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De la matière organique et de l’eau sur l’astéroïde Itokawa

Itokawa

L'astéroïde (25143) Itokawa vu par la sonde Hayabusa.

(25143) Itokawa est le premier astéroïde a avoir été exploré par une sonde spatiale. Nommée Hayabusa, celle-ci avait été envoyée par la JAXA, l’agence d’exploration aérospatiale du Japon. Arrivée près de l’astéroïde le 12 septembre 2005, elle a réussi à récolter des échantillons le 25 novembre. La capsule qui les contenait à été envoyé sur Terre et a atterri en Australie du Sud le 13 juin 2010. Ils sont constitués de milliers de particules dont les tailles varient entre 10 et 200 µm. Elles ont typiquement moins de 50 µm (soit 0,05 mm) de diamètre. Plus de 900 particules ont été séparées et conservées dans une chambre stérile. D’après leur minéralogie, leur chimie et la composition isotopique de l’oxygène, elles sont du type chondrite ordinaire LL.

Les chondrites sont des météorites contenant des sphérules millimétriques, les chondres. Ils comprennent de l’olivine, qui est le principal minéral du manteau supérieur de la Terre, ainsi que des proportions variables de pyroxènes, également présents dans le manteau. On y trouve aussi des globules de fer et de nickel, des sulfures et du verre. Il s’agit d’anciennes gouttes de matériaux qui ont fondu dans l’espace, durant la formation du Système solaire. Leur origine est encore assez mystérieuse. Ces chondres sont pris dans une matrice à grains très fin. Les météorites qui tombent sur Terre sont à 74 % des chondrites ordinaires. L’appellation LL signifie qu’elles ont une faible teneur en fer total et en fer métallique (low iron, low metal). Le fer est majoritairement présent sous forme oxydée, dans les silicates, et donc non métallique. L’olivine en contient, ainsi que l’hypersthène, qui est un pyroxène.

Comme à tous les astéroïdes, un nombre et un nom ont été attribués à Itokawa. Son nombre signifie que c’est le 25143ème astéroïde découvert. La plupart d’entre eux gravitent entre Mars et Jupiter, dans ce qu’on appelle la ceinture principale. C’est le cas de (1) Cérès, le premier astéroïde découvert. Il a été observé le 1er janvier 1801 par Giuseppe Piazzi. C’est une planète naine d’un diamètre moyen de 939 km. La découverte d’Itokawa a été effectuée en 1998. Il porte le nom de l’ingénieur aéronautique japonais Hideo Itokawa. L’analyse de son spectre l’a classé parmi les astéroïde de type S, qui sont principalement composés de silicates.

Avec une longueur de 535 mètres, c’est un petit astéroïde. En forme de cacahuète, il fait un tour sur lui-même en une douzaine d’heures. Sa masse volumique moyenne est d’environ 2 grammes par centimètre cube. Il ne se trouve pas dans la ceinture principale car son orbite croise celle de la Terre. Elle est elliptique avec un demi grand axe de 1,32 unité astronomique (1 u.a. = 149 597 870 km) et un excentricité de 0,28. Itokawa tourne autour du Soleil en 557 jours. Sa distance au Soleil varie entre 0,95 et 1,70 u.a.. En comparaison, le demi grand axe de l’orbite terrestre vaut par définition 1 u.a. et son excentricité est de 0,0167, ce qui signifie que cette ellipse est presque un cercle. L’orbite d’Itokawa est nettement plus « aplatie ».

On considère qu’Itokawa est un agglomérat de débris d’un planétésimal plus grand, d’un diamètre supérieur à 40 km, présent dans la ceinture principale d’astéroïdes dès la naissance du Système solaire. Celui-ci a été détruit par une collision et des débris ont par la suite été rassemblés par la gravité. La ceinture d’astéroïdes contient de tels planétésimaux, dont le diamètre est typiquement supérieur à 35 km. Plus près du Soleil, les collisions entre ces astres ont formé des embryons planétaires de plusieurs centaines à un millier de kilomètres de diamètre, qui sont à l’origine de Mercure, de Vénus, de la Terre et de Mars.

(A) Image montrant le grain Amazon prélevée à l’aide d’une aiguille de verre avec des fils de platine à la JAXA. (B) Photomicrographie prise en lumière visible du grain avant et après son montage dans l’indium. (C) Cartes EDS combinées du magnésium (rouge), du silicium (bleu) et de l’aluminium (vert) d’Amazon. Les carreaux ont une taille de 10 µm. Les emplacements des spectres EDS dans (E) sont indiqués par les points 1-3. (D) carte Raman d’Amazon montrant la distribution de l’olivine (vert), du plagioclase (bleu), du pyroxène (rouge) et de la matière organique (jaune). Les emplacements de la matière organique primitive (p-OM) et de la matière organique mature (m-OM) sont indiqués par les annotations en italique, les analyses ponctuelles NanoSIMS (nano-spectrométrie de masse des ions secondaires) de l’albite (Ab), de l’olivine (Ol) et du pyroxène (Py) sont indiquées par des carrés ouverts, et la zone d’analyse par imagerie NanoSIMS est indiquée par un carré pointillé, (E) spectres EDS de l’olivine, du pyroxène et de l’albite. Les emplacements des points sont indiqués en (C).

Dans une étude publiée le 4 mars 2021 sous la direction de Queenie H.S. Chan de la Royal Holloway University of London, des scientifiques ont présenté l’analyse d’une particule qui a été surnommée Amazon parce que sa forme évoque celle de l’Amérique du Sud. Son nom officiel est RA-QD02-0162. Elle a approximativement 50 µm de long et 30 µm de large et comprend plusieurs minéraux. La spectroscopie Raman et la spectroscopie de rayons X à dispersion d’énergie (EDS) ont révélé la présence d’olivine (forstérite à 75-80 %), d’orthopyroxène pauvre en calcium (enstatite à 87 %), de clinopyroxène et d’albite (pôle sodique des feldspaths). Cette composition confirme l’appartenance d’Itokawa aux chondrites ordinaires LL.

De plus, de la matière organique a été trouvée. Des molécules polyaromatiques présentant des ressemblances avec les molécules organiques des chondrites carbonées (qui se sont formées loin du Soleil et sont riches en composés organiques et en eau) sont contenues dans un grain de moins de 3 µm de diamètre inclus dans un solide polycristallin. Elles sont considérées comme de la matière organique primitive. On pense que ce grain est exogène, c’est-à-dire qu’il a été apporté par une contamination, mais étant donné la composition isotopique de l’hydrogène et de l’azote, il n’est pas d’origine terrestre. Des groupes de grains submicrométriques, toujours associés avec des pyroxènes, sont formés d’une matière organique transformée en carbone presque pur par chauffage. Elle comporte des cristaux nanométriques de graphite.

La teneur en eau a été mesurée. Sa présence n’est pas une surprise, puisqu’elle est commune dans les échantillons d’Itokawa déjà examinés. Les pyroxènes contiennent environ 235 ppm (partie par million) d’eau et les olivines un peu plus. L’albite en a un millier de ppm, soit 0,1 %. La composition isotopique de l’eau varie selon les minéraux, ce qui a été expliqué par l’histoire d’Itokawa. Dans le planétésimal d’origine, l’eau était pauvre en deutérium, comme dans tous les corps du Système solaire interne. Ce défaut de deutérium se voit dans l’olivine. Une chaleur atteignant les 800 °C a provoqué une déshydratation des minéraux. Le rejet d’hydrogène moléculaire issu de la dissociation de l’eau a catalysé la formation de molécules organiques dans les pyroxènes, faisant aussi varier dans ces minéraux le rapport deutérium/hydrogène. Par la suite, le chauffage a rendu la matière organique « mature », pour utiliser le vocabulaire de la géologie du pétrole, puis elle a finie par être graphitisée.

Il y a 1,4 ou 1,3 milliard d’années, le planétésimal a été brisé par un impacteur dont le diamètre devait être compris entre 200 et 800 mètres. Un bloc noir de 6 mètres de long visible à la surface d’Itokawa en est peut-être un fragment. Avec cette collision catastrophique, des débris se sont rassemblés pour constituer Itokawa. Il est resté dans la ceinture principale d’astéroïdes pendant des centaines de millions d’années, avant de changer d’orbite. Des chondrites carbonées ou des poussières interplanétaires ont pu apporter tardivement de la matière organique et de l’eau riche en deutérium.

Le 10 janvier 2018, Queenie Chan avait annoncé dans la revue Sciences Advances la découverte de halite (chlorure de sodium) et de sylvite (chlorure de potassium) dans des météorites tombées en 1998 à Monahans dans le Texas et en Afrique de l’Ouest. Il s’agissait de chondrites ordinaires de type H. Ces cristaux contenaient des inclusions d’eau salée auxquelles étaient associés des composés organiques.

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Q. H. S. Chan et al., Organic matter and water from asteroid Itokawa, Scientific Reports, 4 March 2021.

Quennie Chan et al., Organic matter in extraterrestrial water-bearing salt crystals, Science Advances, 10 January 2018.

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