Plus on s’enfonce à l’intérieur de la Terre et plus les roches qui se trouvent au-dessus de soi exercent une pression élevée. Ce n’est pas difficile à comprendre. Quand on est à 1 000 m de profondeur, on a 1 000 m de roches qui pèsent sur soi. Cette pression est qualifiée de lithostatique, du grec lithos « pierre ». Je rappelle la définition précise de la pression : c’est la force agissant sur un corps par unité de surface. L’unité de force est le newton. L’unité de pression est le pascal, un pascal étant égal à une force d’un newton exercée sur une surface plane d’un mètre carré. Au niveau de la mer, la pression atmosphérique moyenne est de 101 325 Pa ou de 1 013,25 hPa (hectopascals), ce qui a été défini comme une atmosphère. Cette unité est presque égale à un bar, lequel vaut 100 000 Pa. On utilise aussi, de manière plus parlante, le kilogramme par centimètre carré, kg/cm². Il faudrait préciser, mais on ne le fait généralement pas, qu’il s’agit d’un kilogramme-force : un poids et non une masse. La définition est 1 kg/cm² = 98 066,5 Pa. Ainsi, une atmosphère est égale à 1,013 25 bar ou à 1,033 kg/cm².
La transformation des roches en profondeur sous l’effet de la pression et de la température
À l’intérieur de la croûte continentale, la pression lithostatique augmente d’un kilobar (kbar, 1 000 bars) tous les 3,5 à 4 km. Elle dépend évidemment de la densité des roches qui se trouvent au-dessus du point considéré. Cela fait qu’à un kilomètre de profondeur, on subit une pression comprise entre 254,7 et 291,3 kg/cm². Sous les océans, l’augmentation est d’un kbar tous les 3,3 km parce que les roches de la croûte océanique sont plus denses que celles de la croûte continentale.
La température augmente également en profondeur. La dépendance de la température à la profondeur s’appelle le gradient géothermique. Il varie sur Terre, selon que le lieu considéré est « froid » ou « chaud ». Les zones les plus « froides » sont les cratons parce que la croûte continentale y est très ancienne : elle peut avoir plus de 2,5 milliards d’années. En Europe, où la croûte est en voie de cratonisation, la température augmente de 3 °C tous les 100 mètres, soit de 30 °C par kilomètre. Le gradient géothermique est perturbé dans les montagnes comme les Alpes ou l’Himalaya, où la croûte continentale est épaissie : elle peut dépasser les 70 km de profondeur alors qu’ailleurs, sa profondeur moyenne est d’une trentaine de kilomètres. Puisqu’elle comporte une forte concentration d’éléments radioactifs qui produisent de la chaleur, celle-ci augmente rapidement avec la profondeur.
Dans de telles montagnes, qui sont des zones de collision entre plaques lithosphériques, des roches sont enfouies en profondeur et sont parfois remontées. L’érosion permet de les mettre à jour. Au cours de leur séjour en profondeur, ces roches subissent des transformations minéralogiques à l’état solide appelé du métamorphisme. Les minéraux dont ils sont constitués changent de manière à être à l’équilibre dans les conditions de pression et de température auxquelles ils sont soumis. Un assemblage de minéraux à l’équilibre dans des conditions thermodynamiques données s’appelle une paragenèse. Au cours de son trajet dans les profondeurs de la Terre, une roche acquiert par conséquent différentes paragenèses. La riche initiale est qualifiée de protolithe.
Le métamorphisme a un caractère peu intuitif puisqu’il fait intervenir des réactions chimiques entre minéraux, qui sont pourtant des corps solides. Par exemple, la métamorphose d’argiles produit du micaschiste, comprenant d’abondants micas. La muscovite (mica blanc) réagit ensuite avec le quartz pour donner du feldspath potassique, un silicate d’alumine et de l’eau. La roche obtenue est un paragneiss. La réaction, qui commence à la jonction entre la muscovite et le quartz, a lieu parce que les atomes peuvent se déplacer dans les réseaux cristallins, mais ils le font très lentement. Le temps de réaction peut se compter en millions d’années. La température augmente évidemment la vitesse de réaction. Quand elle dépasse un certain seuil, les réseaux cristallins commencent à être détruits et un liquide apparaît : la roche franchit son solidus. Au-delà, elle devient un magma, composé d’une « soupe » de liquide et de cristaux. Ce n’est plus le domaine du métamorphisme. Ce seuil, peu dépendant de la pression, se situe aux alentours de 1 000 °C.
Les conditions de pression et de température que subissent les roches sont représentées dans un diagramme P-T. Leur évolution au cours du temps est représentée par une courbe comme celle-ci. Durant l’enfouissement, la pression et la température augmentent simultanément. C’est le trajet prograde. La roche remonte ensuite, phase qui est appelée l’exhumation. Sa pression diminue par conséquent, mais dans le cas où l’exhumation est lente, sa température continue à augmenter pendant un certain temps. Le trajet est rétrograde en P et prograde en T. Dans les chaînes de montagnes de collision, comme les Alpes, ceci est dû au chauffage de la croûte continentale par les éléments radioactifs. La lenteur de l’exhumation permet à la roche d’être en équilibre avec son environnement. Tandis que la roche poursuit sa remontée, sa température finit par diminuer et son trajet devient rétrograde.
Les roches métamorphiques que l’on observe à la surface de la Terre ne sont absolument pas en état d’équilibre. Leur état est métastable. Lors du trajet rétrograde, les réactions de métamorphisme auraient dû se dérouler en sens inverse, si bien que finalement, le protolithe aurait dû réapparaître. Cela ne s’est pas fait pour deux raisons. La première est que, puisque la roche refroidit, les réactions deviennent de plus en plus lentes. La deuxième est que les réactions progrades entraînent souvent une déshydratation, comme celle de la muscovite avec le quartz. De l’eau est produite et quitte la roche. Pour que le feldspath potassique et le silicate d’alumine redeviennent de la muscovite et du quartz, un apport d’eau est nécessaire. S’il n’y en a pas, cette réaction rétrograde est compromise. C’est ainsi que des roches métamorphiques formées à hautes pressions et températures subsistent depuis des milliards d’années à la surface de la Terre.
La roche atteint le pic du métamorphisme quand la température est maximale. Elle acquiert une certaine paragenèse dans laquelle les minéraux antérieurs ont normalement disparu. Le trajet prograde n’est pas conservé. Durant le trajet rétrograde, une rétromorphose se produit : le degré de métamorphisme de la roche diminue. Cependant, la paragenèse obtenue lors du pic n’est pas totalement détruite. Les géologues reconnaissent les minéraux de différentes paragenèses qui leur permettent reconstituer une partie du trajet P-T.
Le cas de l’éclogite
L’éclogite en fournit un bel exemple. L’échantillon de la photo provient de Norvège. Les cristaux rouges sont des grenats pyropes. Les minéraux verts sont des omphacites ; ils appartiennent la famille des pyroxènes. Tous sont des silicates, c’est-à-dire qu’ils sont constitués d’oxydes de silicium, comme la plupart des roches de la Terre, et contrairement au calcaire, qui est un carbonate. L’éclogite peut également contenir du quartz, un mica blanc appelé phengite, apparenté à la muscovite, ainsi que du disthène (ou kyanite).
Le disthène est un silicate d’alumine de formule Al₂SiO₃. Il existe deux autres silicates d’alumine de même formule : l’andalousite et la sillimanite. Ils ne différent que par leur structure cristalline, qui est fonction de la température et de la pression. Ce sont des polymorphes. Le diagramme ci-dessous, où ils sont respectivement notés Ky, And et Sill, indique leurs domaines de stabilité. Le disthène, quand il est présent, est métastable, puisque c’est un minéral de haute pression, mais on peut en dire autant de l’omphacite et du grenat. Parfois, les cristaux de grenat sont entourés d’une auréole sombre de hornblende (une amphibole) et de plagioclase (un feldspath), due à la réaction entre l’omphacite, le grenat et le quartz. Elle a lieu durant le trajet rétrograde et nécessite de l’eau.
Les éclogites proviennent de la subduction. Une plaque océanique s’enfonce sous une autre plaque, continentale ou océanique, à la vitesse de quelques centimètres par an. Sa croûte est soumise à des températures et surtout des pressions croissantes. Elle est d’abord métamorphisée en schiste bleu, puis en éclogite. La densité de cette roche est de 3,4 à 3,5. Elle est supérieure à celle de toutes les roches environnantes, si bien qu’elle s’enfonce sous son propre poids. Cela devient le moteur de la subduction. Mais il peut arriver qu’un événement tectonique fasse remonter cette croûte métamorphisée, si bien que les éclogites, enfouies à une profondeur minimale de 30 km, sont poussées vers la surface. On ne les trouve que dans les complexes ophiolitiques, c’est-à-dire aux endroits où une plaque océanique a été poussée sur un continent. Il y en a au mont Viso dans les Alpes italiennes, dans le massif des Hohe Tauern en Autriche, dans la Forêt Noire en Allemagne, en Norvège et en Californie.
Les séquences métamorphiques
Le deux roches métamorphiques citées jusqu’ici, les paragneiss et les éclogites, sont différentes tout d’abord parce qu’elles n’ont pas le même protolithe. Les premières appartiennent à la séquence pélitique. Elle comprend des roches métamorphiques provenant de sédiments riches en argiles, comportant d’abondants micas ainsi que des minéraux alumineux. Les paragneiss apparaissent à une température d’environ 600 °C quand la pression est d’une atmosphère. Elle dépasse les 800 °C à partir de 8 kbar. Ce sont donc par conséquent des indicateurs de températures élevées.
L’éclogite appartient à la séquence basique. Elle est appelée ainsi parce qu’elle provient de roches de composition basaltique, relativement pauvres en silice (entre 45 et 52 %), qui sont dites basiques. Il s’agit des basaltes, des dolérites et des gabbros, qui sont toutes des roches magmatiques, courantes sur les continents et plus encore dans les océans. Les basaltes et les gabbros sont les constituants de la croûte océanique ; les dolérites sont des roches filoniennes. Leur métamorphisme donne, selon les conditions P-T, plusieurs roches, dont les principales sont les schistes verts, les schistes bleus, les amphibolites, les éclogites et les granulites. Elles comportent une grande variété de minéraux qui contribuent à la beauté de ces roches.
Les marbres, réputés pour leurs qualités décoratives, sont des calcaires métamorphisés. Ils font partie de la séquence carbonatée. À la différence des roches des deux premières séquences, ils sont stables dans un vaste domaine de température et de pression, si bien qu’ils fournissent peu de renseignements sur les conditions de leur métamorphisme. De plus, la calcite est le minéral de base du calcaire et c’est aussi celui du marbre. Il peut en constituer jusqu’à 99 %. Cependant, dans le marbre, le métamorphisme a fait grandir certains cristaux jusqu’à ce qu’ils aient tous à peu près la même taille. Ils comportent aussi des silicates comme le diopside (un pyroxène), l’olivine (parfois altérée en serpentine), ainsi que du grenat et beaucoup d’autres minéraux provenant d’impuretés du calcaire initial.
La séquence granitique provient des granites. Elle comprend essentiellement les orthogneiss, qui ont la même composition que leurs protolithes : du quartz, des feldspaths et des micas. Cependant, les gneiss présentent une foliation. Les paragneiss et les orthogneiss sont parfois difficiles à distinguer, mais les seconds peuvent être œillés : ils ont de grands cristaux de feldspath potassique blanc.
On peut composer le nom d’une roche métamorphique en ajoutant le préfixe méta- au nom de son protolithe : on parle ainsi de métagabbro et de métagranite, ainsi que de métapélite et de métabasite. Le procédé est très utilisé, bien qu’il ne renseigne pas sur la composition minéralogique de ces roches. Si l’on s’intéresse seulement aux conditions du métamorphisme, on utilise la notion de faciès métamorphique. Dire par exemple qu’une roche se trouve dans le faciès des schistes bleus, c’est-à-dire qu’elle a été soumise aux mêmes pression et température qu’un schiste bleu, quelle que soit la séquence à laquelle elle appartient. Ce sont les métabasites qui ont servi à définir ces faciès.
Schistosité et foliation
Les roches métamorphiques présentent souvent une structure feuilletée, qui ressemble à une stratification mais n’en est pas une. Si le protolithe est une roche sédimentaire, les véritables strates sont progressivement effacées au cours du métamorphisme. Pour expliquer ceci, il faut revenir à la notion de pression lithostatique. Elle est isotrope, c’est-à-dire qu’elle s’exerce avec la même intensité dans toutes les directions. Un corps sphérique est comprimé mais il reste sphérique. Dans les chaînes de collision, les roches subissent une compression latérale, ou parfois un étirement, si bien qu’une sphère est transformée en un ellipsoïde. Au lieu de pression, on parle de contrainte, mais elle également exprimée en pascals. C’est une force par unité de surface. L’étude du métamorphisme rejoint ainsi la tectonique, qui est la discipline étudiant la déformation des roches.
Les schistes ont la capacité de se débiter en feuillets. Leur nom vient du grec skhistos « qu’on peut fendre ». Cette propriété apparaît nettement avec les ardoises, que les géologues appellent plutôt les schistes phylliteux ou les phyllades. Elles comprennent une variété de muscovite, la séricite. Ces minéraux, ayant eux-mêmes une structure feuilletée, sont couchés le long de plans parallèles, c’est pourquoi la roche se débite selon ces plans. Cette structure résulte d’un aplatissement tectonique.
Ces déformations se produisent toujours à plus de 15 km de profondeur, là où les roches deviennent ductiles. À une profondeur plus faible, elles réagissent aux contraintes en se cassant, à moins que les déformations restent très faibles.
Avec la foliation, de nouveaux minéraux apparaissent en se répartissant dans des niveaux distincts visible à l’œil nu. Les gneiss sont des exemples types : des lits clairs de quartz et de feldspaths alternent avec des lits sombres de biotite (mica noir). Toutefois, il n’y a pas de distinction nette entre les notions de schistosité et des foliation.
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