Dans une zone de subduction, une plaque lithosphère, généralement océanique, s’enfonce sous une autre plaque, qui peut être océanique ou continentale. Là où elle plonge, il y a toujours une fosse étroite et allongée dont la profondeur peut dépasser les dix mille mètres. Parallèlement, sur l’autre plaque, dite chevauchante, un arc volcanique se développe. Ces volcans sont toujours de type explosif et jalonnent la ceinture du feu du Pacifique, dont il sera question ici. On explique leur présence par la déshydratation de la plaque plongeante. L’eau remonte dans le « coin du manteau » chevauchant et fait fondre ses roches. Le magma ainsi formé est susceptible d’atteindre la surface. Sur le pourtour du Pacifique, les plaques chevauchantes sont continentales. Les arcs volcaniques se situent par conséquent sur des marges continentales.
La plaque plongeante emporte avec elle une part variable des sédiments qui se sont déposés sur elle, dont du carbone qui peut être organique ou inorganique. Dans le premier cas, il s’agit de restes d’organismes vivants. Dans le second cas, c’est par exemple du calcaire qui a précipité dans l’eau de mer. Cependant, tout ce carbone ne disparaît pas dans les profondeurs du manteau. Des fluides riches en éléments volatils montent dans l’arc volcanique, qui est un important lieu de dégazage, ainsi que dans les zones d’avant-arc (entre la fosse et les volcans) et d’arrière-arc (derrière les volcans). Il est admis que seule une faible quantité de carbone, sous forme de CO₂, est émise par l’avant-arc. On ignorait cependant si c’est dû à une faible injection de carbone dans la zone de subduction ou à des processus secondaires masquant le flux de CO₂ à travers la plaque chevauchante.
De nombreuses veines de calcite peuvent être trouvées dans la zone d’avant-arc. Il s’agit de carbonate de calcium CaCO₃ cristallisé. Cela suggère que du CO₂ est fixé par des bactéries vivant sous la surface, à des températures ne dépassant pas 100 °C. En l’absence de lumière, elles tirent leur énergie de réactions chimiques : elles extraient le carbone du CO₂, de préférence l’isotope léger ¹²C. Ce processus est appelé la chimiolithoautotrophie. Dans les mêmes conditions, d’autres bactéries provoquent une précipitation de calcite, si bien que le carbone est séquestré sous la surface. Il se produit également un fractionnement isotopique. Les scientifiques ont envisagé d’autres mécanismes, tels que la production de biomasse microbienne, la conversion du dioxyde de carbone en méthane ou le piégeage de ce gaz dans des poches souterraines.
Une équipe de trente-sept scientifiques s’est attaquée à ce problème, sous la direction de Peter Barry, de l’université d’Oxford, et leur conclusion a été publiée dans la revue Nature. Leur recherches se sont concentrées sur le Costa Rica, un pays d’Amérique centrale situé entre le Panama et le Nicaragua. Du côté du Pacifique, la petite plaque océanique des Cocos converge à une vitesse de 8 centimètres par an. La subduction alimente un alignement de volcans situés au nord-ouest du pays, dont le Miravalles, le Tenorio et l’Arenal, tous les trois actifs. Les scientifiques ont prélevé des fluides et des gaz dans des sources chaudes d’origine profonde, dans les zones d’avant-arc et d’arrière-arc. Les températures variaient entre 23 et 89 °C et l’eau était aussi bien acide que basique.
Les chercheurs ont mesuré la concentration en CO₂, en carbone organique et inorganique dissous (COD et CID), ainsi que la composition isotopique de l’hélium et du carbone. Le COD est composé de particules de taille inférieure à 0,5 micromètre. Quant au CID, il comprend surtout des ions bicarbonate HCO₃⁻. Il s’avère qu’environ 91 % du carbone libéré par la plaque plongeante est piégé sous forme de calcite dans la croûte de la plaque chevauchante. À cela, s’ajoute 3 % de carbone consommé par les organismes chimiolithoautotrophes. C’est du carbone inorganique transformé en carbone organique, qui accroît la biomasse microbienne. La production de méthane est négligeable.
Cette étude permet une meilleure compréhension du cycle du carbone, à l’échelle de temps géologique. La quantité de carbone que la subduction transfère dans le manteau profond est inférieure de 19 % à ce qui avait été précédemment estimé.
L’histoire de l’atmosphère terrestre bénéficie ainsi d’un éclairage nouveau. À la fin de l’Archéen, il y a de 3 à 2,5 milliards d’années, la subduction était supposée « plate », c’est-à-dire que les plaques plongeantes ne se pliaient pas beaucoup. Elles s’enfonçaient peu dans le manteau. Les zones d’avant-arc étaient alors vastes. De grandes quantités de carbone étaient séquestrées dans les marges continentales, mais elles pouvaient être libérées par des collisions de continents. Durant le Protérozoïque (à partir de 2,5 Ga), l’angle de subduction est devenu plus élevé et les zones d’avant-arc se sont réduites, si bien que les éléments volatils ont été transférés plus efficacement dans le manteau profond. L’enfouissement de carbone organique à l’intérieur de la Terre a dû entraîner une augmentation du taux d’oxygène dans les océans et l’atmosphère. C’était le début de la Grande Oxygénation. Les cyanobactéries, qui émettaient de l’oxygène, existaient depuis l’Archéen, mais c’est la tectonique des plaques qui aurait permis l’accumulation de ce gaz dans l’atmosphère.
***************************************************************************************
P.H. Barry et al., Forearc carbon sink reduces long-term volatile recycling into the mantle, Nature 568, 487-492, 2019.
Article de Rutgers Today :
Leave a Reply
Vous devez vous connecter pour publier un commentaire.