On sait que plus un submersible s’enfonce dans l’océan, plus il est soumis à une pression élevée. Elle est causée par le poids de la colonne d’eau se trouvant au-dessus de lui. La formule donnant la pression p(z) en fonction de la profondeur z est p(z) = z·ρ·g. Elle est égale au produit de z, mesurée depuis la surface de l’océan, de la masse volumique ρ de l’eau et de l’accélération de la pesanteur g. On peut supposer, pour simplifier, que ρ est toujours de 1 g/cm³, et que g = 9,8 m/s². Ainsi, à 3 500 m de profondeur, la pression est de 340 bars, soit autant de fois la pression atmosphérique à l’altitude 0. Exprimée en unité légale, elle est de 34 MPa (mégapascals). Cette pression est qualifiée d’hydrostatique. Les roches de la Terre exercent elles aussi une pression, dite lithostatique, donnée par la même formule. La différence réside dans la masse volumique, égale à 2,9 g/cm³ pour les roches de la croûte océanique, 3,3 g/cm³ pour celles du manteau. Ainsi, sous 6 500 m de croûte océanique, la pression est de 210 MPa – la pression exercée par l’océan sur cette croûte n’étant pas prise en compte.
La poussée d’Archimède
Ce n’est pas sans raison que j’ai pris ces chiffres. Le Mauna Loa, le deuxième plus haut volcan d’Hawaii, est une montagne posée sur le plancher océanique. Elle s’élève à 4 170 m au-dessus de l’océan, mais comme celui-ci a 3 500 m de profondeur à cet endroit, le Mauna Loa est une montagne de 7 670 m de haut. On suppose que sa cheminée est remplie d’un magma de masse volumique 2,7 g/cm³ descendant jusqu’au Moho (discontinuité de Mohorovicic), limite entre la croûte océanique et le manteau. Ce fluide est supposé immobile, si bien que les principes de l’hydrostatique lui sont applicables. La pression qui règne à sa base vaut p = h·ρ·g, où h = 14,17 km est la hauteur de la cheminée, du sommet du volcan jusqu’au Moho. On trouve p = 375 MPa, valeur totalement indépendante de la forme de la cheminée. Cela implique que, pour que cette lave puisse monter, il faut exercer à la base du cylindre une poussée égale à 375 MPa.
En fait, la cheminée du volcan ne s’arrête pas au Moho. Elle descend dans le manteau, où le magma naît par fusion partielle des roches. Et c’est le manteau qui fait monter le magma, grâce à une force qui n’est autre que la poussée d’Archimède. C’est la force, toujours dirigée vers le haut, qu’exerce un liquide sur un corps dans lequel celui-ci est plongé. Elle est donnée par A = ρV·g, où ρ est la masse volumique du liquide et V le volume du corps (ou de sa partie immergée dans le liquide, s’il ne l’est pas totalement). Ici, nous remplaçons le fluide par le manteau et le corps par le magma. L’expression de la poussée d’Archimède, qui se déduit des principes de l’hydrostatique, reste cependant valable. Il est important de dire que c’est le gradient de pression du liquide (ou du manteau) qui pousse le corps vers le haut, c’est-à-dire le fait que la pression hydrostatique (ou lithostatique) augmente avec la profondeur. Cette force est opposée au poids du magma, égal à P = – µV·g, où µ est la masse volumique du magma. Le total des forces appliquées sur le magma vaut A + P = (ρ – µ)V·g. Jusqu’à présent, aucune hypothèse n’a été faite sur la forme que prend le magma dans le manteau.
On va la représenter comme une colonne de hauteur h et d’aire S au sommet, de sorte que V = h·S. Le nombre p = (ρ – µ)h·g est alors égal à la pression de la colonne de magma à son sommet. C’est cette pression qui lui permet de pousser le magma contenu dans la croûte. Elle doit être égale à 375 MPa. Étant donné que ρ = 3,3 g/cm³ et µ = 2,7 g/cm³, la différence de masse volumique ρ – µ vaut 600 kg/m³ (je prends ici les unités légales), et l’on obtient p = 600 × 9,8 × h, d’où h = 63,8 km. C’est la hauteur que doit avoir la colonne de magma dans le manteau. À partir du niveau de la mer, la profondeur du magma va donc jusqu’à 73,8 km.
Je résume. Le magma qui se trouve dans le manteau est sujet à la poussée d’Archimède. Il exerce à son tour une pression sur le magma qui se trouve dans la croûte et le volcan (sur une longueur de 14,17 km). Si cette poussée peut exister, c’est grâce à la différence de densité entre le manteau et le magma. La hauteur que nous avons trouvée, de 63,8 km, est confirmée par les données sismiques. Elles indiquent des séismes entre 60 et 80 km sous le volcan, lors de ses périodes d’activité. Ils sont dus à la fracturation des roches du manteau par le magma. On considère que la croûte et le volcan n’exercent pas de poussée d’Archimède sur le magma, car il y a peu de différence de densité.
Les volcans des dorsales océaniques ont des racines moins profondes, ce que confirment toutes les autres données. Leur colonne magmatique dans le manteau est de 36 km. C’est tout le contraire avec les volcans des zones de subduction, comme ceux des Andes. Ils émettent des laves visqueuses appelées des andésites, dont la masse volumique est de 2,5 g/cm³. Le Popocatépetl, au Mexique, a 5 452 m d’altitude mais il est situé sur un plateau à 2 200 m d’altitude. Pour les calculs, on prend une croûte continentale de 35 km d’épaisseur. Cela donne une longueur de 125 km à l’intérieur du manteau.
Des traces du fusion dans le manteau
On peut examiner ce qui s’est passé sous d’anciens volcans. Dans les Alpes, des péridotites du manteau ont été amenées à la surface grâce à la fermeture d’un ancien océan, et il s’avère qu’elles ont connu une fusion partielle et entraîné la naissance d’un volcanisme sous-marin. On sait ainsi que le liquide se concentre dans les zones à forte porosité à 75 km de profondeur. C’est le gradient de pression qui l’entraîne vers le haut et la perméabilité des roches qui lui permet de se déplacer, à une vitesse pouvait aller de moins d’un millimètre à plusieurs centimètres par an. Il se crée un réseau de fissures vers 60 km. Au-dessus d’un volume critique de magma, vers 50 km, il se produit une fracturation hydraulique du manteau. Des fissures verticales plus larges sont ouvertes, dans lequel le magma s’engouffre. C’est cette fracturation qui provoque des séismes. Tout le liquide est alors expulsé. Sa vitesse est estimée entre 1,7 et 45 km par jour. Quelques jours à quelques semaines suffisent pour que le magma arrive à la surface et qu’une éruption volcanique se déclenche. La fracturation hydraulique explique qu’un processus continu et lent de fusion des péridotites provoque des éruptions de quelques semaines séparées par des périodes d’inactivité de plusieurs années ou dizaines d’années.
L’érosion d’anciens continents peut mettre à nu des conduits d’alimentation de volcans qui se trouvaient à plusieurs kilomètres sous terre. On les appelle des dykes en anglais ou filons en français. Ils sont remplis de lave solidifiée, souvent de composition basaltique. Ces roches, des dolérites, sont finement cristallisées, alors que le basalte a une texture vitreuse à cause de son refroidissement très rapide. Ces conduits s’évasent vers le haut : leur épaisseur est de quelques centimètres à quelques décimètres dans le manteau et atteint plusieurs mètres dans la croûte supérieure.
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