Histoire de la Terre et de la vie - Actualités géologiques

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La Terre hadéenne n’était pas analogue à l’Islande

Éruption du volcan Fimmvörðuháls photographiée le 26 mars 2010. @ Olikristinn /
Wikimedia Commons / CC BY-SA 3.0.

L’Hadéen est le premier éon de l’histoire de la Terre. Il commence il y a 4,568 Ga (milliards d’années) et se termine avec la formation des plus anciennes roches terrestres connues, qui se trouvent au Canada : les gneiss d’Acasta. Ceux-ci sont âgés de 4,031 Ga. En 1972, quand cet éon a été défini, on pensait que la Terre était recouverte d’un océan de magma, raison pour laquelle il a reçu le nom d’Hadès, le dieu des enfers de la mythologie grecque. À la fin du siècle précédent, on a découvert des cristaux de zircon datés de l’Hadéen, surtout dans des roches australiennes. Leurs âges vont de 4 à 4,4 Ga.

Les zircons, seuls vestiges de l’Hadéen

Il faut faire la différence entre un minéral et une roche ! Les roches comme les granites sont constitués de plusieurs minéraux, principalement du quartz, des feldspaths et des micas. Des minéraux qualifiés d’accessoires, peuvent être présents en petite quantité, comme le zircon, qui est un silicate de zirconium. On rencontre aussi des amphiboles, de l’apatite, de la magnétite, etc. De fait, on a des raisons de penser que les roches dans lesquels ces zircons sont nés étaient du type granitique. Par la suite, elles ont été érodées, les cristaux de zircon ont été libérés dans des cours d’eau, des lacs ou des mers. Ils ont ensuite été incorporés dans des roches sédimentaires. La plupart ont eu une histoire plus complexe : la roche où ils se trouvaient a été fondue, si bien qu’ils se sont retrouvés dans un magma. Celui-ci s’est ensuite solidifié pour devenir une nouvelle roche. Les zircons en ont profité pour croître. Comme ce minéral est le plus résistant qui soit, il a survécu à ces bouleversements de la croûte terrestre, qui se sont étalés sur des centaines de millions d’années.

Fontaine de lave du Holuhraun photographiée le 7 septembre 2014. Ce paysage basaltique donne une idée de ce qu’étaient les terres émergées hadéennes, malgré les différences constatées dans la composition des roches. @ Robert Askew / Wikimedia Commons.

La découverte de ces zircons a révolutionné notre conception de l’Hadéen. Leur présence prouve qu’il existait une croûte solide sur la Terre il y a 4,4 Ga, avec une quantité importante d’eau liquide. Peut-être y avait-il déjà des océans. Il est difficile d’en savoir plus. Évidemment, on ne tire pas autant de renseignements d’un minéral que d’une roche, surtout de cristaux qui n’atteignent jamais un demi-millimètre de long. Dans le zircon, il y a du silicium, de l’oxygène et du zirconium, mais d’autres éléments se sont insérés en quantités infimes. Le taux de titane nous renseigne par exemple sur la température du magma dans lequel ils ont cristallisé. Elle s’avère particulièrement basse : environ 700 °C. Le plomb provient en totalité d’uranium, qui a été « ingéré » par le zircon lors de sa cristallisation puis s’est désintégré par radioactivité. Ce processus qui nous renseigne sur l’âge des cristaux. Il existe aussi de microscopiques inclusions d’autres minéraux. Ils ont permis aux scientifiques d’affirmer que les zircons sont nés au sein de roches granitiques.

Ce sont les isotopes de l’oxygène qui ont prouvé la présence d’eau. Des roches de surface ont été altérées par de l’eau, puis ont été partiellement fondues. Les zircons ont cristallisé au sein du magma ainsi produit, qui était forcément riche en eau. Sans cela, il n’aurait jamais pu exister à une température aussi basse de 700 °C. La solidification complète du magma a donné une roche granitique où les zircons figuraient parmi les minéraux accessoires.

Comparaison entre zircons hadéens et zircons islandais

Que dire encore ? Il ne faut pas se limiter à l’examen des zircons hadéens. Il faut également analyser les zircons provenant de roches plus récentes, dont on connaît la nature. La doctorante Tamara Carley, qui travaillait à l’université Vanderbilt à Nashville aux USA, s’est intéressée aux zircons islandais. L’Islande, île volcanique née au milieu de l’Atlantique il y a 18 millions d’années, pourrait donner une idée de ce qu’était la Terre hadéenne. Il y avait encore peu de croûte continentale ou pas du tout. En revanche, les îles volcaniques étaient sûrement nombreuses. De même que la partie supérieure de la croûte océanique, elles devaient être constituées de basaltes. Ces roches proviennent de la fusion partielle des péridotites du manteau et ne contiennent pas de zircon à cause de leur faible taux de silice. Les zircons ne se trouvent normalement que dans la croûte continentale, qui est plus riche en silice. Les granites comportent plus de 62 % de silice, le quartz étant de la silice cristallisée. Pourtant, en Islande, il existe 5 à 10 % de roches siliceuses porteuses de zircons. Leur origine est assez énigmatique. Tel était le sujet de recherches de Tamara Carley.

Le résultat est contre-intuitif. De même que les zircons hadéens, les zircons islandais témoignent de l’altération de roches par de l’eau, mais la ressemblance s’arrête là. Presque tous les zircons islandais ont un déficit en oxygène 18 (un isotope lourd et rare de l’oxygène), par rapport au manteau terrestre. Seuls 15 % des zircons hadéens présentent cette caractéristique. Ils ont plutôt un excès d’oxygène 18. Cela implique que les roches islandaises ont été altérées par une eau à haute température avant d’être fondues et de fournir un magma où ces zircons ont cristallisé.

En revanche, les zircons hadéens témoignent majoritairement de l’altération par une eau à température beaucoup plus basse. Ceux-ci comprennent moins de titane que les zircons islandais (5 ppm contre 12 ppm). Leur température de cristallisation était donc inférieure d’environ 50 °C. Les zircons islandais sont nés dans un magma plus chaud et moins humide que les zircons hadéens. Les deux magmas ont dû se former dans les environnements géodynamiques distincts. Les zircons hadéens évoquent plutôt les arcs océaniques, malgré leur pauvreté en titane : les endroits où une plaque océanique s’enfonce sous une autre plaque océanique, créant un chapelet d’îles volcaniques. L’Islande se trouve à la fois sur la dorsale médio-atlantique et sur un panache, c’est-à-dire une anomalie thermique provenant des profondeurs du manteau.

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Tamara L. Carley et al., Iceland is not a magmatic analog for the Hadean: Evidence from the zircon record, Earth and Planetary Science Letters 405, 85-97, 1 November 2014.

https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0012821X14005135

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