Histoire de la Terre et de la vie - Actualités géologiques

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Les plantes terrestres ont résisté à la crise Permo-Trias

Fossile de Neuropteris (fougère à graines) du Carbonifère, Ohio. Domaine public.

Un spécialiste des pollens travaillant en Italie, Hendrik Nowak, et deux consœurs, Elke Schneebeli-Hermann et Evelyn Kustatscher, ont publié dans la revue Nature Communications un article annonçant une petite révolution dans notre vision de l’histoire de la Terre. Il est consacré à la crise Permo-Trias. Survenue il y a 251,9 millions d’années, elle a été la plus grave de toutes les extinctions depuis le développement de la vie au début du Paléozoïque. Elle marque la fin de cette ère et le commencement du Mésozoïque, l’âge d’or des dinosaures. La catastrophe a été brève à l’échelle des temps géologiques, car elle a duré tout au plus 200 000 ans, et 79 % des genres d’invertébrés marins ont disparu – le genre regroupant des espèces aux caractères similaires. Même les insectes ont été affectés, ce qui rend cet événement unique : sur les 27 ordres d’insectes connus au Permien, huit se sont éteints et quatre ont été décimés mais ont pu se reconstituer durant le Trias.

Au sujet des plantes, les données palynologiques (sur les spores et les pollens) indiquent une décimation des gymnospermes, les plantes à graines nues représentées aujourd’hui par les conifères, et leur remplacement surtout dans l’hémisphère Nord par des lycopsides, qui sont aujourd’hui de petites plantes frêles évoquant des mousses. Durant le Paléozoïque, elles pouvaient être beaucoup plus grandes. Le genre Pleuromeia était fortement représenté. Leurs tiges dépourvues de feuilles ont atteint deux à trois mètres. La place dominante des spores de lycopsides et de fougères indique une stratégie de survie.

Dans l’hémisphère Sud, où se trouvait alors le Gondwana, la flore du Permien était essentiellement composée de Glossopteris, des fougères à graines (voir ci-dessous) pouvant être arborescentes. Après la crise, elle a été remplacée par la flore à Dicroidium, qui était du même type. Cependant, on observe surtout une pénurie de plantes fossilisées et l’absence de charbon. Une forte croissance de microfossiles à paroi organique est constatée. Ils ont été interprétés comme des fossiles de champignons ayant participé à la décomposition des plantes. Autrement dit, les continents auraient porté une masse importante de végétaux en putréfaction.

Cette interprétation est fermement contestée par les auteurs de l’étude. Les extinctions ne sont qu’apparentes et reflètent un manque de données du Trias inférieur. Même si l’on se base sur ces données, les chiffres obtenus sont loin de traduire une extinction de masse : dans le registre fossile,19 % des genres du Changxingien ont disparu. Il s’agit du tout dernier étage du Permien, observé en Chine et daté de 254,1 à 251,9 Ma. Les spores et les pollens sont traités à part. On peut en faire une classification sans forcément pouvoir les rattacher à des plantes connues. La diminution des genres y est de 17 %.

Ce graphique présente la diversité des plantes, en nombre de genres, par étages géologiques. Les plantes sont classées de la moins évoluée à la plus évoluée. Les bryophytes, c’est-à-dire les mousses, se trouvent en tout en haut (le suffixe phyt– signifie « plante »). Viennent ensuite les lycophytes, représentées aujourd’hui par les lycopodes et des sélaginelles, puis les sphénophytes, représentées par les prêles. Les ptéridophytes comprennent les fougères. Normalement, ce terme désigne toutes les plantes vasculaires à spores. Actuellement, elles sont de petite taille, mais ce n’était pas le cas durant le Paléozoïque. Les ptéridospermatophytes sont des fougères à graines, apparues dès la fin du Dévonien et disparues durant le Crétacé. Des ginkgophytes, il ne reste plus maintenant que le Ginkgo biloba, qui fait office de « fossile vivant ». Les cycadophytes sont représentées par les cycas, à port de palmier. Une baisse de diversité est bien observée durant le premier étage du Trias, l’Induen (de 251,9 à 251,2 Ma), mais elle ne concerne que les ptéridophytes, les ptéridospermatophytes et cycadophytes, et il y a plusieurs raisons de penser qu’il s’agit d’un artefact. La plus évidente est la brièveté de cette période : seulement 700 000 ans. Une autre est que les spores et pollens n’ont pas connu de baisse de diversité.

La fossilisation des espèces animales et végétale est toujours incomplète. Le climat que l’on estime extrêmement chaud de la fin du Permien et du début du Trias a pu modifier la distribution des habitats des plantes et leurs conditions de fossilisation. L’interprétation des microfossiles à paroi organique est sujet à controverse. Ils peuvent provenir de champignons ayant infecté les plantes de leur vivant ou même d’algues. Les auteurs n’excluent cependant pas que certains végétaux aient pu souffrir de cette crise malgré une résistance supérieure à celle des animaux. Aujourd’hui, une extinction d’insectes affecterait les angiospermes, c’est-à-dire les plantes à fleurs, puisqu’elles dépendent d’eux pour leur pollinisation. Elles ne sont apparues qu’au Mésozoïque. À la fin du Permien, cette extinction a pu affecter les ptéridospermatophytes mais pas les autres groupes de plantes.

Fossile de Dicroidium (fougère à graines) du Trias, Afrique du Sud. @ Retallack / Wikimedia Commons.

Quel genre de catastrophe naturelle peut être fatale aux animaux mais pas aux plantes ? D’après une synthèse effectuée en 2012 par Jonathan Payne et Matthieu Clapham, dans les mers, les victimes ont principalement été des animaux vulnérables aux changements du taux de dioxyde de carbone, de la température, du pH et de la concentration en oxygène. Ils n’ont pu résister à l’anoxie qui a gagné les eaux et qui s’est aggravée par un euxinie : l’arrivée de sulfure d’hydrogène. Ces phénomènes ne concernent pas les continents. De plus en plus de scientifiques s’accordent à désigner les trapps de Sibérie comme le premier coupable. Ces éruptions volcaniques ont émis plus de 5 millions de kilomètres cubes de basalte et peut-être 30 000 gigatonnes de carbone dans l’atmosphère sous forme de CO₂, cinq fois plus que tout ce que l’humanité a déjà émis et pourrait émettre à l’avenir. La dissolution de CO₂ dans l’eau de mer s’est accru, entraînant une baisse du pH et une saturation en carbonate. En 2017, trois chercheurs ont attribué l’émission de gaz à effet de serre (CO₂ et CH₄) non pas aux coulées de lave mais aux intrusions de magma en profondeur, dans les sédiments du bassin de la Toungounska. Ils comportent des évaporites (gypse et sel) et des carbonates. Les émissions auraient commencé il y a très exactement 251,9 Ma.

L’anoxie et l’euxinie des mers ont peut-être été provoquées par l’érosion des trapps (les empilements de couches de basalte). Elle a libéré des nutriments, en particulier du phosphore, indispensable aux organismes marins. Ce phénomène, dit d’eutrophisation, est le même que celui de la crise de la fin du Dévonien. L’érosion s’est bien entendu prolongée au cours du Trias, gênant le rétablissement de la vie dans les mers.

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Henrik Nowak et al., No mass extinction for land plants at the Permian–Triassic transition, Nature Communications 10, 384, 23 January 2019.

https://www.nature.com/articles/s41467-018-07945-w

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