Pour prouver que la Terre tourne sur elle-même, on peut utiliser la force de Coriolis. À cause de sa rotation autour de l’axe des pôles, la Terre n’est pas un référentiel inertiel (ou galiléen). Dans un tel référentiel, un corps qui n’est soumis à aucune force a un mouvement rectiligne uniforme, s’il ne reste pas immobile. Sur la Terre, un tel mouvement est impossible. On peut visualiser cela grâce à une expérience très simple. On prend une feuille de papier que l’on fixe sur une planche grâce à une punaise. La feuille est libre de tourner autour de ce point. Si l’on y trace un trait qui est droit par rapport à la planche alors que la feuille tourne dans le sens antihoraire (sens inverse des aiguilles d’une montre), on obtient sur celle-ci un trait incurvé vers la droite. Un observateur placé sur la feuille a l’impression qu’une force dévie la pointe du crayon vers la droite. Si la feuille tourne dans le sens horaire, le trait est incurvé vers la gauche. En réalité, ce n’est pas une vraie force mais la manifestation du fait que la feuille n’est pas un référentiel inertiel.
Dans l’hémisphère Nord, les masses d’air sont systématiquement déviées vers la droite. Cela explique que les mouvements se fassent de manière tourbillonnante. La magnifique perturbation photographiée en 2013 par Météo France illustre cela. Il y a un centre dépressionnaire sur l’Atlantique Nord, dans les environs de l’Islande comme c’est presque toujours le cas. L’air est poussé vers les zones de basses pressions. C’est purement mécanique : la pression est une force par unité de surface. Si un objet est soumis à une pression plus élevée à sa droite qu’à sa gauche, il va être poussé vers la gauche. Mais sur la Terre, les masses d’air subissent la force de Coriolis dès qu’elles se mettent en mouvement. L’air ne peut donc pas se diriger vers le centre dépressionnaire. Il est dévié vers la droite et tourne autour de lui dans le sens antihoraire. Au moment où la photo a été prise, il faisait beau sur une grande partie de la France, mais il était inévitable que la perturbation passe dessus, suivie de sa traîne. Ce mécanisme explique pourquoi l’Europe occidentale est condamnée à être arrosée par des pluies venues de l’Atlantique.
L’existence d’un centre dépressionnaire dans l’Atlantique Nord, plus développé en hiver qu’en été, ne suffit pas à expliquer le fonctionnement d’une perturbation. À cela, s’ajoute la présence du front polaire. De l’air chaud s’élève au-dessus de la zone de convergence intertropicale (la ZCIT), qui oscille de part et d’autre de l’équateur selon les saisons. Il voyage vers le nord, redescend à 30° de latitude où il rend les climats arides car il est devenu très sec. Une partie continue à se diriger vers le nord en restant cette fois près du sol et elle rencontre de l’air polaire vers 60°. Ce front polaire est une zone de basses pressions. Bien entendu, les masses d’air chaud se dirigeant vers le nord sont déviées vers la droite donc vers l’est. Les masses d’air polaire descendants vers le sud sont déviées vers l’ouest.
Un observateur situé au-dessus du pôle Nord et immobile par rapport aux étoiles, considérées comme un référentiel inertiel, voit la Terre tourner dans le sens antihoraire. En revanche, s’il se place au-dessus du pôle Sud, il la voit tourner dans le sens horaire. Ce n’est pas parce que le sens de rotation de la Terre a changé entre-temps, mais parce que l’orientation de l’observateur a changé. Un disque ou une sphère ne tourne pas dans le même sens vu de dessus et de dessous. Dans l’hémisphère Sud, les masses d’air sont déviées vers la gauche. La force de Coriolis s’affaiblit quand la latitude baisse, devient nulle à l’équateur, et repart dans l’autre sens dans l’hémisphère Nord.
A l’équateur, il n’y a jamais de cyclone. Il y manque l’une des causes de ce phénomène : la force de Coriolis. Un cyclone se forme au-dessus d’eaux océaniques dont la température dépasse 27 °C sur au moins une cinquantaine de mètres de profondeur. Cela ne peut pas se produire à des latitudes supérieures à 30°. Cette chaleur entraîne la formation d’une zone de basses pressions, vers laquelle des vents convergent. Ce faisant, ils prélèvent de la vapeur d’eau. En s’élevant au-dessus de la zone, l’air chaud se détend et sa vapeur d’eau se condense, formant des nuages et des pluies. Cette condensation libère de l’énergie dite latente, ce qui augmente la vitesse des vents. Pour vaporiser de l’eau, il faut lui apporter de l’énergie, comme le fait le Soleil, donc le changement de phase inverse, la condensation, libère de l’énergie. Tout est en place pour que le drame commence, mais si les vents ne se mettent pas à tourbillonner, il n’y aura jamais de cyclone. C’est la force de Coriolis qui cause ce mouvement, or elle ne peut pas agir à moins de 5° de latitude, si bien que les cyclones naissent toujours à des latitudes comprises entre 5° et 30° dans les deux hémisphères. Ils tournent dans le sens antihoraire dans l’hémisphère Nord et dans le sens horaire dans l’hémisphère Sud.
Les perturbations de l’Atlantique Nord n’ont pas le même mécanisme que les cyclones des tropiques, mais elles reçoivent le nom de « cyclones extra-tropicaux » quand elles sont assez amples. En tout cas, rien de tout cela n’existerait sans la rotation de la Terre. Je termine en parlant des alizés. Ces vents bien connus des navigateurs soufflent vers l’ouest, de part et d’autres de la ZCIT. Pourquoi toujours vers l’ouest ? C’est encore un effet de la force de Coriolis. De l’air chaud s’élève de la ZCIT en se déchargeant de son humidité, ce qui engendre des pluies abondantes. Il se dirige vers le nord puis redescend à environ 30° de latitude. Toutes ces masses d’air ne continuent pas vers le nord. Une partie repart vers le sud, vers la ZCIT, en formant une cellule de convection dite de Hadley. Mais la force de Coriolis dévie ces vents vers la droite, donc le sud-ouest. Un phénomène symétrique se produit de l’autre côté de cette ligne. C’est l’explication des alizés. On comprend que si la Terre tournait dans l’autre sens, ils souffleraient vers l’est.
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