Mercure est la plus petite des huit planètes du Système solaire et c’est celle qui gravite le plus près du Soleil. Elle s’en trouve en moyenne à 57,9 millions de kilomètres, soit 0,39 fois la distance Soleil-Terre, et son rayon est de 2 440 km. On peut le comparer aux 6 371 km de la Terre et aux 1 736 km de la Lune. Avec sa surface couverte de cratères d’impact, elle fait penser à la Lune. Elle n’a été visitée jusqu’à présent que par deux sondes spatiales. La première, Mariner 10, l’a survolée trois fois en 1974 et 1975. Elle a cartographié une petite moitié de sa surface et a donné une mesure de sa masse et donc de sa densité, qui est beaucoup plus élevée que celle de la Lune. La seconde, MESSENGER (MErcury Surface, Space ENvironment, GEochemistry and Ranging), était mieux équipée. De plus, elle s’est placée en orbite autour de la planète le 18 mars 2011 et l’a observée jusqu’en avril 2015, délivrant d’inestimables informations.
La densité de Mercure est de 5,43. Elle implique la présence d’un volumineux noyau métallique, composé principalement de fer, qui doit occuper au moins 80 % du rayon de la planète. La Lune est très différente car sa densité n’est que de 3,35. Son noyau métallique doit donc être très réduit. Cette caractéristique étonnante de Mercure a des conséquences pour son histoire géologique : après la formation de la planète, à cause de son refroidissement, son noyau a dû rétrécir. Entièrement liquide au début, il est maintenant partiellement solide. Le fer liquide qui subsiste crée un champ magnétique observé par Mariner 10 puis par MESSENGER. En conséquence, la planète s’est contractée. On estime que sa surface s’est abaissée de 7 kilomètres. La contraction a eu des conséquence pour Mercure.
Le volcanisme effusif
Les plaines lisses recouvrent environ 27 % de cette planète, notamment au nord. Les vastes plaines qui s’y étendent ont d’abord été appelées le Plaines Volcaniques du Nord, avant de recevoir l’appellation définitive de Borealis Planitia. Elles comprennent de grands cratères d’impact, qui contiennent eux-mêmes des cratères plus petits. Ils ont été creusés par des impacts successifs : des chutes de corps massifs puis celles de corps plus légers. Des petits cratères ont été remplis par de la lave, mais on devine encore leurs contours. Ils sont appelés des « cratères fantômes ». Cette situation montre que la lave n’a pas été émise quand les grands cratères ont été formés, par fusion de la croûte lors du choc : de petits impacts ont eu le temps de se produire avant que les coulées de lave n’arrivent. On observe également des crêtes caractéristiques des plaines basaltiques lunaires, appelées des dorsa (dorsum au singulier). Ces plaines sont l’expression d’un volcanisme qui s’est terminé il y a plus de 3 milliards d’années. Les cheminées ou fissures par lesquelles les coulées de lave se sont épanchées ne sont pas visibles, certainement parce qu’elles ont été recouvertes.
Il existe également, à proximité de Borealis Planitia, d’anciens chenaux dans lesquels un liquide à faible viscosité a manifestement coulé. Comme il est très peu probable que de l’eau liquide ait jamais existé sur Mercure, c’était sans doute de la lave. L’écoulement devait être assez rapide et turbulent pour qu’elle puisse creuser le sol. L’étude des cratères d’impact a montré que Borealis Planitia a été recouverte par 700 à 1 800 mètres d’épaisseur de lave durant une période relativement courte, de peut-être 100 millions d’années. Mais ces coulées paraissent avoir affecté quasiment toute la planète : elle semble avoir été « resurfacée » comme l’a été Vénus plus récemment. Elles auraient effacé des cratères de diamètre compris entre 20 et 128 kilomètres. Les plaines intercratères, qui sont à première vue différentes des plaines lisses, auraient été autant affectées par le volcanisme.
Le volcanisme explosif
Mercure comprend des dépressions distinctes des cratères d’impact. On en a dénombré 174. Leurs formes sont irrégulières au lieu d’être circulaires. Elles ne sont pas entourées d’éjectas comme les cratères d’impact et n’ont pas non plus de rebord surélevé. La plupart d’entre elles sont plutôt entourées d’anneaux sombres ayant une marge externe diffuse qui ont été appelés des faculae. Ils sont constitués d’un matériau différent des roches locales et sont donc probablement d’origine volcanique : ce sont des matériaux pyroclastiques, c’est-à-dire des particules éjectées lors d’éruptions explosives.
Elles commençaient sans doute de la même manière que sur Terre. Généralement, un magma visqueux contient des gaz dissous qui s’exsolvent. Il se forme alors des bulles qui le fragmentent et précipitent son ascension. Ce que l’on appelle des cendres volcaniques, ce sont de grains de magma solidifié dont l’accumulation ressemble à du sable. Sur Terre, les volcans « gris » expulsent des colonnes de cendres dans l’atmosphère à des centaines de kilomètres par seconde. Sur Mercure, en l’absence d’atmosphère, la dynamique devait être très différente. Les nuages de particules devaient prendre l’apparence de parapluies comme sur Io, un satellite de Jupiter où le volcanisme est très actif. De plus, il était impossible que l’accumulation de ces particules ressemble à des cônes comme sur Terre.
Dans l’ensemble, ce volcanisme explosif reste moins répandu que le volcanisme effusif, qui a recouvert Mercure de coulées de lave fluide. Ce dernier a dû se produire durant la jeunesse de la planète, grâce à la chaleur résultant de son accrétion et du déclin des éléments radioactifs à courte durée de vie. La contraction de Mercure causée par son refroidissement a provoqué une compression de sa croûte défavorable à l’ascension de magma, mais elle n’a pas empêché les éruptions explosives. Dans la grande majorité des cas, celles-ci se sont déclenchées aux endroits où le sol-sous était déjà fracturé, notamment dans des cratères d’impact. Les évents (par lesquels la lave a été éjectée) sont souvent allongés au bord d’un cratère ou se trouvent à proximité de son pic central. On en voit également le long des escarpements lobés (ou scopuli), qui sont des structures compressives. Elles expriment la présence des failles inverses : là où un compartiment de la croûte grimpe sur un autre le long d’un plan incliné. Elles permettent la migration du magma vers la surface. Ce volcanisme explosif s’est poursuivi longtemps après la fin du volcanisme effusif. Peut-être était-il encore actif il y a moins d’un milliard d’années.
Explication du volcanisme explosif
En 2015, l’épaisseur de la croûte de Mercure a été estimée à 35 ± 18 km. En 2018, Roger J. Phillips, Paul K. Byrne et al., ont présenté une estimation plus précise à 38 km, mais avec des variations considérables : l’épaisseur va de 6 à 60 km. Cela révèle une histoire géologique complexe. Pour toutes les planètes telluriques, il est possible de définir une croûte et un manteau. Ces deux parties ont des compositions distinctes et la première est moins dense que la seconde. La sonde MESSENGER était équipée d’un spectromètre à rayons gamma. Il détectait le rayonnement gamma émis par les noyaux des atomes de la surface de Mercure, sous l’effet des rayons cosmiques (des particules de très haute énergie frappant la surface). Les éléments composant la croûte de Mercure ont ainsi été identifiés, sans que cela ne permette de connaître directement ses roches. Il s’est avéré qu’elles contiennent plus de magnésium et de soufre (jusqu’à 6 %) que les basaltes océaniques terrestres, et moins d’aluminium, de calcium et de fer (moins de 2 %). Neuf régions de compositions distinctes, appelées des terranes géochimiques, ont été observées. De même que l’épaisseur de la croûte, elles reflètent la complexité de cette planète.
Avant cette mission, on pensait que Mercure était pauvre en éléments volatils, ce qui rendait improbable l’existence d’un volcanisme explosif, mais les observations ont indiqué l’inverse. Il faut des substances volatiles pour fragmenter le magma. Sur la Terre, ce rôle est tenu par l’eau et le dioxyde de carbone. C’est avant tout la vapeur d’eau qui déclenche les éruptions explosives sur Terre, mais certainement pas sur Mercure. Tandis que la surface de la Terre est oxydée, celle de Mercure est réduite : ses espèces chimiques ont tendance à céder des électrons. L’abondance du soufre et la rareté du fer sont des expressions de cette propriété. Les plaines lisses ont été formées par l’épanchement d’un magma riche en magnésium et exceptionnellement fluide.
Comme la Terre et la Lune, Mercure a dû être recouverte d’un océan de magma dans les premiers temps. Dans des conditions aussi réductrices, le seul matériau qui pouvait flotter dessus était le graphite (du carbone pur). On pense donc que la croûte primaire de cette planète était essentiellement constituée de graphite. Elle devait être fine, avec seulement 100 à 1 000 mètres d’épaisseur. Plus tard, les éruptions volcaniques l’ont recouverte d’autres matériaux, mais il est toujours observable. D’après le spectromètre à neutrons de MESSENGER, la surface contient environ 1 % de carbone. Ce n’est pas forcément du graphite, mais les régions comportant des matériaux sombres sont plus riches en carbone, avec des pourcentages variant entre 2 et 4 %. La présence de graphite y est très probable. Ces régions sont associées à de grands cratères d’impact. Les chutes d’astéroïdes ont dû mettre à jour du graphite enfoui dans la croûte actuelle.
Le soufre et le carbone peuvent tous les deux être responsables du volcanisme explosif. D’après une publication récente de Kayla Iacovino, Frank McCubbin et al., c’est le graphite qui est le principal coupable. Il explique les trois quarts des dépôts pyroclastiques observés sur Mercure. Cette conclusion repose sur des expériences effectuées en laboratoire. À partir de 1 100 °C, le graphite réagit avec des oxydes de fer fondus pour donner du monoxyde de carbone CO ou du dioxyde de carbone CO2, ainsi que du fer métallique. Par conséquent, si du magma comprenant de la silice SiO2 et de l’oxyde ferreux FeO monte du manteau de Mercure et rencontre du graphite, des bulles de CO et de CO2 naissent et le fragmentent, d’où une projection de matériaux pyroclastiques. À côté du graphite subsistant, un alliage fer-silicium composé majoritairement de silicium apparaît. Les observations ont montré que cet alliage métallique constitue de 12 à 20 % des terranes géochimiques. La présence d’une telle quantité de silicium métallique est une caractéristique surprenante de Mercure. Cet élément est abondant dans la croûte et le manteau terrestres, mais sous forme oxydée : silice et surtout silicates SiO4. Quant au soufre, sa faible solubilité dans les magmas lui interdit d’être une source primaire de composés volatils. Peut-être de l’hydrogène présent dans les magmas intervient-il.
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Timothy A. Goudge et al., Global inventory and characterization of pyroclastic
deposits on Mercury: New insights into pyroclastic activity from MESSENGER orbital data, JGR Planets 119, 2014.
Francis M. McCubbin et al., A Low O/Si Ratio on the Surface of Mercury: Evidence for Silicon Smelting?, JGR Planet, 29 September 2017.
Roger J. Phillips et al., Mercury’s Crust and Lithosphere: Structure and Mechanics, in The View after MESSENGER, Edited by Sean C. Solomon, Larry R. Nittler, and Brian J. Anderson, Cambridge, 2018.
Rebecca J. Thomas, David A. Rothery, Volcanism on Mercury, Elements 15, 2019.
Kayla Iacovino et al., Carbon as a key driver of super-reduced explosive volcanism on Mercury: Evidence from graphite-melt smelting experiments, Earth and Planetary Science Letters, Volume 602, 15 January 2023.
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