Selon la théorie élaborée par le mathématicien serbe Milutin Milankovitch, la succession de glaciations que la Terre a connues durant le Quaternaire s’explique par les variations des paramètres orbitaux de notre planète. Après une première publication en français en 1920, il a complété sa théorie et publié en 1941 un livre en allemand. Cet ouvrage a ensuite été traduit en anglais. Mais à cette époque, on manquait de données pour vérifier cette théorie. Cela a été fait en 1976 par J.D. Days, J. Imbrie et N.J. Shackleton.
Ces paramètres sont :
‒ l’excentricité e
‒ l’obliquité ε (epsilon)
‒ la précession climatique ω (oméga, lettre grecque surmontée d’un barre que je ne mets pas ici) et le paramètre de précession e sin ω.
L’orbite de la Terre autour du Soleil n’est pas un cercle mais une ellipse. Sa distance au Soleil est donc variable. Le point de son orbite le plus proche du Soleil s’appelle le périhélie. Le point le plus éloigné s’appelle l’aphélie. De plus, par rapport aux étoiles, cette ellipse tourne autour du Soleil. Elle effectue un tour en 135 000 ans.
L’axe de rotation de la Terre est incliné de 23°27’. C’est ce qu’on appelle l’obliquité. C’est cette inclinaison qui est à l’origine des saisons. Aux équinoxes de printemps et d’automne, la Terre se trouve respectivement aux points γ et γ’ (gamma et gamma prime) de son orbite. Ils n’ont pas été appelés comme cela dans la première illustration, mais ils sont faciles à reconnaître : γ = printemps, γ’ = automne. La droite (γγ’) joignant ces deux points passe par le Soleil. Les hémisphères Nord et Sud sont alors éclairés de la même manière par le Soleil. Aux solstices d’hiver et d’été, la Terre se trouve respectivement aux points H et E, mais attention, dans l’hémisphère Sud, les saisons sont inversées. Un fait important est que les droites (γγ’) et (HE) sont perpendiculaires, se coupent dans le Soleil et diviseraient l’orbite terrestre en quatre quadrants si elle était un cercle.
Mais l’orbite de la Terre est une ellipse. L’angle entre le périhélie P et le point γ est noté ω (oméga). Il est indiqué en rouge sur l’illustration. Il varie au fil des millénaires : le point γ fait un tour de l’orbite terrestre dans le sens inverse du mouvement annuel de notre planète en 21 700 ans. Les deux sens de rotation sont indiqués.
Ce phénomène s’explique par la précession des équinoxes : la Terre oscille comme une toupie en fin de course. Par rapport aux étoiles, son axe de rotation décrit un cône de révolution en 26 000 ans (ou plus exactement 25 760 ans). Cela fait varier l’intersection de son plan équatorial avec le plan de l’écliptique, qui est la droite (γγ’). Si la période de cette droite n’est pas de 26 000 ans, mais de 21 700 ans, c’est à cause de la lente rotation de l’orbite terrestre.
La précession climatique, ajoutée à l’excentricité de l’orbite terrestre, est la principale cause de l’alternance de périodes glaciaires et interglaciaires. Le premier dessin montre qu’il y a 11 000 ans, les printemps et les étés étaient courts et chauds dans l’hémisphère Nord, alors que les automnes et les hivers étaient longs et froids. C’est parce que la Terre se déplace plus rapidement sur son orbite quand elle se rapproche du Soleil. Aujourd’hui, la situation est inversée. Les automnes et les hivers sont courts et peu rigoureux dans l’hémisphère Nord, tandis que les printemps et les étés y sont longs et pas très chauds. C’est la situation idéale pour qu’une glaciation s’y produise. En effet, les chutes de neige ont plutôt lieu en hiver dans les régions modérément froides, et si l’été n’est pas très chaud, la neige a du mal à fondre. Inversement, quand les hivers sont très froids, il s’installe de puissants anticyclones qui empêchent l’arrivée des nuages et donc les chutes de neige. La période actuelle est donc propice à la formation d’une glaciation dans l’hémisphère Nord. Mais alors, comment se fait-il que le nord de l’Europe, de l’Asie et de l’Amérique du Nord ne soit pas recouvert par une immense calotte glaciaire ?
La théorie est fait beaucoup plus compliquée que je viens de le dire. Les trois paramètres orbitaux dont j’ai parlé varient en même temps. En plus, ils le font d’un manière à peu près périodique, mais pas sinusoïdale. La deuxième illustration donne la variation du paramètre de précession.
On décompose cette courbe en une somme de courbes sinusoïdales avec chacune une période bien définie. En mathématiques, cette somme s’appelle une série de Fourier. Il existe une infinité de périodes mais deux ont une importance particulière : environ 19 000 et 23 000 ans. Ensuite, l’excentricité de l’orbite terrestre varie également, avec deux périodes importantes de 100 000 et 413 000 ans. Quand elle est faible, la distinction entre étés chauds et étés moins chauds et celle entre hivers froids et hivers peu rigoureux s’estompe. Enfin, l’obliquité varie de 22°02’ à 24°30’ avec une période de 41 000 ans. Quand elle est faible, il y a moins de différence entre les saisons.
Avec toutes ces données, il est d’usage de calculer l’insolation à 65° de latitude Nord, c’est-à-dire la quantité d’énergie que le sol reçoit sous forme de radiations solaires. Cette courbe fait apparaître trois périodes de 19 000, 23 000 et 41 000 ans. Les périodes de la variation de l’excentricité y sont absentes. Or, dans les indicateurs du volume des calottes glaciaires, ces cinq périodes sont toutes présentes, notamment celle de 100 000 ans. Pour résoudre ce problème, on a supposé que les glaciations mettent beaucoup de temps à s’installer mais moins de temps à disparaître. Ces « temps de réaction », que l’on appelle plutôt des constantes de temps, seraient de 29 500 ans pour le refroidissement et de 7 300 ans pour le réchauffement. Et ça marche assez bien. Avec ces hypothèses, on établit une courbe théorique des glaciations, basée sur celle de l’insolation, qui « prédit » les glaciations observées dans le passé et annoncent celles qui se produiront dans l’avenir. Le volume des glaces a dû passer par un minimum il y a 6 000 ans et devrait atteindre un maximum dans 23 000 ans. Nous abordons une nouvelle période glaciaire mais nous avons le temps de nous préparer.
La théorie de Milankovitch est-elle donc prouvée ? Pas tout à fait. Elle n’explique pas le couplage entre les deux hémisphères. Jusqu’à présent, je n’ai parlé que de l’hémisphère Nord. Or, quand une glaciation s’y produit, mais elle n’a pas de raison de se produire également dans l’hémisphère Sud. C’est pourtant bien ce que l’on observe. L’explication réside probablement dans le rôle du CO2 atmosphérique. Les glaciations feraient varier son taux, ces variations étant répercutées sur toute la planète grâce aux mouvements des masses d’air. Parmi les mécanismes envisagés, figure la solubilité du CO2 dans l’eau des océans. Un refroidissement des eaux provoque une augmentation de sa solubilité, d’où une diminution du taux de CO2 atmosphérique, d’où une baisse de l’effet de serre… d’où un refroidissement. Un réchauffement a un effet inverse. De plus, la fonte d’une calotte glaciaire entraînerait l’extension des zones marécageuses, grandes productrices de méthane, qui est un gaz à effet de serre. Les carottages qui ont été faits en Antarctique ont mis en évidence une forte corrélation entre les variations des températures ou d’englacement de la Terre et les variations de la teneur en CO2 atmosphérique, les premières précédant les secondes d’environ 800 ans. Mais il faut préciser les mécanismes en jeu.
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