L’intérieur de la Terre est connu grâce aux ondes sismiques qui la traversent. Un séisme suffisamment puissant engendre des ondes qui se propagent dans toutes les directions et sont ressenties sur toute la surface du Globe, sauf sur un lieu que l’on appelle une zone d’ombre. Leur étude a mis en évidence des discontinuités, c’est-à-dire des surfaces à l’intérieur de la Terre où elles changent de direction et de vitesse. La première découverte a été faite en Europe centrale par Andrija Mohorovicic en 1909. Il s’agit de la limite entre la croûte et le manteau. On l’appelle la discontinuité de Mohorovicic, ou simplement le Moho. Sous les continents, elle se trouve entre 30 et 40 km de profondeur. Elle peut atteindre 75 km de profondeur sous les chaînes de montagnes ; elle est épaisse de 20 à 30 km là où la croûte est amincie. Quant à la croûte océanique, son épaisseur va de 6 à 8 km.
Le manteau terrestre
Sous la croûte, commence le manteau. Il descend jusqu’à 2 900 km de profondeur. Dessous, se trouve le noyau de la Terre, qui a donc 3471 km de rayon. La discontinuité entre le manteau et le noyau a été découverte par Richard Oldham en 1906 et confirmée par Beno Gutenberg en 1913. Depuis, on l’appelle la discontinuité de Gutenberg. Du manteau au noyau, la densité augmente brutalement, de plus de 75 %. La partie supérieure du noyau, ou noyau externe, est liquide. Sa nature liquide a également été démontrée par Harold Jeffreys en 1926 à partir de l’observation de marées solides de la Terre. Les forces de marées exercées par la Lune sur la Terre ont un effet bien connu sur les océans, mais aussi sur la Terre, dont le sol se soulève et s’abaisse avec une ampleur maximale de 56 cm. Évidemment, l’intérieur de la Terre étant liquide, elle se déforme plus que si elle était totalement solide. Mais en 1936, la géophysicienne danoise Inge Lehmann a découvert que le noyau est solide en son centre. Cette boule solide, appelé le noyau interne ou la graine, a environ 1 220 km de rayon.
À la base du manteau, se trouve une couche de 200 km où la vitesse des ondes sismiques varie peu. Elle a été découverte par Keith Bullen en 1949 et est appelée la couche D’’. On y observe d’importantes hétérogénéités latérales. Depuis, les observations n’ont pas cessé. En 1981, Adam Dziewonski et Don Anderson ont établi un modèle de structure interne de la Terre appelé le PREM, acronyme de l’anglais Preliminary Reference Earth Model. Ils ont utilisé 26 000 enregistrements de séismes effectués par plus de 30 stations durant 15 ans. Des discontinuités ont été localisées à l’intérieur du manteau. L’une d’elles est située à 660 km de profondeur et marque la limite entre manteau supérieur et manteau inférieur. Le manteau supérieur est à son tour divisé en trois parties, la première descendant jusqu’à une profondeur très variable, de 60 à 100 km sous les océans, pouvant dépasser les 300 km sous les continents. La croûte et cette partie du manteau supérieur constituent la lithosphère, constituée de roches rigides découpées en plaques. La partie du manteau allant de la lithosphère à 400 km de profondeur s’appelle l’asthénosphère. Les roches y sont ductiles et animées de lents mouvements de convection qui font bouger les plaques lithosphériques. C’est l’explication de la tectonique des plaques. Enfin, la zone de transition s’étend de l’asthénosphère jusqu’à la base du manteau supérieur, soit 660 km.
Ceci étant, quelle est la composition chimique et minéralogique de la Terre ? Les discontinuités observées par les sismologues reflètent-elles des changements de composition avec la profondeur ? La réponse est partiellement positive. Les siècles d’observations effectuées par les géologues leur ont appris que la croûte continentale comporte une grande variété de roches mais qu’elle est surtout granitique. On y trouve aussi des granodiorites et des diorites. Quant à la croûte océanique, plus simple, elle est constituée d’une couche de sédiments surmontant une couche de basalte qui repose elle-même sur une couche de gabbro. La composition chimique du gabbro est la même que celle du basalte mais cette roche est constituée de cristaux visibles à l’œil nu (comme le granite, qualifiée de grenue), ce qui n’est pas le cas du basalte. La diorite est difficile à distinguer du gabbro, lequel figure également dans la croûte continentale.
La limite entre la croûte et le manteau, le Moho, correspond à un changement de composition. Les géologues ont acquis la certitude que le manteau est constitué, dans sa partie supérieure, de péridotites. C’est une roche grenue composée surtout de cristaux d’olivine et de pyroxènes. L’olivine (Mg,Fe)₂SiO₄ est un silicate de magnésium et de fer, avec environ 89 % de magnésium et 11 % de fer, qui donne sa couleur verte à la roche et est utilisé en joaillerie sous le nom de péridot. Les volcans amènent à la surface des nodules de péridotites. La tectonique des plaques en amène également, comme à Lanzo en Italie et à Béni Boussera au Maroc. Près de l’étang de Lers (autrefois Lherz), dans les Pyrénées, on trouve une péridotite appelée la lherzolite. Dans certaines zones océaniques, aux endroits où la croûte est fracturée, il y a des affleurements de péridotites. Tout le problème est de savoir dans quelle mesure ces échantillons sont représentatifs du manteau. On pense que c’est la lherzolite qui le représente le mieux. D’autres péridotites, comme la harzburgite, ont subi des fusions partielles et ont été appauvries. La lherzolite possède deux types de pyroxènes : les orthopyroxènes et les clinopyroxènes. La harzburgite n’en a qu’un seul, le premier.
La limite entre la lithosphère et l’asthénosphère ne correspond pas à un changement de composition. Ce sont les péridotites, chauffées à 1 300 °C, qui deviennent ductiles à cause de cette élévation de température. Cette limite est un lieu privilégié de formation des magmas : les péridotites fondent et montent vers la surface, pour alimenter le volcanisme. Les expériences de laboratoire ont montré qu’à la pression régnant à 410 km de profondeur et à 1 400 °C, la structure cristalline de l’olivine se modifie. Elle devient un nouveau minéral appelé la wadsleyite. Cela correspond à une discontinuité observée par les sismologues, le début de la zone de transition. Une nouvelle transformation a lieu à la pression régnant à 520 km de profondeur : la wadsleyite devient de la ringwoodite. Cette transition de phase minéralogique ne provoque pas de discontinuité. En 2014, une inclusion de ringwoodite a été trouvée dans un diamant. Les diamants se forment généralement entre 150 et 200 km de profondeur, mais ils peuvent venir de plus loin, comme le prouve cette découverte.
Enfin, à la pression régnant à 660 km de profondeur et à la température de 1 600 °C, une réaction chimique se produit. L’olivine se dissocie en deux minéraux, la bridgmanite (Mg,Fe)SiO₃ et le ferropériclase (Mg,Fe)O. Cette réaction permet d’expliquer la discontinuité entre manteau supérieur et manteau inférieur. Le nom de bridgmanite a été attribué au premier minéral en 2014, après son observation à l’état naturel dans la météorite de Tenham (où de la wadsleyite et de la ringwoodite avaient déjà été trouvées). Auparavant, comme sa structure cristalline est semblable à celle d’un autre minéral appelé la pérovskite, de formule CaTiO₃, on l’appelait également la « pérovskite » en mettant des guillemets, ou parfois en les oubliant. Néanmoins, la vraie pérovskite est cubique alors que la bridgmanite est orthorhombique. Quoi qu’il en soit, les roches du manteau inférieur ne devraient pas être qualifiées de péridotites puisqu’elles ne contiennent ni olivine, ni pyroxènes.
Ainsi, l’hypothèse que le manteau est formé d’olivine et de pyroxènes, des minéraux qui se transforment en profondeur à cause de la pression et de la température, permet d’expliquer les observations des sismologues. Dans le manteau inférieur, épais de 2 240 km, les transformations chimiques et minéralogiques sont progressives. Cela correspond à l’absence de discontinuité observée. À ce stade, il faut commencer à parler des météorites, qui sont des fragments de corps brisés par des collisions. Certaines, les chondrites carbonées, ont une composition chimique très proche du Soleil. Cela suggère que ces chondrites et le Soleil se sont formés à partir d’un nuage de gaz et de poussières (une nébuleuse) assez homogène. On appelle ces météorites ainsi parce qu’elles comportent des billes de silicates, les chondres, atteignant au plus un millimètre de diamètre. Il s’avère que ces billes sont constituées d’olivine et de pyroxènes, qui sont donc des minéraux fréquents dans le Système solaire. C’est une bonne raison de penser que le manteau terrestre est entièrement formé de ces mêmes minéraux, avec des transformations en profondeur à cause des conditions qui y règnent. Des analyses poussées rapprochent la Terre des chondrites à enstatite plutôt que des chondrites carbonées. Elles sont riches en enstatite MgSiO3, qui est un orthopyroxène.
Le noyau terrestre
Ceci dit, les chondrites à enstatite contiennent dans les 30 % de fer en poids. Le manteau de la Terre n’en contient pas autant : sa proportion est estimée à 5,8 %. Si la Terre a bien été formée d’un assemblage de corps de même composition que les chondrites, où est passé le fer qu’ils contenaient ? La réponse est purement déductive. Dans les premiers millions d’années d’existence de la Terre, le fer est tombé au centre, où il a constitué le noyau. On ne pourra jamais le prouver directement. Personne ne descendra à 2 900 km de profondeur, et même si l’on pense que des mouvements ascendants se produisent dans le manteau, à partir de la couche D’’, ils ne transportent pas d’échantillons du noyau. Ces mouvements sont appelés des panaches et sont à l’origine du volcanisme de type hawaïen. Pourtant, cette déduction est certaine. Le champ magnétique de la Terre ne peut être créé que par des courants de fer liquide dans le noyau externe, dont la viscosité doit être intermédiaire entre celle de l’eau et celle de l’huile d’olive.
La densité moyenne de la Terre, qui est de 5,51, et celle du manteau, qui va de 3,3 à 4,5, implique que celle du noyau est très élevée. Elle est estimée à 10,7 en moyenne. Il doit y avoir 80 % de fer, 5 % de nickel et 15 % d’éléments plus légers dont la nature n’est pas connue. Cela peut être du silicium, du magnésium, du soufre, de l’oxygène, du carbone ou même de l’hydrogène. Au début, le noyau était entièrement liquide. La formation de la graine provient de son refroidissement. La cristallisation de l’alliage fer-nickel libère de l’énergie et injecte des éléments légers dans le noyau externe, ce qui stimule les courants de fer liquide. Ce phénomène contribue donc au fonctionnement de la dynamo terrestre. Au centre de la Terre, la température est estimée à environ 5 000 °C.
Certaines météorites sont purement métalliques. Ce sont des fragments de noyaux d’astres assez grands pour avoir connu une différenciation : le fer est tombé au centre en s’entourant d’un manteau silicaté. Comme dans le centre de la Terre, elles contiennent plus de fer que de nickel, la proportion de nickel ne montant que jusqu’à 12 %. Les chondrites sont des fragments de corps plus petits, qui n’ont pas connu de différenciation. Ils sont donc restés homogènes.
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