Le diamant est de très loin le plus dur de tous les minéraux. Il est transparent quand il est pur et son indice de réfraction est très élevé – c’est la capacité à dévier la lumière. Le faciès de ces cristaux est normalement octaédrique, comme on le voit sur cette photo. Sa rareté contribue à le rendre précieux. Ce n’est pas la peine de faire un trou dans votre jardin pour chercher des diamants. Vous n’en trouverez nulle part en France, ni dans toute l’Europe occidentale. Il faut les chercher sur les cratons archéens : les très vieilles croûtes continentales, d’un âge supérieur à 2,5 milliards d’années. Il y en a dans une moitié méridionale de l’Afrique, en Russie européenne, en Sibérie centrale et à l’ouest de l’Australie. Le sous-continent indien, qui est également un craton, a fourni les premiers diamants connus, exploités dès 800 avant notre ère. À l’époque de l’empire portugais, il a été remplacé par le Brésil. Les mines d’Afrique du Sud sont en cours d’épuisement. Le Canada devient un nouveau producteur : la première mine a été ouverte en 1998. Ce pays devrait alimenter au moins 15 % du marché mondial.
Les cratons sont des plaques lithosphériques très stables, qui ne sont soumises qu’à quelques mouvements horizontaux. Sous les cratons archéens, l’épaisseur de la lithosphère peut atteindre 200 à 250 km. Elle y est donc nettement plus épaisse qu’ailleurs. Rappelons que la lithosphère, constituée en surface d’une croûte continentale ou océanique et en profondeur de roches appelées les péridotites, est la partie superficielle de la Terre, rigide et cassante (voir La structure de la Terre). Dessous, se trouve l’asthénosphère, où les péridotites sont ductiles et animés de lents mouvements de convection qui évacuent la chaleur interne de la Terre. C’est cela qui fait bouger les plaques lithosphériques. La zone de stabilité des diamants, constitués de carbone pur, se situe entre 150 et 250 km de profondeur, où il est soumis à des températures de 1100 à 1500 °C. Cette zone correspond à la partie inférieure des cratons archéens. À une profondeur moindre, le carbone prend la structure cristalline du graphite. Dans la grande majorité des cas, ces diamants se sont formés il y a plus de 2,5 milliards d’années, donc durant l’Archéen. Il peut aussi se former des diamants dans l’asthénosphère, grâce à la subduction de plaques océaniques. Ces plaques, qui portent des sédiments carbonatés comme le calcaire, s’enfoncent par endroits dans l’asthénosphère. Ainsi, le calcaire, souvent formé de débris d’organismes vivants, peut engendrer des diamants !
Les cratons archéens sont d’épaisses plaques où il est censé ne rien se passer. Comment se fait-il que des diamants, formés dans leur partie inférieure, puissent arriver en surface ? Il faut savoir qu’on les trouve surtout dans des roches éruptives appelées des kimberlites. Elles tiennent leur nom de la ville de Kimberley en Afrique du Sud. Ce sont des variétés de péridotites, lesquelles sont essentiellement constituées d’olivine (aussi appelée péridot) et de pyroxènes. Ce sont les roches du manteau supérieur. Les kimberlites comportent en plus du phlogopite (un mica), parfois aussi du pyrope (un grenat) ou du diopside chromifère (un pyroxène vert émeraude). Elles sont riches en eau et en dioxyde de carbone, ainsi qu’en potassium et en sodium. Leur composition montre qu’elles proviennent de la fusion très partielle de roches situées à une grande profondeur. Ces roches pourraient être des éclogites, qui sont d’anciennes croûtes océaniques métamorphisées par la pression et la chaleur. La composition du magma évoluerait pendant qu’il monterait à travers les péridotites du manteau, jusqu’à devenir celle d’une kimberlite.
Les diamants seraient des cristaux présents depuis longtemps dans le manteau, entraînés par ce mouvement ascendant. On qualifie ces cristaux « étrangers » de xénocristaux. Une augmentation de la teneur en silice du magma entraînerait une chute brutale de la solubilité du CO₂, et donc la formation de bulles de gaz. Cela diminuerait la densité du magma et accélérerait son ascension. Il arrive à trouer la croûte continentale en montant à une vitesse de 40 à 100 km/h. Quand il atteint la surface, il sort à une vitesse supérieure à celle du son, soit 1200 km/h. Il se produit par conséquent une éruption volcanique dévastatrice. C’est la vitesse de ce phénomène qui interdit aux diamants de se transformer en graphite au cours de leur montée. Les conditions doivent aussi être réunies pour qu’ils ne brûlent pas en surface, puisqu’ils sont constitués de carbone.
Par chance, de telles éruptions ne se déclenchent plus aujourd’hui. Mais ce magma solidifié, la kimberlite, existe toujours. Les kimberlites d’Afrique du Sud se sont mis en place il y a 100 millions d’années, soit en plein Crétacé, une époque où les dinosaures régnaient sur la Terre. Les cheminées volcaniques ont jusqu’à 2 km de profondeur et quelques kilomètres de circonférence, avec une forme en entonnoir. On les appelle des diatrèmes. Par endroits, la kimberlite a été attaquée par l’érosion. Elle est alors transportée sous forme de graviers par les cours d’eau. Il est possible de trouver des diamants en fouillant ces graviers, que les mineurs désignent sous le nom de placers. Les premiers diamants trouvés en Afrique du Sud provenaient de l’Orange River et de ses affluents. C’est en remontant à la source de ces cours d’eau que l’on est arrivé aux diatrèmes et à leurs kimberlites. Le transport des diamants par l’eau a l’avantage de faire un tri : les gros diamants sans défauts se déposent dans les placers tandis que les plus petits, avec des défauts, sont entraînés plus loin. Les gisements les plus importants se trouvent en fait sur les côtes occidentales de l’Afrique du Sud et de la Namibie. Des diamants ont été transportés jusqu’à la mer et on les récolte en extrayant les sédiments.
Dernièrement, des géophysiciens viennent d’annoncer que les cratons recèlent mille fois plus de diamants que prévu. Ils se sont basés sur la vitesse des ondes sismiques de type S (transversales). Elles subissent une accélération importante entre 120 et 150 km de profondeur, avec plus de 4,7 km/s. Or la vitesse des ondes sismiques est fonction de la nature des roches et des minéraux traversés. Les résultats observés s’expliquent si le manteau comporte, à cette profondeur, jusqu’à 20 % d’éclogites et environ 2 % de diamants. Il y en aurait un million de milliards de tonnes. C’est alléchant mais personne ne peut avoir accès à ce trésor. Les forages les plus profonds atteignent péniblement une douzaine de kilomètres et il n’y a plus d’éruptions kimberlitiques. Il faut se contenter de récolter les diamants qui ont été éjectés du manteau jusqu’au Crétacé. Au moins a-t-on appris que le carbone est plus abondant que prévu dans le manteau supérieur.
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Joshua M. Garber et al., Multidisciplinary Constraints on the Abundance of Diamond and Eclogite in the Cratonic Lithosphere, Geochemistry, Geophysics, Geosystems, 19 June 2018.
https://agupubs.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1029/2018GC007534
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