La désintégration d’un astéroïde durant l’Ordovicien moyen, il y a 466 millions d’années, aurait entraîné une glaciation et une importante baisse du niveau des mers, d’après une équipe internationale de vingt scientifiques conduite par Birger Schmitz, du laboratoire d’astrobiologie de l’université de Lund en Suède. On savait qu’une glaciation s’était produite durant l’Hirnantien (de 445 à 443 Ma), à la fin de l’Ordovicien, et on lui attribue la première des extinctions de masse du Phanérozoïque, mais d’après des indices récemment étudiés, elle aurait commencé une vingtaine de millions d’années plus tôt, durant un étage appelé le Darriwilien (de 467 à 458 Ma). Cet événement aurait entraîné une diversification de la faune, la plus grande depuis l’explosion de la vie début du Cambrien, appelée la Grande diversification ordovicienne.
Pour arriver à cette conclusion, Birger Schmitz et ses collaborateurs ont examiné les sédiments de la carrière Thorsberg (en photo), au sud de la Suède. Ils sont constitués de petits morceaux de calcaire d’origine biologique. À la base, ils comprennent des micrométéorites comme il en tombe constamment sur Terre. À partir de la ligne rouge LCPB, des grains caractéristiques des chondrites L apparaissent brusquement. Les chondrites sont des météorites contenant des billes d’un ou plusieurs millimètres de diamètre. Celles de type L sont fréquentes et ont une teneur faible en fer – d’où la lettre L signifiant « low ». Toutes ces météorites proviennent d’astéroïdes qui ont été brisés par des collisions. On dit que ce sont leurs corps parents. Celui d’où proviennent les grains récoltés dans la carrière Thorsberg (L-chondrite parent body, LCPB) a une taille estimé à 150 kilomètres. Il évoluait dans la ceinture d’astéroïdes entre Mars et Jupiter. C’est la collision la mieux documentée : la Terre a littéralement été arrosée de débris.
L’existence de cette pluie de météorites était connue depuis plusieurs années. Schimtz lui avait déjà consacré un article en 2008, avec huit autres chercheurs, où il affirmait que la Grande diversification ordovicienne en était une conséquence. C’était assez contestable car la coïncidence les deux évènements n’était pas établie. Ces météorites ont séjourné dans des sédiments durant des centaines de millions d’années, si bien qu’elles ont été altérées. Elles sont qualifiées de « fossiles ». En 2013, Schmitz connaissait 99 météorites d’un à vingt-et-un centimètres de diamètre extraites de la carrière Thorsberg, en plus des grains plus petits. Ce sont des cristaux microscopiques de chromite, un oxyde de fer et de chrome du type spinelle, qui permet de démontrer leur origine extraterrestre. Ils ont également été trouvés en abondance dans des calcaires marins de l’Ordovicien moyen de Russie et de Chine. Cette pluie de météorites a donc bien été mondiale.
Dans l’étude qui vient d’être publiée, la baisse du niveau des mers a été démontrée. Les grains de calcaire constitutifs des sédiments sont devenus plus gros. Les fossiles trouvés proviennent d’animaux vivant à des profondeurs plus faibles que les précédents. Ce sont des gastropodes, des échinodermes et des ostracodes. La baisse de niveau a pu traduire une glaciation, puisque l’accumulation de neige sur une calotte glaciaire implique un prélèvement d’eau de mer. Pendant plus de deux millions d’années, le Système solaire interne a été encombré par les débris de cet astéroïde et les micrométéorites ont pu obscurcir l’atmosphère, provoquant un refroidissement du climat mondial et une glaciation. Il est également possible que les poussières tombées dans les océans aient apporté des nutriments au phytoplancton, entraînant une hausse de la photosynthèse et une consommation accrue de dioxyde de carbone, d’où une baisse de l’effet de serre radiatif. Le lien avec la Grande diversification ordovicienne est présenté dans un article de 2016 : des gradients de température et de concentration en oxygène plus forts dans les océans, à la fois en latitude et en profondeur, ont pu engendrer des upwellings, des remontées de d’eaux riches en nutriments.
Cette conclusion demeurera sans doute controversée malgré les nouveaux éléments apportés. On se demande en effet pourquoi que la glaciation du Darriwilien aurait provoqué une diversification des espèces alors que celle de l’Hirnantien est la cause d’une extinction de masse. Cependant, la pluie de météorites est un fait bien établi et d’un grand intérêt.
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Birger Schimtz et al., An extraterrestrial trigger for the mid-Ordovician ice age: Dust from the breakup of the L-chondrite parent body, Sciences Advances, 18 September 2019
https://advances.sciencemag.org/content/5/9/eaax4184
Photographie de Birger Schmitz. Représentation de la collision d’astéroïdes par Don Davis.
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