Histoire de la Terre et de la vie - Actualités géologiques

Le système terrestre

Les roches sédimentaires

Couches de roches sédimentaires à Maktesh Ramon, dans le désert du Neguev. Wikimédia Commons/ CC BY 4.0.

Les roches sédimentaires sont les plus répandues à la surface de la Terre : elles recouvrent 73 % de la surface des continents. Les autres roches sont magmatiques, c’est-à-dire résultant de la solidification d’un magma, ou métamorphiques, issues dans ce cas de la transformation de roches de toute nature, y compris sédimentaires. Cependant, comme elles sont superficielles, elles ne représentent qu’un faible volume de la croûte continentale. Elles n’en jouent pas moins un rôle très important, car ce sont les seules qui recèlent des fossiles et qui nous renseignent donc sur l’histoire de la vie. Les roches métamorphiques peuvent aussi en contenir, à condition qu’elles proviennent de roches sédimentaires et qu’elles n’aient pas été trop transformées.

La première étape de la formation de beaucoup de roches sédimentaires est le dépôt de particules dans un milieu qui est le plus souvent aquatique, mais qui peut aussi être terrestre. Dans les bassins sédimentaires, le processus se prolonge pendant des dizaines de millions d’années, si bien que l’épaisseur des sédiments atteint des milliers de mètres. Dans le bassin parisien, par exemple, elle atteint les 3 000 mètres, mais elle peut dépasser les 10 km dans d’autres bassins, ce qui est beaucoup quand on sait que la lithosphère a généralement dans les 35 km d’épaisseur. Une telle accumulation a été rendue possible par l’enfoncement de la lithosphère dans l’asthénosphère, la partie ductile du manteau supérieur : c’est la subsidence. Les sédiments, initialement meubles, ont été transformés en des roches par diagenèse. Cette étape, qui est considérée comme la naissance de la roche, n’est généralement pas datable par la radiochronologie. C’est grâce aux fossiles que les géologues datent les roches sédimentaires. Quand il n’y en a pas, la tâche devient difficile voire impossible.

Les sédiments terrigènes

Les roches sédimentaires sont dits terrigènes quand elles résultent de l’altération et de l’érosion des continents. L’altération est un processus chimique ou biochimique qui aboutit à la désagrégation d’une roche dite « mère », dont les résidus et produits de transformation vont constituer les sédiments. L’eau est son principal agent. Elle hydrolyse les minéraux silicatés, comme les feldspaths et les micas, qui sont des constituants des granites, en produisant des argiles. Le quartz, un autre constituant des granites, est en revanche résistant à l’altération. Par conséquent, l’altération d’un granite donne des grains de quartz, quelques feldspaths et micas qui ont échappé à l’hydrolyse (les résidus), des argiles (les produits de transformation) et des ions en solution dans l’eau. Quant à l’érosion, il s’agit de la désagrégation physique des roches. Les forces tectoniques et les racines des végétaux sont capables de les fissurer. L’alternance de températures différentes, appelée la thermoclastie, et l’alternance gel-dégel, appelée la cryoclastie, sont également des agents d’érosion. Ils ne produisent pas de nouveaux minéraux comme les argiles.

Arkose avec du feldsphath potassique en rose-orange et du quartz. @ James St. John / Flickr.

Les produits de l’altération et de l’érosion sont transportés le plus souvent par des cours d’eau. Les « particules » dont il a été question ci-dessous ne sont pas forcément petites : elles peuvent être des rochers tombés d’une montagne, que des glaciers ou de violentes crues sont capable de déplacer. Dans la classification de Chester K. Wentworth, présentée en 1922, on appelle rudites les débris dont la taille est supérieure à 2 mm. Ce sont des blocs, des galets, des cailloux et des granules. Le galets sont des cailloux qui ont été arrondis par des chocs lors de leur transport dans des cours d’eau ou le long des côtes. S’ils se déposent et sont cimentés, ils forment un poudingue. Une brèche est constituée de cailloux non arrondis, qui sont restés anguleux. Des deux types de roches sédimentaires, les plus grossières, sont regroupés sous le nom de conglomérat.

Grains de sable de Coral Pink Sand Dunes State Park, Utah, USA. La coloration orange est due à de l’hématite. Mark A. Wilson, domaine public.

Les sables sont aussi appelés des arénites. Leurs grains ont des tailles comprises entre 0,063 mm, soit 63 µm, et 2 mm. S’il est plus petit que 63 micromètres, un grain n’est pas visible à l’œil nu. Après diagenèse, les sables deviennent des grès. Ils peuvent être cimentés par des argiles, du calcaire ou de la silice. S’il a été produit par une forte altération sous un climat chaud et humide, un sable contient plus de 85 % des grains de quartz, auquel cas il devient un grès quartzeux. Une altération moins intense donne un mélange de grains de quartz et de feldspaths appelé une arkose. Pour recevoir ce nom, elle doit avoir jusqu’à 60 % de quartz et au moins 25 % de feldspaths. Le ciment est argileux. Une telle roche sédimentaire caractérise les climats secs. Dans la classification des grès, on tient également compte des fragments lithiques. Ce sont des grains composés de plusieurs minéraux. Ainsi, une roche gréseuse est un mélange de quartz, de feldspaths et de fragments lithiques, avec bien entendu des minéraux secondaires comme des zircons.

Les roches gréseuses peuvent également contenir une matrice argileuse. Si elle en représente 15 à 75 %, la roche est un wacke. Un grauwacke (terme allemand de mineurs) comporte d’abondants fragments lithiques anguleux. Sa couleur va du gris au gris-vert grâce à la présence de chlorite parmi les argiles qui la cimentent et lui confèrent sa dureté. Cette roche était connue dans l’Égypte antique et très appréciée des sculpteurs. La matrice argileuse de la roche en constitue plus de 75 %, elle tombe dans la catégorie des lutites ou pélites, dont la taille des grains est inférieure à 63 µm. La roche est alors appelée un mudstone, terme anglais signifiant « roche de boue » que l’on utilise tel quel. La boue en question n’est pas forcément constituée d’argiles au sens minéralogique du terme (des phyllosilicates hydratés), mais de particules microscopiques de toute nature, dont des carbonates. Un mudstone, c’est donc de la boue consolidée avec éventuellement quelques grains de sable.

Statue cube en grauwacke datant de la XXVIe dynastie de l’Égypte (v. 664-525 av. J.-C.). Collection Pierre et Claude Vérité, acquis entre 1930 et 1960, Paris.

Les grès et les mudstones sont des dépôts fluviatiles et lacustres très fréquents. C’est dans ces roches sédimentaires que l’on trouve des fossiles d’animaux terrestres, ainsi que des empreintes de pas appelées ichnofossiles. Les roches sédimentaires continentales peuvent aussi être des siltites. Ce mot dérive de l’anglais silt « vase, limon ». Dans la classification de Wentworth, les silts sont des grains de taille comprise entre 3,9 et 63 µm. Ils ont la possibilité d’être emportés par les vents, ce qui n’est pas le cas des grains de sable. Ils constituent les « poussières » que les tempêtes soulèvent du Sahara, apportent jusque dans les Alpes et font parfois traverser l’Atlantique. Le lœss est une roche friable constituée de silts déposés sur les continents. Le diamètre des grains est typiquement de 20 à 50 µm. Les particules plus petites que les silts sont des argiles, au sens granulométrique du terme.

Les roches carbonatées

Selon leur composition, il existe deux grandes catégories de roches sur Terre : les roches silicatées et les roches carbonatées. Les sédiments terrigènes sont principalement silicatés, c’est pourquoi ils peuvent être désignés comme silico-clastiques. Le terme « claste » vient du grec klastos « brisé ». Les roches carbonatés comportent des ions carbonates, où les atomes de carbone sont oxydés, alors que les roches silicatées sont à base de silicium oxydé. Les minéraux qui la composent sont la calcite, l’aragonite et la dolomite. Les deux premiers sont des carbonates de calcium ; le troisième est un carbonate de calcium et de magnésium. Comme la calcite, minéral blanc ou translucide quand il est pur, est le principal constituant des calcaires, ceux-ci sont toujours des roches claires. Elles réagissent à l’acide chlorhydrique à froid. La dolomie, roche à base de dolomite, résulte de la diagenèse de sédiments calcaires et aragonitiques. Elle réagit à l’acide chlorhydrique à chaud.

Dolomites
La Marmolada en arrière-plan dans les Dolomites. C’est ce massif montagneux d’Italie qui a donné son nom à cette roche. Il est composé d’un ancien calcaire récifal, datant du Trias inférieur, qui a été transformé lors de sa diagenèse. @ Z Thomas / Wikimedia Commons / CC BY-SA 3.0.

Ces minéraux sont susceptibles de précipiter chimiquement dans l’eau à partir des ions carbonates, mais on ne connaît que quelques milieux où cela se produit. Ils sont marins et chauds, de faible profondeur. Les roches carbonatées résultent essentiellement de l’activité biologique, omniprésente sur la Terre. Certains micro-organismes (bactéries et archées) et champignons synthétisent des polymères extracellulaires afin de construire une matrice protectrice autour d’eux. Elle leur permet aussi de se regrouper en tapis microbiens visibles à l’œil nu. La dégradation de ces polymères libère des ions calcium et provoque, par augmentation de l’alcalinité de l’eau, la précipitation de microcristaux de calcite formant une micrite (de l’anglais microcrystalline calcite). Cette précipitation biologiquement induite est une organo-minéralisation. Il ne s’agit que d’un « effet collatéral » de l’activité microbienne. Elle produit des roches appelées des microbialites, le plus souvent entre 100 et 400 mètres de profondeur, hors de la zone éclairée par le Soleil. Leur accumulation peut donner des monticules boueux de grandes dimensions.

coccolithe
Specimen de Gephyrocapsa oceanica, un coccolithophore prélevé dans la préfecture de Mie, au Japon. Image obtenue par microscopie électronique à balayage. La barre d’échelle représente 1 µm.

D’autres organismes effectuent une biominéralisation biologiquement contrôlée. Les coccolithophoridés (algues unicellulaires planctoniques à l’origine de la craie), les algues vertes et les algues rouges synthétisent des squelettes calcaires grâce à la photosynthèse. Certains coraux vivent en symbiose avec des algues unicellulaires qui réalisent la photosynthèse pour eux. Elle diminue le pH de l’eau par captation du dioxyde de carbone dissous et l’augmentation de la saturation en ions carbonates, ce qui provoque la précipitation de calcite. Cette production ne peut se faire qu’à la lumière du Soleil, à très faible profondeur. Les calcaires récifaux ne sont pas à proprement parler des sédiments puisqu’ils ne résultent pas d’un dépôt de particules : ce terme vient du latin sedimentum « dépôt ». Ce sont des calcaires construits. En revanche, la craie est une accumulation de coccolithes, des disques microscopiques de calcite protégeant les coccolithophoridés, qui sont tombés sur le plancher marin.

Un troisième type d’organismes produits des carbonates. Ils ne sont pas photosynthétiques et doivent donc se nourrir de substances organiques. Ce sont les foraminifères, des protozoaires planctoniques et benthiques dont la coquille calcaire est appelée « test », et des invertébrés comme les éponges calcifiantes, les coraux ahermatypiques, les bryozoaires, les brachiopodes, les mollusques bivalves et céphalopodes, etc. La coquille des gastéropodes est en aragonite et celle des échinodermes est en calcite magnésienne. Le dépôt et l’accumulation de leurs squelettes, souvent brisés, donne des couches de carbonates appelées des calcaires bioclastiques. Ils sont abondants dans le bassin parisien.

Biosparite avec un fragment d’échinoderme E et de trilobite T. Mark A. Wilson, domaine public.
Calcaire du Silurien inférieur
Calcaire du Silurien inférieur près de Fairborn dans l’Ohio, constitué de sparite. @ Mark A. Wilson / Wikimedia Commons / CC BY-SA 3.0.

Les calcaires oolithiques sont constitués de sphérules millimétriques, les oolithes, réunies par un ciment (leur phase de liaison) de type sparite. Celui-ci est composé de cristaux relativement grands de calcite, formés pendant la diagenèse, et caractérise un milieu de dépôt agité. Un examen au microscope révèle que les oolithes comportent un noyau de nature quelconque (grain de sable, bioclaste…) entouré de lamines concentriques de calcite appelées le cortex. Elles résultent d’une précipitation chimique ou peut-être d’une organo-minéralisation due à la présence de bactéries. Avant leur diagenèse, ces sphérules constituaient des sables oolithiques. On en trouve actuellement dans le golfe Persique et les Bahamas.

Calcaire oolithique. Mark A. Wilson, domaine public.

Une première classification des roches carbonatées a été proposée en 1959 par Robert L. Folk. Elle repose sur la nature des particules, appelées éléments figurés ou allochems, composant ces roches (bioclastes, oolithes, péloïdes) et de leur phase de liaison : de la micrite ou de la sparite. Ainsi, la biosparite est composée de bioclastes cimentés par de la sparite. Il existe des calcaires entièrement faits de micrite. Les calcaires construits sont dénommés biolithites. Robert J. Dunham a présenté une deuxième classification en 1962, où les éléments figurés sont appelés des grains. Elle reprend des termes utilisés pour les sédiments terrigènes : les mudstones ont moins de 10 % de grains dispersés dans une boue carbonatée (micrite). Les wackestones en ont plus de 10 %, mais ces éléments ne sont pas jointifs.

Puisqu’ils sont produits par l’activité biologique, les carbonates reflètent l’histoire de la vie. Les animaux n’ont commencé à synthétiser des squelettes en carbonate qu’au début du Cambrien, ou peut-être à fin de l’Édiacarien il y a un peu plus de 541 millions d’années. Les premiers calcaires sont ceux des stromatolites : des rochers dont la fine lamination traduisent une lente croissance. Les plus anciens ont 3,5 milliards d’années. Ils sont considérés comme des microbialites, mais des cyanobactéries, les premiers organismes photosynthétiques, participent à leur construction. Les bâtisseurs de récifs du Cambrien étaient des archéocyates, puis ils ont cédé la place aux éponges et aux coraux. Les rudistes du Crétacé, qui étaient des mollusques bivalves, ont également édifié des récifs.

Deux fossiles de rudistes joints récoltés dans les Émirats Arabes Unis. Robert A. Wilson, domaine public.

Bien sûr, les sédiments terrigènes et les carbonates peuvent se mélanger. Les marnes sont de telles roches. Ce sont des argilites comportant jusqu’à 50 % de carbonates. Si ce seuil est dépassé, on parle de calcaire marneux. Certaines marnes comportent un autre carbonate : la sidérite. C’est un carbonate de fer.

Les évaporites

La précipitation de minéraux dans l’eau de mer donne des roches appelées des évaporites. Les premiers à cristalliser sont, dans l’ordre, le gypse (sulfate de calcium hydraté), l’anhydrite (sulfate de calcium) et la halite (chlorure de sodium). Leur présence témoigne souvent d’un climat chaud et sec, où les pluies ne compensent pas l’évaporation. Les bassins sédimentaires sont des lieux privilégiés de formation d’évaporites. En Europe du Nord, le bassin permien du Zechtein est l’un d’eux. Lors de l’enfouissement, à partir de 50 °C, le gypse se déshydrate et devient de l’anhydrite. On n’en trouve donc pas dans les profondeurs des sédiments. Les couches d’évaporite ont un comportement très particulier, en raison de leur faible densité par rapport aux roches terrigènes et carbonatées et de leur plasticité. Ils montent en formant des diapirs.

Des minéraux peuvent très bien précipiter dans une eau douce, mais ils sont différents des minéraux ayant cristallisé dans l’eau de mer. Ce sont par exemple l’epsomite, qui est du sulfate de magnésium hydraté, et le trona, qui est un mélange de carbonate et d’hydrogénocarbonate de sodium hydraté. Le sulfate de sodium s’appelle la thénardite. Le Salar d’Uyuni est un milieu unique, situé sur haut-plateau des Andes boliviennes, où la formation des évaporites n’est pas dû à la chaleur mais au seul déficit hydrique. Ils comportent des chlorures de sodium, de potassium, de lithium et de magnésium, le lithium étant d’un intérêt majeur pour la fabrication des batteries.

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