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La davemaoite, un minéral du manteau inférieur de la Terre

Le diamant de la mine d'Orapa qui renfermait les inclusions de davemaoïte. Aaron Celestian/Natural History Museum of Los Angeles County.

Le manteau inférieur de la Terre s’étend de 660 km à 2900 km de profondeur et représente environ 56 % de son volume. Contrairement au noyau, sur lequel il repose et qui est essentiellement métallique, il est composé de roches silicatées – des oxydes de silicium. Il y a deux raisons de le penser. La première est que les roches les plus profondes que l’on connaisse sont des silicates : les péridotites. On les appelle ainsi bien qu’elles soient moins riches en silicium que les roches de la croûte terrestre. Elles contiennent en revanche beaucoup de magnésium. La deuxième raison est que les minéraux constituant les péridotites (olivine, aussi appelée péridot, et pyroxènes) sont des composants des chondrites à enstatite (un pyroxène), des météorites ressemblant probablement aux corps primitifs dont l’assemblage a formé Terre.

On pourrait penser que des minéraux situés à plus de 660 km de profondeur sont à jamais inaccessibles, mais des diamants peuvent exceptionnellement en contenir. Ces minuscules inclusions diminuent leur valeur aux yeux des joailliers mais l’augmentent aux yeux des géologues, jusqu’à les rendre parfois inestimables. Leur présence constituent la preuve qu’ils viennent des profondeurs du manteau. Les pressions très élevées auxquelles ils sont soumis leur donnent en effet des structures particulières. En un mot, ce sont des minéraux comprimés. On comprend pourquoi quand on sait que la pression est de 23 GPa (gigapascals) au sommet du manteau inférieur et de 136 GPa à sa base. Un GPa vaut à peu près 10 000 atmosphères.

Une équipe de scientifiques dirigée par Oliver Tschauner, de l’Université du Nevada, vient de découvrir une inclusion de silicate de calcium CaSiO3 dans un diamant provenant de la mine d’Orapa au Botswana. L’annonce a été effectuée le 12 novembre 2021 dans la revue Science. Cette découverte n’est que la seconde, mais cette fois, ce minéral au reçu un nom : la davemaoite. Il lui a été attribué en honneur du géophysicien Ho-Kwang “ Dave ” Mao, spécialiste des ultra-hautes pressions. La première découverte a été annoncée par l’équipe de Fabrizio Nestola en 2018 dans la revue Nature. Le diamant avait été trouvé dans une kimberlite de la mine de Cullinan en Afrique du Sud.

Météorite de Tenham, tombée dans le Queensland, en Australie, en 1878. Un choc dans l’espace a fait apparaître des veines de fusion. Des minéraux de haute pression ont cristallisé dedans, dont de la bridgmanite. Crédit Chi Ma.

Le premier minéral du manteau inférieur est la bridgmanite (Mg,Fe)SiO3. Il en représente environ 75 %, ce qui fait de lui le plus abondant de toute la Terre. Il n’a reçu ce nom qu’en 2014, grâce à Oliver Tschauner et ses collaborateurs. Ce n’est pas dans un diamant qu’il a été observé à l’état naturel, mais dans une météorite. Vient ensuite la ferropericlase (Mg,Fe)O, pour 20 %. C’est une « solution solide » de deux minéraux, la périclase MgO et la wüstite FeO. On l’appelle aussi la magnésiowüstite. Quant à la davemaoite, elle représente environ 5 % du manteau inférieur. Dans le manteau péridotitique, c’est un réservoir de calcium, mais aussi d’autres éléments dits incompatibles. En cas de fusion de la roche, ils sont les premiers à quitter les réseaux cristallins pour entrer dans le magma. La davemaoite accueille en particulier le potassium, le thorium et l’uranium. Les deux derniers éléments sont radioactifs, ainsi que le du potassium-40. Leur désintégration produit de la chaleur qui joue un rôle dans la dynamique du manteau inférieur.

L’unique et microscopique inclusion de davemaoite trouvée dans le diamant de Cullinan témoigne de la subduction des plaques océaniques. On sait qu’elles descendent jusqu’au sommet du manteau inférieur et qu’elles y stagnent. Elles réussissent à pénétrer dedans au bout d’un certain temps, mais il est difficile de les suivre. Il n’existe pas de méthode d’observation qui permette de les voir avec netteté. Il est possible que des plaques s’accumulent à environ 660 km de profondeur et qu’elles descendent toutes en même temps, dans une sorte d’avalanche. D’après F. Nestola, l’inclusion provient vraisemblablement d’une plaque océanique ayant pénétré dans le manteau inférieur. La davemaoite est mêlée à environ 6 % de titanate de calcium CaTiO3, ce qui s’explique par une dérivation à partir d’une croûte océanique basaltique (qui contient toujours plus de calcium que les péridotites). De plus, au cœur du diamant, autour de l’inclusion, le diamant a été enrichi en carbone 13. Les roches de la croûte océanique ont justement plus de carbone 13 que celles du manteau. On a donc bien un « signal » qui vient de la surface de la Terre. En revanche, à la périphérie du diamant, la composition isotopique du carbone est proche de celle du manteau.

Voir Volcanisme d’arc et cycle du carbone

Le diamant d’Orapa contient plusieurs inclusions microscopiques de davemaoite. Il y avait également des inclusions de glace VII, une phase solide de l’eau stable au-dessus de 2 GPa, de fer, de wüstite et d’ilménite FeTiO3. Elles ont permis de démontrer que le diamant s’est formé à environ 30 GPa de pression et 1 500 °C de température. Cela correspond à une profondeur de 900 km, largement sous la frontière entre le manteau supérieur et le manteau inférieur. Du thorium, de l’uranium et une quantité importante de potassium ont été trouvés dans les inclusions de davemaoite. On peut envisager que ce potassium provoque d’une croûte océanique.

Avant sa découverte dans des diamants, la davemaoite avait été fabriquée en laboratoire. Les scientifiques compriment des minéraux et les chauffent pour reproduire les conditions régnant dans les profondeurs de la Terre. Les cellules à enclumes de diamant permettent ainsi une « exploration » du manteau inférieur. Les minéraux étudiés acquièrent fréquemment une structure cristalline ressemblant à celle de la pérovskite CaTiO3. Chaque atome de titane est entouré de six atomes d’oxygène disposés en octaèdres. Ils sont jointifs par leurs sommets. Les atomes de calcium se trouvent en dehors de ces octaèdres. Dans la bridgmanite, le titane est remplacé par le silicium et le calcium par le magnésium et le fer. Avant de recevoir cette dénomination, elle était appelée la (Mg,Fe)SiO3-pérovskite. De même, la davemaoite était la CaSiO3-pérovskite. Pour lire les anciennes publications, il est utile de connaître ces dénominations.

La structure cristalline de la davemaoite est très instable. Quand le diamant d’Orapa a été découpé, elle s’est immédiatement dilatée et s’est transformée en un verre. La cage rigide qu’est le diamant a prévenu cette dilatation et a également empêché la davemaoite d’interagir avec les roches du manteau. Au contraire, la ferropériclase est stable aux températures et pressions ambiantes. C’est l’inclusion la plus fréquente dans les diamants superprofonds, avec une forme de CaSiO3 appelée la breyite. La davemaoite peut se transformer en breyite, mais pour cela, elle doit augmenter son volume de 28 %.

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F. Nestola et al., CaSiO3-perovskite in diamond confirms the recycling of oceanic crust into the lower mantle, Nature, 8 March 2018.

Oliver Tschauner et al., Discovery of davemaoite, CaSiO3-perovskite, as a mineral from the lower mantle, Science, 11 November 2021.

https://www.science.org/doi/10.1126/science.abl8568

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