Dans les premiers instants de l’Univers, le rayonnement était abondant. Il y avait donc beaucoup de photons, mais quand ils ont suffisamment d’énergie, ils ont la capacité de se changer en une paire particule-antiparticule. Un photon peut par exemple se transformer en un électron et un antiélectron, plutôt appelé positon. L’électron et le positon ont la même masse (qui est équivalente à de l’énergie d’après l’équation E = mc2) mais des charges électriques opposées. Ils ont aussi des « nombres leptoniques » opposés. Il s’agit de quantités qui se conservent. Un photon a une charge électrique nulle ; c’est aussi le cas de la paire électron-positon qui se crée à partir de lui.
Inversement, quand une particule rencontre son anti-particule, elles s’annihilent : elles se transforment en un photon. C’est pourquoi l’antimatière n’existe pas dans notre monde. Seules quelques antiparticules errent dans l’espace. Pourquoi y a-t-il une telle dissymétrie ? Pour le moment, le mystère est complet, mais l’on sait que sans cette très légère dissymétrie, il n’y aurait aucun atome dans l’Univers. L’observation du fond diffus cosmologique (voir ci-dessous) a montré qu’il y a un milliard de fois plus de photons que de baryons.
Dix microsecondes après le Big Bang et à une température de 2 000 milliards de kelvins, les quarks, qui pouvaient jusqu’alors se mouvoir librement, ont été confinés dans des hadrons. C’était le début de l’ère hadronique. Mais très vite, les hadrons se sont annihilés avec leurs antiparticules et il n’a subsisté qu’un reliquat de nucléons (protons et neutrons). Ce sont les constituants des noyaux atomiques. Il restait également des pions, des particules plus légères constituées d’un quark et d’un antiquark. Ils lient les nucléons à l’intérieur des noyaux. Un peu plus tard, cent microsecondes après le Big Bang, ceux-ci ont à leur tour été annihilés. L’Univers était alors presque uniquement rempli de photons, de leptons et de leurs antiparticules, si bien que l’ère leptonique a commencé.
Les neutrinos sont des leptons de masse extrêmement petite, qui se déplacent quasiment à la vitesse de la lumière. Au début de l’ère leptonique, ils interagissaient constamment avec les autres particules. Ils ne pouvaient cependant le faire que par l’interaction faible, qui a une portée très limitée, inférieure au rayon d’un proton. Comme l’expansion de l’Univers augmentait les distances entre les particules, 1,6 seconde après le Big Bang et à une température de 10 milliards de kelvins, les neutrinos sont devenus incapables d’interagir avec les autres particules et se sont découplés. À partir de ce moment, ils se sont déplacés librement. Ils sont toujours présents et nous baignons dans ce flux de neutrinos datant de la première seconde de l’Univers, mais leur énergie est si basse qu’il ne sera sans doute jamais possible de les détecter. Et pourtant, ils sont nombreux : il y a un milliard de neutrinos et autant d’antineutrinos pour un seul proton. En raison de leur faible masse, ils n’ont pas pu s’annihiler avant le découplage. On les appelle les neutrinos cosmologiques.
L’ère leptonique s’est achevée quand les électrons et les positons se sont presque tous annihilés. L’énergie des photons n’était plus assez grande pour produire des paires électron-positon. L’Univers était alors rempli d’un plasma de photons, de protons, de neutrons et d’électrons. En s’associant, un proton et un électron forment un atome d’hydrogène, le plus simple et le plus abondant de tous les éléments, mais l’Univers était encore beaucoup trop chaud pour que des atomes puissent exister.
La nucléosynthèse primordiale
Elle a commencé après l’ère leptonique, une dizaine de secondes après le Big Bang. et elle s’est terminée une vingtaine de minutes plus tard, quand la température est descendue sous les 200 millions de kelvins. L’Univers ressemblait alors au cœur d’une étoile. Les nucléons entraient en collision, ce qui était susceptibles de les faire fusionner. Pour commencer, un proton pouvait se lier à un neutron, donnant un noyau de deutérium (ou hydrogène 2), qui est un isotope de l’hydrogène. Cette réaction avait déjà lieu pendant l’ère leptonique, mais les noyaux de deutérium étaient immédiatement détruits. Ils sont également détruits dans les étoiles, si bien que le deutérium produit pendant la nucléosynthèse primordiale est en diminution constante. Des noyaux de tritium (ou hydrogène 3), comportant un proton et deux neutrons, ainsi que d’hélium (hélium 4), comportant deux protons et deux neutrons, ont également été créés. C’est le nombre de protons, ou numéro atomique, qui détermine la nature d’un élément chimique. Pour qu’un atome soit électriquement neutre, des électrons doivent se lier au noyau en nombre égal. Les neutrons accroissent la masse d’un atome. Son nombre de masse est le nombre de nucléons (protons et neutrons) de son noyau : quatre dans le cas de l’hélium 4.
Du béryllium 7 a été créé lors de la nucléosynthèse primordiale, à partir de l’hélium, mais cet élément de numéro atomique 4 est radioactif avec une demi-vie de 53 jours. Cela signifie qu’au bout de ce laps de temps, le nombre de noyaux a été divisé par 2. Un proton réagit avec un électron pour donner un neutron et un neutrino. Ainsi, le béryllium 7 s’est transformé en lithium 7, qui est stable. Des traces ont été détectées dans des étoiles de la périphérie de la Galaxie. Elles ne paraissent pas s’enrichir en éléments lourds et certaines ont été formées seulement un milliard d’années après le Big Bang.
Les étoiles sont des fabriques d’éléments chimiques. De l’hélium est actuellement synthétisé à partir d’hydrogène au centre du Soleil, lors de réactions thermonucléaires. Notre étoile ne libèrera pas ces nouveaux éléments, mais d’autres le feront. Toutes les galaxies s’enrichissent de la sorte en éléments lourds. Cependant, la nucléosynthèse stellaire n’explique pas l’abondance de l’hélium, qui est de 25 % en masse (un quart de toute la matière baryonique) et de 8 % en nombre d’atomes. Elle est observée dans toutes les galaxies. Seule la nucléosynthèse primordiale peut l’expliquer. Les abondances théoriques des éléments légers sont en excellent accord avec les données observationnelles, sauf pour le lithium 7. Il y a un problème que les astrophysiciens n’arrivent pas à résoudre, mais qui ne remet pas en cause le principe de leurs calculs.
Le fond diffus cosmologique
La période qui succède à la nucléosynthèse primordiale est l’ère radiative. On l’appelle ainsi parce qu’elle est dominée par les photons. Ils sont constamment diffusés, c’est-à-dire déviés, par des électrons qui s’agitent dans ce plasma. Un observateur qui voyagerait dans l’Univers de cette époque verrait beaucoup de lumière mais il ne pourrait pas voir ses bras, ni d’ailleurs tout le reste de son corps. En effet, les photons qui quittent ses bras sont déviés et ne peuvent arriver à ses yeux. Le plasma est opaque, ce qui ne veut pas dire noir. Cependant, la dilatation de l’espace faisait décroître la densité d’énergie radiative plus rapidement que celle de la matière, car il faisait augmenter la longueur d’onde des photons. Plus celle-ci est grande, moins le photon a d’énergie. En revanche, la masse des particules de matière, qui équivalente à de l’énergie, ne varie pas. Au bout de 38 000 ans, la densité d’énergie radiative est devenue égale à celle de la matière. La température était alors de 11 000 K.
L’énergie sombre était négligeable, mais elle ne se dilue pas dans l’espace durant son expansion, contrairement à la matière noire, à la matière baryonique et aux photons. Elle a donc pris une place de plus en plus importante, au fil des milliards d’années.
Les électrons ont pu se combiner avec les noyaux d’hydrogène et d’hélium 380 000 ans après le Big Bang pour former des atomes, qui sont électriquement neutres. Les photons ont alors pu voyager sans être arrêtés : ils se sont découplés de la matière. Autrement dit, le plasma s’est transformé en gaz et celui-ci était transparent. La température était tombée à 3 000 K.
Ces photons existent toujours aujourd’hui, mais la dilatation de l’espace a augmenté leur longueur d’onde. Ils ne se situent plus dans le domaine de la lumière et des infrarouges, mais dans celui des micro-ondes. Ils reflètent une température de 2,73 K (- 270,42 °C) au lieu de 3 000 K. Ce rayonnement « froid » dans lequel tout l’Univers baigne, est le fonds diffus cosmologique. De même que l’abondance de l’hélium, il ne peut s’expliquer que par le Big Bang. Néanmoins, ce n’est pas une image du Big Bang, mais de l’Univers tel qu’il était 380 000 ans après. Il est semblable à la lumière des plus anciennes galaxies, émise il y a plus de 13 milliards d’années et dont la longueur d’onde a aussi augmenté (c’est le décalage vers le rouge remarqué par Hubble). Il vient cependant de toutes les directions à la fois, avec une extrême isotropie. Ses très légères variations permettent de calculer l’âge de l’Univers et l’abondance de la matière baryonique, de la matière noire et de l’énergie sombre, et de connaître sa courbure.
La surface du Soleil donne une idée de ce qu’était l’Univers peu avant le découplage des photons. Elle est constituée d’un plasma de 74,9 % d’hydrogène et de 23,8 % d’hélium, avec 1,3 % d’éléments lourds, chauffé à 5 780 K (5 506 °C). À cette température, le pic de rayonnement se situe à 500 nanomètres dans le domaine de la lumière (longueurs d’onde de 380 à 780 nm), mais le Soleil émet aussi des ultraviolets et des infrarouges. À 3 000 K, le pic se trouve dans les infrarouges proches à environ 1 micromètre (1 000 nm). Un voyageur aurait baigné dans une lumière rouge. Le découplage des photons lui aurait permis de voir ses bras, puisqu’il naviguait dans un gaz transparent d’hydrogène et d’hélium.
Le décalage vers le rouge est toujours noté z. On définit z + 1 comme le rapport entre la longueur d’onde augmentée, telle qu’elle est actuellement mesurée sur Terre, et la longueur d’onde originelle d’un photon. Une galaxie située à 6 milliards d’années-lumière a un décalage vers le rouge de 0,62. La galaxie GN-z11, découverte en 2015 dans la constellation de la Petite Ourse, a un décalage vers le rouge de 11. La lumière que nous percevons d’elle a été émise il y a 13,4 milliards d’années, soit 400 millions d’années après le Big Bang. Elle se trouve actuellement à 32 milliards d’années-lumière de la Terre. Le télescope spatial James Webb, mis en service en 2020, a rapidement trouvé une galaxie encore plus éloignée : Glass-z12, dont le décalage vers le rouge excède probablement 12. Elle nous apparaît telle qu’elle était 350 millions d’années après le Big Bang. Au-delà de z = 8, les galaxies se raréfient beaucoup. Elles sont petites et irrégulières.
Pour le fond diffus cosmologique, z atteint exactement 1 089. La longueur d’onde des infrarouges proches a tellement augmenté qu’elle a gagné le domaine des micro-ondes, dont les longueurs d’onde vont de 1 millimètre à 30 centimètres. Cela correspond à une température d’émission de 2,73 K, proche du zéro absolu, au lieu de 3 000 K.
Âges sombres et aube cosmique
Après le découplage des photons, la lumière dans laquelle baignait l’Univers est devenue de plus en plus rouge, à mesure que les longueurs d’onde augmentaient, et elle a fini par s’éteindre totalement. Les photons étaient tous passés dans le domaine de l’infrarouge. Il n’est pas sûr, toutefois, que l’Univers était plongé dans un noir total. L’existence de trous noirs primordiaux a été supposée. Stephen Hawking en a donné une description détaillée en 1971. Ils se seraient formés quand l’Univers était encore très dense, peut-être à partir de la matière noire. Ces astres sont noirs par définition, aucun rayonnement ne pouvant s’échapper d’eux, mais ils sont entourés de disques d’accrétion qui peuvent être très lumineux : c’est de la matière qui s’échauffe et rayonne durant sa chute vers les trous noirs. Ce rayonnement est tellement énergétique qu’il comprend des rayons X.
Si elle est constituée de particules très massives, la matière noire pourrait s’être découplée quelques millisecondes après le Big Bang. Durant l’ère radiative, les photons exerçaient une pression sur la matière, qui lui interdisait de se concentrer en certains endroits. La matière noire, en revanche, n’était pas soumise à cette pression. À partir du moment où la densité d’énergie des photons est devenue inférieure à celle de la matière, 38 000 ans après le Big Bang (avec z = 4 000), la matière noire a pu former des concentrations, qui étaient cependant limitées par la dilatation de l’espace. Elles ont joué un rôle essentiel. Si la matière noire et la matière baryonique étaient restées uniformément réparties dans l’Univers, les galaxies, les étoiles et les planètes n’auraient jamais existé.
Après le découplage des photons, la densité de matière a été libre de varier, mais elle a surtout été attirée par les concentrations de matière noire. C’est celle-ci qui est responsable des premières structures de l’Univers. Les étoiles ont commencé à se former environ 100 millions d’années après le Big Bang, initiant l’aube cosmique. On s’attend à ce qu’elles aient été très massives, à cause de l’absence d’éléments lourds dans le gaz : tout ce qui n’est pas l’hydrogène et l’hélium et que les astrophysiciens appellent des « métaux ». Une étoile se forme par effondrement gravitationnel. La pression du gaz s’y oppose. L’absence des métaux la rend élevée, si bien que l’effondrement demande beaucoup de masse. Étant massives, les premières étoiles ont dû avoir une vie courte de l’ordre de seulement 1 million d’années. Elles ont explosé en supernovas en répandant dans l’espace les éléments qu’elles avaient synthétisés. À ce moment, les premières galaxies n’existaient pas encore.
Grâce à leur température de surface très élevée, ces étoiles rayonnaient surtout dans l’ultraviolet. Elles ont ionisé le gaz. La matière a ainsi retrouvé un état qu’elle n’avait plus connu depuis l’émission du fond diffus cosmologique. Cette époque est celle de la réionisation de l’Univers, qui a affecté des régions de plus en plus importantes avant de prendre rapidement fin. Les astrophysiciens espèrent détecter un rayonnement émis par l’hydrogène à cette époque, dont la longueur d’onde était initialement de 21 centimètres. Elle est maintenant de plusieurs mètres.
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