L’éruption du Pinatubo aux Philippines, en juin 1991, a été la plus importante du XXe siècle après celle du Novarupta (auparavant appelé Katmaï) en Alaska en 1912. Sa phase paroxysmale s’est produite le 15 juin et a duré neuf heures. Une colonne plinienne (de gaz, de cendres et de ponces) s’est élevée jusqu’à 34 km d’altitude et s’est étalée dans la stratosphère pour atteindre 400 km de rayon. Il s’est produit d’énormes coulées pyroclastiques à la base du volcan. Le volume de matériaux émis est estimé à 10 km³. Cela correspond à 4 à 5 km³ de magma éjecté. Le réservoir, qui était située entre 7 et 8 km, a pu contenir jusqu’à 90 km³ de magma. L’émission des produits pyroclastiques a provoqué l’effondrement de son toit et la création d’une dépression de 2,5 km de diamètre appelée une caldeira.
Il y a deux questions à se poser. Premièrement, pourquoi ce volcan s’est-il réveillé après cinq cents ans de sommeil ? Avant cette éruption, il était recouvert de forêts. Un séisme de magnitude 7,8 s’est produit le 16 juillet 1990 à Baguio. Son épicentre était situé à l’intersection de deux grandes failles appelées Philippine et Sacobia. Le Pinatubo est situé à 100 km de l’autre côté de la faille Sacobia. Le séisme a pu favoriser la circulation de magma dans des fissures profondes, mais il a aussi pu perturber une chambre magmatique déjà remplie. Les volcanologues ne s’accordent pas sur ce qui s’est produit, mais on constate que les séismes sont parfois suivis d’éruptions volcaniques. Par exemple, le séisme du 17 août 1906 dans les Andes chiliennes a été suivi de huit éruptions au cours de l’année suivante, jusqu’à une distance de 1 020 km de l’épicentre. Le volcan Cordon Caulle au Chili est entré en éruption trente-huit heures après le séisme de Valdivia, le 22 mai 1960. C’était un séisme majeur de magnitude 9,5 et son épicentre se situait à 240 km du volcan. On lui a attribué sept autres éruptions l’année suivante, à des distances allant de 50 à 730 km. En Indonésie, le séisme du 27 mai 2006 paraît avoir augmenté l’activité du Merapi, à 70 km de l’épicentre. Les exemples sont nombreux. Le délai peut aller de quelques jours à plus d’un an, si bien que les mécanismes en jeu ne sont probablement pas les mêmes.
On pense aux trapps du Deccan, en Inde. Ce sont de gigantesques coulées de magma basaltique qui se sont produites il y a 66 millions d’années, à la limite entre le Crétacé et le Paléogène. Durant ces éruptions, une météorite est tombée dans le golfe du Mexique et cet événement a dû avoir des répercussions sur toute la surface de la Terre, notamment sur son climat. La simultanéité de ces évènements est assez troublante. Il est possible que l’impact de la météorite ait aggravé les éruptions du Deccan. D’après la chronologie établie jusqu’à présent, elle ne semble pas en être la cause.
Deuxièmement, qu’est-ce qui a déclenché l’éruption ? L’examen des matériaux émis permet d’avoir une idée de ce qui s’est produit dans la chambre magmatique, puisqu’ils viennent de là. Ce sont des fragments de magmas refroidis. On sait qu’ils étaient dacitiques, c’est-à-dire riches en silice, et contenaient beaucoup de cristaux, de 40 à 50 %. Il était à relativement faible température, avec environ 780 °C. Dans ces conditions, il était très visqueux et les éruptions ne pouvaient pas se produire, mais un magma basaltique, beaucoup plus chaud et fluide, a été injecté dans la chambre. Le mélange a donné un magma de composition intermédiaire, andésitique, qui est sorti avant la phase paroxysmale. La présence du magma basaltique a chauffé le magma dacitique, faisant fondre une partie des cristaux, ce qui a diminué sa viscosité et permis sa montée. L’examen de laves anciennes a montré que le même phénomène s’était déjà produit lors des éruptions antérieures, le volcan ayant fonctionné depuis 35 000 ans. Certaines de ces éruptions ont été plus violentes que celle de juin 1991, comme l’indique la présence d’ignimbrites.
L’éruption a commencé par la croissance d’un dôme d’andésite, du 7 au 12 juin, dans la vallée de la rivière Maraunot. Il s’agissait bien d’une émission de lave, mais elle ne pouvait pas couler à cause de sa viscosité. Une première explosion a alors eu lieu et a projeté des cendres jusqu’à 19 km d’altitude. Une série de treize explosions, appelées des blasts, s’est ensuite produite, les 14 et 15 juin. Elles sont devenues latérales et la composition du magma est passée d’andésitique à dacitique. C’est également de la dacite qui a été émise lors de la phase paroxysmale, le 15 juin, sous forme de cendres et de ponces.
On observe deux types de ponces de dacite : riche et pauvre en phénocristaux (cristaux visibles à l’œil nu), lesquels sont principalement du feldspath plagioclase et de la hornblende (un silicate de la famille des amphiboles), minéraux comportant du calcium. On y trouve aussi de la cummingtonite (une amphibole), de la biotite (mica noir), du quartz, de la magnétite, de l’ilménite (des oxydes de fer et de titane), de l’apatite et de l’anhydrite. Les ponces en dacite riche en phénocristaux représentent la composante primaire de l’éruption paroxysmale, à 85 %. Dans les autres ponces, les phénocristaux ont été brisés lors de l’ascension du magma dans le volcan, avant sa fragmentation.
Les andésites ont une grande variété de phénocristaux : plagioclase, hornblende, cummingtonite, biotite, augite (un clinopyroxène), olivine, oxydes de fer et de titane, quartz, apatite et anhydrite. Leur étude permet de voir qu’ils ont des origines distinctes et donc que cette andésite est hybride. Les plagioclases, les cummingtonites et les anhydrites proviennent d’un magma dacitique. Les olivines, les clinopyroxènes et la plupart des hornblendes ont été apportées par un magma basaltique, dont des inclusions ont été retrouvées dans le dôme d’andésite. Les olivines, qui sont des phénocristaux habituels des basaltes, indiquent une température d’environ 1 200 °C. L’irruption du magma basaltique dans le magma dacitique plus froid s’est produit peu de temps avant l’éruption. Le déséquilibre de ce mélange est indiqué par la cristallisation de hornblende sur de l’olivine ou de clinopyroxène sur du quartz. Le mélange a dû se produire à 8 ou 9 kilomètres de profondeur, dans une chambre de plus de 50 kilomètres cubes.
Il est possible que le magma basaltique ait été la source des 20 mégatonnes de dioxyde de soufre injectées dans la haute atmosphère. Il s’est rapidement été converti en un aérosol composé d’eau chargée en acide sulfurique. C’est lui qui a agi sur le climat planétaire. L’explosion du volcan El Chichón au Mexique, le 28 mars 1982, a en un effet comparable. Sa chambre contenait un magma trachy-andésitique riche en soufre, plutôt froid avec beaucoup de cristaux.
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