère par une plaque de verre n’est pas capable d’expliquer correctement ce qui se passe quand on augmente la teneur en gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Pour cela, il faut la représenter de manière beaucoup plus réaliste, en tenant compte de son épaisseur et de sa structure. Il y a des transferts d’énergie entre ses différentes couches, qui ne sont pas que radiatifs. La convection joue un rôle important dans la troposphère, ainsi que l’évaporation de l’eau et la condensation de la vapeur d’eau. Compte tenu de ces transferts, on trouve que l’atmosphère est, en moyenne, deux fois plus chauffée par la surface de la Terre que par le rayonnement solaire.

Bilan radiatif
Bilan radiatif de la Terre d’après le GIEC. La surface de la Terre émet plus d’infrarouges vers l’atmosphère que les nuages et les gaz à effet de serre (greenhouse gases) n’en renvoient vers elle. Les flux liés à l’évaporation-condensation (82 W/m²) et à la convection (21 W/m²) s’y ajoutent, si bien qu’au total, la surface envoie 501 W/m² vers l’atmosphère. Si l’on retranche les 342 W/m² du rétro-rayonnement, on trouve un flux net de 159 W/m² de la surface vers l’atmosphère, qui correspond presque au rayonnement solaire absorbé par la surface. Elle chauffe donc l’atmosphère, mais celle-ci absorbe aussi directement du rayonnement solaire à raison de 80 W/m².

Insister sur le fait que l’atmosphère ne contient « que » 0,042 % en volume de CO2 (en 2024), comme le font les climato-dénialistes, n’a pas de sens, puisque l’azote, l’oxygène et l’argon, constituant 99,96 % de l’atmosphère sèche, ne sont pas des gaz à effet de serre. Si l’on définit l’effet de serre comme la différence entre le flux moyen rayonné par le sol (398 W/m²) et le flux moyen rayonné par le sommet de l’atmosphère (240 W/m²), on trouve qu’il vaut 158 W/m². La contribution du CO2 est de 32 W/m², ce qui n’est pas du tout négligeable. Il y a des incertitudes de quelques watts par mètre carré dans toutes ces estimations.

Le cas extrême de Vénus

Le CO2 est un constituant naturel des atmosphères planétaires. Sur Terre, il est émis par les volcans mais il est retiré de l’atmosphère par l’eau et la végétation. D’immenses quantités de carbone sont stockées dans des roches sédimentaires. Sur Vénus, qui est presque dépourvue d’eau, l’atmosphère est composée à 96,5 % de CO2. Elle est 93 fois plus massive que l’atmosphère terrestre et la température au sol varie autour de 462 °C. Elle est homogénéisée par des vents très forts. La constante solaire est de 2 601 W/m² mais l’albédo est de 0,77 à cause de nuages recouvrant toute la planète, si bien que la température de surface (avec une émissivité de 1) devrait être de – 46 °C.

Bilan radiatif de Vénus
Bilan radiatif de Vénus d’après P.L. Read et al. 2015. Le rayonnement solaire (shortwave) est en bleu et les infrarouges (longwave) sont en rouge.

Ceux qui nient l’effet de serre expliquent cette température de surface très élevée par la pression atmosphérique : en comprimant un gaz, on l’échauffe. Oui, mais la surface devrait avoir un rayonnement infrarouge très intense. D’après la loi de Stefan-Boltmann, le flux au sol est de 16 382 W/m² (mais il est estimé à 17 154 W/m² par une étude de 2015). Puisque le sommet de l’atmosphère ne reçoit en moyenne que 650 W/m² du Soleil, Vénus devrait très vite se refroidir ! En réalité, seuls 160 W/m² quittent la planète. Vue de l’extérieur, elle apparaît plus froide que la Terre. Les infrarouges émis par le sol sont donc presque tous absorbés par l’atmosphère et Vénus est incapable de se refroidir.

Sur Vénus, l’effet de serre est en moyenne de 17 154 – 160 = 16 994 W/m². En termes plus imagés, c’est ce qui est « perdu en cours de route » par les infrarouges thermiques qui s’échappent du sol, lors de leur traversée de l’atmosphère. On n’a pas, à ce stade, désigné de coupable : le CO2 ou les nuages.

**************************************************************************************

Parmi les nombreux exposés sur l’effet de serre, pour aller plus loin, on pourra lire cet article d’Yves Fouquart, ancien professeur au Laboratoire d’optique atmosphérique de l’Université de Lille.

https://www.encyclopedie-environnement.org/climat/effet-de-serre/

Leave a Reply